Un amour violent : La Lune dans le caniveau
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Rosa
von Praunheim.
Avec son intitulé à la Pasolini et sa
théâtralité à la Fassbinder, le film de Rosa von Praunheim livre le portrait
dédoublé d’un personnage lui-même schizophrène, bloc de haine in fine
rédimé par l’amour d’une femme mise à mal. D’un côté, les monologues impersonnels,
télévisuels, en vidéo, d’Andras Marquardt & Marion Erdmann, couple
improbable promis au mariage ; de l’autre, une reconstitution stylisée, épurée,
en noir et blanc élégant (duo de directeurs de la photographie). La césure
formelle du mélodrame expérimental, daté de 2015 et cependant ipso facto
nanti d’un parfum de seventies, voire
d’une patine sirkienne au soleil près de la piscine, ne se résout jamais, le
premier discours toujours en avance sur le second, réduit, en dépit de ses
qualités de jeu (distribution plus qu’honorable, le solide Hanno Koffler,
dirigé sur scène par Klaus Maria Brandauer, en tête et mention spéciale à la
courageuse Katy Karrenbauer dans le rôle tabou d’une mère incestueuse,
littéralement abusive), à un ersatz figuratif des propos précédents, dans leur
franchise, leur part de non-dit, leur silence, aussi. Il s’agit, au final, d’un
film en effet d’amour sur fond de violence familiale (le père ne vaut guère
mieux), de prostitution, de prison, de karaté enseigné aux enfants (une deuxième
mère, voilée, apparaît, rassurante, dans la partie documentaire). Le
réalisateur, connu pour son activisme gay,
s’autorise parfois, en POV, un humour noir un brin kolossal (les grands-parents
relèvent de la caricature à l’eau-forte) et délivre une fable pas déplaisante
mais assez désincarnée (un comble, au vu du sujet) sur la possibilité d’une seconde
chance et l’élection des êtres, des sentiments, par-delà tous les obstacles du
passé associés à un impossible pardon et à une vivante, souriante,
résilience.
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