Amityville: The Awakening : Le Jour où le cochon est tombé dans le puits


Le lit médical et la mort cérébrale, la légende et le vide, la cave et le cave.


Un film méta ? Un mélodrame maternel ? Un récit de possession ? Un imbuvable navet commis par un ami du dispensable Alexandre Aja – à défaut de donner dans l’auteurisme hystérique d’un Pascal Laugier (l’amateuriste et supposé antisarkozyste Martyrs), voilà ce que l’on vous autorise à (dé)faire aux USA, en matière d’horreur remakée, eh ouais. La seule source d’épouvante de ce métrage merdique, à la sortie sans cesse repoussée puis autorisée en gratuité, comme on se débarrasse de quelque chose de dégueulasse, réside dans Jennifer Jason Leigh, mère désespérée convertie à la démonologie (et veuve de cancéreux, mes aïeux) momifiée à l’image d’un film totalement inanimé, écrit par un illettré (cinématographique) et joué par un casting de MJC. Mais que fallait-il attendre de Jason Blum, l’épicier, pardon, le producteur très enrichi des Paranormal Activity (au lieu du Scope de cercueil, on échappa de peu au factice-fastidieux found footage) ? Mais que fallait-il espérer de Franck Khalfoun, assistant (et acteur) sur Le Grand Pardon 2 (pardonnons à Jennifer Beals, Jill Clayburgh, Christopher Walken) et responsable d’une nouvelle mouture de l’insurpassable Maniac de Bill Lustig & Joe Spinell ? Rien, deux fois rien. L’unique talent du cinéaste-scénariste consiste à filmer sous tous les angles possibles la culotte rose – couleur orpheline dans un opus délavé, au gris généralisé, pourtant éclairé par l’éclairé Steven Poster, collaborateur de Herschell Gordon Lewis, Michael Mann, Madonna, au travail remarquable sur Réincarnations, Traquée, Rocky V, Donnie Darko, Southland Tales + The Box, le triptyque de Richard Kelly – de la callipyge Bella Thorne, majeure transparente qui voudrait nous faire croire à sa persona d’ado goth, pauvre petiote.


L’argument désolant reflète le processus de fabrication, d’invasion, d’appropriation (palimpseste du papier peint). Le Français volontairement exilé rêvait peut-être de ranimer un cadavre, de ressusciter une franchise défunte depuis longtemps, sans grand bouleversement, le titre originel de Stuart Rosenberg (à la Red Room utérine moins consanguine que sa consœur chez Lynch à Twin Peaks) cité en séance DVD à domicile (à 3 h 15 du matin, l’esprit maléfique souffre d’insomnie). Il signe en vérité un ouvrage dépourvu d’âme, de sang, de mouvement, le requiem guère amène, rempli d’anémie, d’inepties, d’une certaine imagerie inoffensive, jeuniste, pasteurisée, décérébrée, à illico enterrer à l’intérieur d’un cercle salvateur d’amnésie (culpabilité d’un précieux « genre » méprisé car constellé de déchets, hélas). Dès lors, pourquoi s’infliger (moi, vous) un texte à son sujet ? Parce que l’item se lit (presque) en prétexte, parce qu’il métaphorise un affrontement sexué. Dans le huis clos pas beau, effroyablement falot, y compris en VO, un mec costaud, torse nu, se met à dessouder des gonzesses. Ici, en catimini, la guerre des sexes fait rage, substituée aux outrages incestueux d’Atrides délocalisés du côté de Long Island (le légume muet demande de l’aide en mode Linda Blair, l’émétique effrontée de Friedkin, écran prévenant à la place du ventre d’enfant, caresse le bras de sa maman hypnotisée sous le regard de la sœurette terrifiée). Le prédateur armé chasse les proies au sein de la maisonnée, gare à la tante exécutée en premier (Jennifer Morrison, rescapée de l’hosto du docteur House). Rosenberg s’aventurait naguère dans L’Horreur économique à la Viviane Forrester – relisez les lignes pertinentes de Stephen King dans Anatomie de l’horreur – alors que Khalfoun met en scène une suppression de femelles financée par un certain Harvey Weinstein.


Quelques mois avant de devenir un « porc » planétaire à « balancer » entre accusatrices, entre victimes énervées, sur les réseaux sociaux, à la une des journaux, le frérot de Bob transparaît en filigrane derrière le croque-mitaine comateux, jumeau armé in extremis à nouveau défenestré par sa sister survivante (et navrante), autrefois matée à oilpé en ligne à cause de photos « débiles » médiatisées par un petit ami indélicat. Le geste ultime du neurologiste (un Kurtwood Smith très fatigué), dénommé Milton (clin d’œil probable à l’auteur du Paradis perdu) emmerdé par les mouches, nier la réalité des faits impossible et cependant avérée, procéderait donc d’une solidarité « genrée » davantage que d’une éthique clinique. Film féminin et in fine féministe, Amityville: The Awakening donne à voir les « violences faites aux femmes » dans l’espace d’un foyer cendré, sépulcral. Cela ne le rend pas meilleur, au contraire, puisque de surcroît calamiteux de myopie à la mode, de manichéisme sexiste, ceci néanmoins lui confère enfin une saveur curieuse et hasardeuse.

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