Trapped Ashes : Le Club des monstres


Comment (s’)en sortir ? Il ne fallait point y pénétrer…


Impersonnel mais soigné, voici un film en forme de téléfilm, qui servira ou pas de piètre épitaphe à quatre vétérans : Sean S. Cunningham, Joe Dante, Monte Hellman, Ken Russell, ici rejoints par un (quadragénaire) spécialiste des SFX dénommé John Gaeta. La co-production américano-japonaise, tournée à Los Angeles, Vancouver, Yokohama et Shizuoka, repose sur un scénario bien trop reposant de Dennis Bartok, ancien dirigeant de cinémathèque (américaine) reconverti dans le supplément de DVD, accessoirement rejeton de LeAnn Bartok (remerciement filial final inclus), figure obscure de l’underground sur pellicule. Cinq réalisateurs, cinq récits (au sens littéral) : on (re)connaît la formule sandwich du « film à sketches », enfilage/enrobage de courts métrages pour spectateurs pressés. L’argument se passe de commentaires. Dans un décor de maison hantée à la Escher, où l’on tourna naguère l’invisible Hysteria (collective), deux couples et deux quidams content leur pire aventure vécue à un conducteur de petit train (touristique) malin, groom machiavélique à la face de squelette en surimpression de saison. Une large part de moralisme, pour ne pas dire de conservatisme, irrigue le genre dit horrifique, on renvoie le lecteur vers Anatomie de l’horreur de Stephen King, et Trapped Ashes se situe dans cette veine (gore) de châtiment bien-pensant, enrobé-avalé dans le sirop sado-maso de l’humour noir. Le titre ne mentait pas, chacun(e) se verra puni(e) sur Terre et pour l’éternité de ses péchés, le manoir en cercueil aussitôt refermé, piégeant les cendres d’existences en effet passées de l’autre côté du miroir. La moralité ressassée, poussiéreuse, se dote en outre d’une saveur sartrienne, puisque là aussi, dans ce Huis clos presque en kimono, l’enfer équivaut à autrui.


Bartok, moins énergique que son homonyme musical (Kenji Kawai fait le minimum syndical), trousse un freudisme outrageusement scolaire et le métrage, davantage qu’une sexualité décomplexée, affiche une génitalité de sale gosse découvrant les horrifiants mystères de la chair (le puritanisme va souvent de pair avec une justice « graphique », hypocrite, titillée par ce qu’elle condamne, comme les ecclésiastiques s’astiquant sur les ouvrages censurés de leur bibliothèque « infernale »). La dimension satirique (de Hollywood, micro-climat dérisoire en soi) ou réflexive (vrai-faux biopic de Kubrick) occupent l’arrière-plan d’un portrait diffracté de la féminité au lit, en train de baiser ou de bouffer (« oralité » dans les deux cas, donc), perçue par un regard masculin (que les théoriciens du genre se régalent avec cela). Mammoplastie vampirique, nécrophilie nippone, fantôme méta, boulimie homicide + claustrophobie de la structure : le catalogue se déploie sans émoi, se suit sans folie. Il manque le style, l’âme, la raison d’être. Les ancêtres (Russell en caméo de coda ose même une perruque et une poitrine à la Naked Lunch !) cèdent les rênes au doux et doué Zoran Popovic (The Lost ou Grace, hommage discret-coloré à Mario Bava compris), et Trapped Ashes mérite au moins son visionnage pour sa direction de la photographie. N’omettons pas non plus deux ou trois instants d’animation adulte bienvenus, empruntés au hentai, et surtout la présence d’un duo d’actrices attachantes, à l’aise avec leur beauté, leur nudité, les cadavres extatiques ou nourriciers, l’élégante Lara Harris et l’amusante Rachel Veltri. Nul hasard si le prologue et l’épilogue se déroulent dans une ville spectrale, en carton-pâte, à la Mondwest funeste – à sa manière, Trapped Ashes paraphe l’acte de décès d’un certain cinéma encore vaillant dans les années 60 et 80, autant que de quatre réalisateurs apparemment très fatigués, sinon pasteurisés dans leurs excès régressifs.

Le « septième art » funéraire, piège scopique, autarcique, mécanique et métaphysique, se referme sur eux-mêmes, éventuellement sur nous, témoins de la mise en bière par procuration ; il ne faut guère espérer d’autre leçon (ou satisfaction) de cet ersatz de réalisation, d’inspiration, de frissons et d’éjaculations, qui réduit Henry Gibson & John Saxon à de la figuration (Dick Miller idem, Dante oblige), qui adresse un salut d’occasion à (entre autres) Budd Boetticher, André de Toth, Richard Fleischer, Thierry Frémeaux, Kinji Fukasaku, Stuart Gordon, Val Guest, Pierre Rissient, Eli Roth (cherchez l’intrus cannois) et tout le monde à Fangoria. Un ratage ? Un mirage.
        

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