One Please + Cured : Michael
Polo ou trépanation, il s’agit en définitive de relire pour le pire des
fables fertiles.
Si l’on en croit Tribeca, Jesse Burks
bosse dans l’Arkansas en tant que chirurgien. Admettons, comme dit Ismaël dans Moby
Dick acclimaté par Jean Giono. Dès lors, il ne pouvait, à ses moments
point perdus (pour le spectateur), que filmer en effet « au scalpel »
ces deux admirables contes de fées pour adultes. Le ciné, surtout classé
horrifique, relève indeed de la
chirurgie, de la découpe en plans de l’espace et du temps, de leur montage
dialectique assimilable à des points de suture. La « robe sans coutures du
réel » dont parlait André Bazin, il faut toujours la déchirer du regard
puis la recoudre à sa manière singulière, la seule qui vaille, sur écran ou par
écrit. One Please s’ouvre d’ailleurs dans une cuisine où une femme habillée
d’un tablier découpe des légumes, possible salut au célèbre raccord axé en
plongée de Carrie. Dehors, dans une rue héritée de l’imagerie anxiogène des
banlieues résidentielles US à la Carpenter, une gamine empruntée à Opération
peur avise une camionnette d’ice
(s)cream presque conduite par Stephen
King qui ne pense qu’à Ça. Afin de s’offrir la friandise
glacée, elle devra demander à la femme au foyer, flanquée d’un mari mutique,
immergé dans son journal, tenu d’une main aux deux phalanges manquantes, un
doigt d’elle-même, au sens le plus matériel de l’expression, offrande glaçante illico reconduite par sa sœur parmi une
marée de marmots probablement évadée du Village des damnés. Mais que ne
ferait-on pas pour la chair de sa chair, pour satisfaire une envie de sucrerie,
pour conjurer le spectre de l’ogresse ? Mutiler le corps, encore, dans Cured,
co-produit et co-réalisé par Eric England, rêverie en noir et blanc très élégant (signé
du DP Gabe Mayhan) autour d’un exorcisme à la perceuse, ustensile déjà manié
par le Driller Killer de Ferrara ou par l’Indien taquin de Body
Double, mes amitiés aux cinéphiles féministes en cette veille de
risible journée internationale.
Le toubib, accompagnée d’une gosse
curieuse, quelque part entre la Brooke Shields de La Petite et la Sheryl
Lee de Twin Peaks: Fire Walk with Me, fore dans le front de la
patiente démente (méconnaissable Scout Taylor-Compton, autrefois Laurie Strode selon le Halloween
de Rob Zombie) un avatar du fameux « troisième œil » de T. Lobsang
Rampa, en extraie via un aspirateur trivial
une sorte de vase maléfique et animée à la Ring, aussitôt incarnée en succube à
bouche acérée. La machine domestique marche aussi à l’envers et l’émule de
Pierre Brasseur dans Les Yeux sans visage, opérant au
milieu d’un asile rappelant celui de La Tête contre les murs, peut
injecter à la place du démon guère grec l’ange silencieux précité. Non
seulement One Please et Cured permettent de retrouver
l’irremplaçable Michael Berryman, inoubliable pensionnaire de Vol
au-dessus d’un nid de coucou, mémorable habitant de La colline
a des yeux, bourreau pas falot des Barbarians, croque-mitaine manifeste
et homme assurément estimable, amical, ils révèlent en outre la jeunette Sailor
Holland, promise, espérons-le, à un bel horizon de frissons. Outre ces deux
atouts majeurs, émouvant accord des générations, aimable mise en scène de transmission,
le diptyque de Burks se caractérise par son humour noirissime, son sens de
l’ironie, du cadre, du rythme, sa sérénité à donner à voir, immédiatement et
radicalement, une personnalité, un ton, un univers suffisamment indépendants,
en dépit des références ou influences relevées par votre serviteur, pour
séduire en soi et se tenir bien droit durant quinze minutes stimulantes,
marrantes et troublantes. J’ignore encore ce que deviendra Jesse Burks à
l’avenir, peu importe, à vrai dire, car One Please et Cured lui valent
aujourd’hui, au présent, mes louanges et ma reconnaissance.
En guise d’épitaphe tournée vers la
vie, mouvement éloquent de ce « genre » précieux et valeureux, je
cède volontiers, sans être torturé, la parole finale à la chaîne fréquentable
sur laquelle visionner les deux diamants supra :
« We love scary stories, we believe scary stories unite us and the best
ones make us a little more connected to each other ». Amen, fi des caries et des migraines !
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