Punisher : Yakusa


D’entre les morts, tuer encore, avant, dire au revoir aux enfants…


Distribué par notre modernité de victimes identitaires, very vénères, Punisher (Mark Goldblatt, 1989) plairait peut-être aux Blacks (Lives Matter, brother), aux féministes (moi aussi, ma chérie), car il affiche, en quasi figurants, nonobstant, un officier (de police) noir puis une femme flic (blonde), mais moins aux membres de la « communauté asiatique », déjà fort irritée par L’Année du dragon (Michael Cimino, 1985), allons bon. De ce métrage d’un autre âge, disons celui d’avant la numérisation des imageries, pas seulement celle d’action, le manichéisme confine-t-il au racisme ? Et son féminisme de surface affirme-t-il en filigrane une misogynie (pas si) jolie, les femmes fortes in fine à trucider en tandem de « féminicides », la première la nuque brisée, la seconde par un couteau lancé illico trépanée, sayonara, salopes ? N’allons pas jusque-là, soulignons que la Japonaise impitoyable possède une fifille adoptive carrément « caucasienne », comme on dit là-bas, aux cosmopolites et parfois iniques USA, une Américaine mutique en kimono de schizo. La problématique politique vite évacuée, que vaut cet item pré-Marvel, comprendre advenu avant la vaine vague des super-héros à (pour) gogo(s) ? Dépourvu d’une réalisation digne de ce nom, puisque hélas l’estimable monteur – pour Joe Dante, Menahem Golan, James Cameron, Paul Verhoeven ou Michael Bay –, promu éphémère réalisateur, s’amuse et abuse de sa steadicam, ne se soucie pas assez du (mélo)drame ; rendu dérisoire par ce qui se faisait alors du côté de Hong Kong, par exemple chez Tsui Hark, Ringo Lam, Johnnie To ou John Woo ; bien longuet malgré sa durée limitée, écourtée, Punisher dispose cependant d’une poignée de qualités, dont l’interprétation de Dolph Lundgren, acteur sous-estimé, certes desservi par sa fastidieuse filmographie, type intelligent capable d’être par à-coups brillant.



Après l’émerveillement de l’adversaire russe sidéré par le show US (Rocky IV, Sylvester Stallone, 1985), voici l’abattement du lieutenant (à peine) survivant, père et veuf dévoré par la vengeance inassouvissable, son besoin malsain, son supplice sans fin. Sorte de joueur de flûte de Hamelin inversé, brisé, Frank Castle, exécuteur plus costaud, moins magnanime que son homonyme de série à la TV, conserve quand même une part d’humanité, matérialisée par un comédien alcoolisé, clochardisé, son Cricket Jiminy à lui. Tel auparavant Jean Valjean, il traverse des égouts, il y réside, il y médite, de dos, désapé, il interroge Dieu et dans l’attente d’une réponse hypothétique, il continue son nettoyage « ethnique », caste de criminels capitalistes aux patronymes à consonance transalpine, à fissa décimer en solo, avec de gros biscottos et un visage creusé tout droit sorti du tombeau. Némésis en cuir, à moto, le Punisseur va devoir cette fois-ci punir des ravisseurs (d’héritiers à casiers) venus d’Asie, marchandage d’outrage, petits esclaves destinés au marché arabe, bigre. On se doute que l’issue ne fait aucun doute, que le fils kidnappé, libéré, qui vent d’assister à un parricide, n’appuiera pas sur la détente, Dolph le tente et lui promet de sa route recroiser s’il s’écartait du droit chemin de sa naturelle honnêteté, amen. Ainsi, les mafieux racistes, corporatistes, s’avèrent in extremis des pères de famille inquiets, insomniaques, sous médoc, moralisation de « l’Organisation », et le convaincant Jeroen Krabbé, secourable, pragmatique, commet un vrai-faux suicide, manière de museler la malédiction, de conjurer le cercle vicieux des violences, de défaire le lien infernal de la reproduction entre les générations, à la mode des Atrides.



On le voit, on le lit, Punisher pouvait, avec davantage de talent, d’engagement, s’orienter vers une tragédie adulte, à l’inspirant tumulte, au sujet de la perte irréparable, de l’injustice de la justice, de la folie funéraire, autarcique plutôt que narcissique, fatidique et non héroïque. En l’état demeurent un générique réussi, signé du spécialiste Wayne Fitzgerald, le charme mortel de Lady Tanaka, donc de Kim Myori, un Luna Park (australien) évocateur, terrain de jeux sérieux, à la dimension méta, une belle scène d’engueulade amicale en prison, base de démission, une mélancolie de zombie ranimé par les gamins, à l’instar du justicier zonard de Mad Max : Au-delà du dôme du tonnerre (George Miller, 1985). Moralité douce-amère de la fable imparfaite : au fond (du désespoir), afin d’affronter la souffrance, de s’en extraire de provisoire manière, rien de mieux que « l’innocence », quitte à (risquer de se faire) descendre d’une lignée à l’évidente, assumée, culpabilité, conglomérat condamnable, condamné, au présent et pour l’éternité, de la BD, du ciné, CQFD.


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