Magic : The Dreamers


Jamais si bien desservi que par soi-même, dommage pour Goldman…


We live, as we dream – alone.

Conrad, Heart of Darkness

Dans Magic (Richard Attenborough, 1978), on passe de Lenny (Bob Fosse, 1974) à La Maison du lac (Mark Rydell, 1981). Dans Magic, presque rien ne se passe, ni dépasse, on aperçoit, toutefois, le sein droit d’Ann-Margret (Le Kid de Cincinnati, Norman Jewison, 1965 ou Tommy, Ken Russell, 1975), Burgess Meredith (Rocky, John G. Avildsen, 1976 ou La Sentinelle des maudits, Michael Winner, 1977) se fait casser la tête par une marionnette et Ed Lauter (King Kong, John Guillermin ou Complot de famille, Alfred Hitchcock, 1976) poignarder par un pantin, donc double assassin. Dans Magic, Anthony Hopkins pique une crise mutique, devant un pénible public, se réinvente en ventriloque à succès, ensuite exilé du côté des Catskills, monologue molto en mode schizo, une année après l’endeuillé Audrey Rose (Robert Wise, 1977), idem éclairé par Victor J. Kemper. Dans Magic, le romancier-scénariste William Goldman (Butch Cassidy et le Kid, George Roy Hill, 1969, Les Femmes de Stepford, Bryan Forbes, 1975 ou Marathon Man, John Schlesinger, 1976) semble se souvenir de Au cœur de la nuit (Alberto Cavalcanti, Charles Crichton, Basil Dearden, Robert Hamer, 1945) et de La Poupée diabolique (Lindsay Shonteff, 1964). Dans Magic, Richard Attenborough, lui-même acteur estimable (La Grande Évasion, John Sturges, 1963 ou La Canonnière du Yang-Tsé, Robert Wise, 1966), en dirige quatre remarquables. Produit par Joseph E. Levine (Le Mépris, Jean-Luc Godard, 1963), musiqué par Jerry Goldsmith (La Planète des singes, Franklin J. Schaffner, 1968, Chinatown, Roman Polanski, 1974 ou La Malédiction, Richard Donner, 1976), Magic mérite-t-il son exhumation ? Disons oui et non, car malgré tous les talents précités, il ne surprend, ne passionne, ni ne s’anime jamais, hélas.


Filmé de manière professionnelle et impersonnelle, Magic manque aussi de délicatesse, de finesse. Passé de la lumière à l’obscurité, au propre, au figuré, ceci dès la première scène, le mentor magicien Merlin ne va pas bien, « Corky » se fera fissa phagocyter par « Fats », ce que souligne un explicite travelling, où leurs profils se remplacent. Si Psychose (Hitchcock, 1960), via une coda didactique, établissait un érudit diagnostic, à destination du spectateur (im)patient, Magic esquisse à peine un piteux passé, petit pèlerinage en taxi compris, au pays des spectres obsolètes et de la pluie infinie. De retour ici, chez lui, l’homme timide et solitaire va vite renouer avec hier, vivre les « trois meilleures choses de sa vie » – merci aux trois fois au lit de l’impeccable Peggy. Mais l’amour de jeunesse, lui-même mal marié, torts partagés, possède un rival de (petite) taille, en la personne de l’alter ego phallo, peu porté sur les imprésarios à cigare et les époux à bonnet. Ancien dramaturge, Goldman s’auto-adapte et délivre une sorte de pièce de théâtre, sise en plein air, à la tonalité à la fois ironique et tragique, carburant davantage au « Ça » qu’à l’abracadabra, quoique, puisque exit le fantastique, en dépit d’un plan troublant, d’yeux indépendants en mouvement, et bienvenue à l’étude dite psychologique, digne d’un cas classé clinique, in extremis conclue par un suicide miroité, comme auparavant chez Edgar Allan Poe (William Wilson) ou Oscar Wilde (Le Portrait de Dorian Gray), autres spécialistes, très supérieurs, de la séparation à l’intérieur. Trop scolaire, pas assez mortifère, Magic se voudrait un ouvrage adulte, au sérieux tumulte, alors qu’il relève de la dramatique asthmatique, au romantisme superficiel. Demeure, néanmoins, une amicale mélancolie, oui.


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