L’Âge de glace
Un métrage, une image : Crash (1996)
Crash s’ouvre doublement et ironiquement,
puisque Madame (avec un quidam, son
probable professeur de pilotage) s’envoie en l’air (par derrière) sur terre,
dans une tentative d’atteindre un septième ciel inaccessible (les avions ne
décollent pas, la vie non plus) et Monsieur s’occupe de spots de prévention routière (présentement, il déguste plutôt le
« coquillage » mallarméen de son assistante asiatique et lubrique,
bientôt interrompu par son boulot). Le métrage rend hommage à des autistes,
des automates, des somnambules, des otakus, des ersatz de
« modèles » bressoniens. L’individuel et le collectif dialoguent,
mariés et secte en écho au couple en crise et à la psychanalyse autarcique de Chromosome
3. Le flot des véhicules-spermatozoïdes, la circulation en augmentation
à la suite du télescopage, riment avec le Tati de Trafic et le Kafka du Verdict
(surtout sa chute). Avec autodérision, Cronenberg se moque de ce que l’on
n’appelait pas encore le « transhumanisme », ici réduit à de la
mauvaise science-fiction. Si Shining, aux intertitres récurrents,
repose sur/exhibe un « exosquelette » (Michel Chion), le replay d’accidents célèbres souligne la
structure itérative d’un film pornographique sans une once de pornographie, le
sexe à la fois fond et forme, sujet et objet, point alpha de l’ouverture et
oméga de la coda (une femme plus ou moins intacte au contact du métal).
S’élabore dès lors sous nos yeux bienheureux une nouvelle sexualité à partir
d’une perversité autorisée par la technologie. Ce Ballard-là s’apprécie en
représentation au carré (sinon conjurée) du metteur en scène (terminologie
scénique à usage pragmatique), cinéaste dans tous les sens (a fortiori
interdits) impuissant (brièveté des bandes de sensibilisation), finalement
excité par le sang, les « puissances de mort » (lexique papiste),
reflet amusant et amusé de Cronenberg, lui-même artiste mélancolique, moraliste
matérialiste et romantique radical (ou expérimental).
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