Le Secret du lac : La Prophétie des grenouilles
Nostalgie rassie ? Découverte guillerette…
« Les Noirs sont tellement bizarres » (« Blacks
got a lot of funny ways » en VO) : la réplique ne ravira les manifestants
de maintenant, mais Le Secret du lac (Brian Trenchard-Smith, 1986) présente avec
respect, sinon fraternité, ses « indigènes » d’Aborigènes, n’en
déplaise à la critique inique, politiquement correcte, par conséquent abjecte,
du bien-pensant The Guardian, osant gloser sur son « casual racism », mince,
qu’elle diligente un dictionnaire, qu’elle ôte ses œillères. Écrit et
co-produit par le valeureux Everett De Roche, scénariste inspiré de Long
Weekend (Colin Eggleston, 1978 + Jamie Blanks, 2008), Harlequin
(Simon Wincer, 1980), Razorback (Russell Mulcahy, 1984), Link
(Richard Franklin, 1986) ou Visitors (Richard Franklin, 2003), voici
un récit d’adolescence, de croyance, de masculinité, de maturité. Film
faussement zoologique et film effrontément euphorique, Le Secret du lac se
déroule au creux d’une Australie rurale, de parc national, villageoise, en
vacances, où un inventeur de quatorze ans, américain, orphelin, affronte son
monstre du Loch Ness à lui, aux grand dam des autorités municipales, de parents
impatients. Après celui de E.T. (Steven Spielberg, 1982), Henry
Thomas remonte à nouveau à vélo, certes trafiqué, sur rail, qui déraille. Il
séduit la décisive et pas danseuse Wendy, tant pis pour Peter (Pan), il sidère
sa petite sœur, lectrice au lit de traité dit érotique, il n’éprouve aucune
peur, juste une juste curiosité, enfant blanc capable d’explorer, d’enquêter, « respectfully »,
recommande son vrai-faux papa mécano, auprès de « basanés »
bienveillants, surtout un ancien chanteur, en train de l’observer sur les
hauteurs.
Ce passage à l’âge l’adulte, rempli
d’inoffensif tumulte, se caractérise par sa légèreté estivale, sa rapidité
amicale, sa seyante modestie, sa tendresse d’empathie. Le réalisateur
n’infantilise personne, ni les personnages, ni les spectateurs. Au contraire il
se sert, avec habileté, doigté, d’un cadre évocateur, d’un bestiaire point
austère. Commencé en POV, à proximité d’une éolienne guère sereine, Frog Dreaming,
à sa façon lucide et magnanime, interroge la dialectique du monde matériel et
des légendes fantastiques. Il finit deux fois, double coda placée sous le signe
du dessillement, de l’émerveillement. Après une révélation que certains
trouveront décevante, la créature aquatique in
extremis réduite à une « excavatrice » prosaïque, le nocher
réapparaît, le guide s’identifie, en sorcier maquillé, en chaman costumé, afin
d’affirmer, démonstration de saison à l’appui, cependant réservée au seul cordial
Cody, que « le monde de la magie existe réellement » (« this is
a frog dreaming »), et du « rêve » idem (« there is a dream
time »). Un sentiment vraiment émouvant traverse l’épilogue de concorde,
duo enfin au-delà des différentes couleurs de peau, sourires à l’unisson, d’un tandem de fidèles réunis par le
surnaturel. Au cœur du cratère de l’ancienne carrière, les restes de la
« civilisation » des colons disparaissent, victoire écologique, quasi cosmique, plutôt que revanche
tardive de natives racialisés, de locaux
spoliés. Comme dans Long Weekend, la Nature reprend des droits, le dernier mot lui
revient de loin. Néanmoins aucune misanthropie ici, à la place, en profondeur,
à la surface, une fable affable, à base de « figures paternelles » plurielles
et d’une spiritualité entichée de tabou, de sacré, de générosité.
Sans démagogie, sans sucrerie, Le
Secret du lac nous donne à (re)voir une belle histoire à laquelle
croire, une heure et demi durant. Bien incarné par un casting choral local impeccable, bien musiqué par Brian May, le
compositeur de Mad Max (George Miller, 1979), non le guitariste de Queen, bien
éclairé par John McLean (Les Voitures qui ont mangé Paris,
Peter Weir, 1974), ce conte pas con, méconnu, bienvenu, mérite son exhumation, son
visionnage en (pas grave) français, en (appréciable) 480p. De Roche y adresse
des clins d’œil de confrère, cf. le patronyme de Neville, souvenir du survivant
pas si solitaire de Richard Matheson (Je suis une légende), ou d’adversaire,
visez-moi ce néon-sabre laser à la Star
Wars (George Lucas, 1977). Il fait davantage, il esquisse un vif instantané
d’humanité, sise sur le seuil d’antiques mystères, dont ceux de la chair, de
mythes politiques, d’une imagination jamais contaminée par la déraison,
annonçant à sa mesure le Ça méta de Stephen King, bien sûr
plus sombre et cruel, moins linéaire et individuel, pourtant lui-même preuve,
posée en exergue explicite du périple de It, que la réalité ne se réduit au
rationnel, s’élargit jusqu’à la magie : « Kids, fiction is the truth
inside the lie, and the truth of this fiction is simple enough: the magic exists ».
Commentaires
Enregistrer un commentaire