Les Vieux

 

Story-board à la gomme, à fissa effacer ? Dessin du destin, élégie sans nostlagie… 

En vieillissant, on se calme et on vote à droite ? Certes, peut-être, mais la vie va moins vite, le corps redécouvre la mort, le rétroviseur s’avère une vanité, habitacle d’Ecclésiaste. En 1985, Barron adoube donc trois norvégiens larrons. Le réalisateur de Electric Dreams (1984) ou Pinocchio (1996), le clipeur de Billie Jean, Rough Boy, Do You Really Want to Hurt Me, Karma Chameleon, For Your Eyes Only (Rien que pour vos yeux, Glen, 1981), le producteur (exécutif) de L’Expert (Llosa, 1994), aussi, immortalise le trio illico, manie la rotoscopie, remporte un prix MTV. Il signera ensuite, toujours pour ce groupe, l’épilogue dépressif et punchy de The Sun Always Shines on T.V., le lyrisme métamorphe de Hunting High and Low, un second Bond en BO (The Living Daylights, Tuer n’est pas jouer, Glen idem, 1987). À Londres tourné, par le DP Oliver Stapleton éclairé, de Stephen Frears naguère le partenaire régulier, cf. la lumière assez singulière, douce-amère, de My Beautiful Laundrette (1985), Prick Up Your Ears (1987), Les Arnaqueurs (1990), voire The Van (1996), le petit et mimi film musical connut un succès déjà mondialisé, ressuscita itou presque partout, en cover, en jeu vidéo, en série, au ciné (Bumblebee, Knight, 2018). Avec Take On Me, Barron fait l’éloge guère morose de la fiction, de sa puissance d’intrusion, main qui happe, en pleine traque patraque. Revoici en sus le sentimentalisme en musique de Electric Dreams, la BD substituée au PC. Que voir, de l’autre côté du miroir ? Des adversaires vénères, de la moto à gogo, bien sûr Bunty Bailey, chérie du chanteur, portée sur Les Poupées (Gordon, 1987), à la place fugace de l’Alice de Lewis. Si le cinéaste se souvient un brin de Au-delà du réel (Russell, 1980), de son distinguo dimensionnel, il se met au diapason des mectons pas cons, adopte leur tempo très allegro, délivre une œuvre au novateur brio. Le clip, au nombre de vues en ligne astronomique, associe ainsi réalisme du restaurant et romantisme d’élan, péril de course-poursuite et rythmique synthétique, envolées vocales et retrouvailles finales. Longtemps après, disons plus d’une trentaine d’années, revoilà les trois gras sympas de a-ha, en concert, en acoustique, à domicile. La captation d’occasion accuse le poids des saisons, donne à percevoir la mémoire et l’émotion, d’un public majoritairement féminin, tout acquis à la mélancolie du quasi sexagénaire Morten Harket et ses amis. Autrefois fausset joli à la Farinelli (Corbiau, 1994), le type qui pouvait plaire à Cocteau, amateur notoire de miroir molto homo (à Marais, oh, Orphée, 1950), désormais muni d’une irrésistible et fraternelle fragilité, revisite son hymne marque de fabrique, parvient à lui conférer le poids poignant de l’expérience, de l’existence, capsule temporelle contre présent intemporel. Tandis qu’au-dehors le crépuscule s’installe, les souvenirs resurgissent, ceux de leur jeunesse, ceux de la mienne. Les lyrics explicites persistent, avertissent : I’ll be gone/In a day or two, l’urgence juvénile de jadis s’éclipse, l’impératif s’affirme et s’affine supplique, le temps, pas seulement des amants, passe et trépasse si vite, parie sur moi, emporte-moi, oui-da, avant que je ne disparaisse de façon définitive, dans une souffle de voix, là devant toi. La lenteur, la douceur, la tristesse tressée en sourdine à la liesse, au(x) sourire(s) complice(s), tout ceci, épiphanie, séduit, variation évitant maintenant les virages et n’esquivant les visages, à demi humides…    


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