Nikita

 

Un métrage, une image : Un espion ordinaire (2021)

Mister Krushchev said we will bury you

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Sting, Russians

Face au soin de la reconstitution, tradition d’Albion, sur petit ou grand écran, n’importe quel essai hexagonal paraît provincial, même si les plus sarcastiques, miraud Truffaut, ne manquent d’assimiler le cinéma anglais à un musée, à un magasin d’antiquités. Biopic assez sympathique et en définitive anecdotique, Un espion ordinaire, c’est-à-dire, en VO de vocable français, The Courier, participe de ce chic idiosyncrasique, en sus se soucie de ressusciter une période (tré)passée, celle de l’équilibre de la terreur atomique, sur fond de relations refroidies entre l’URSS et les États-Unis, du côté de Cuba, ça ne rigola pas, because missiles so sixties. Personne, ni à l’Est, ni à l’Ouest, toutefois ne confondra ce (télé)film trop tranquille avec le lucide L’Aveu (Costa-Gavras, 1970), le ludique Panic sur Florida Beach (Dante, 1993), ou le roboratif American Tabloid de James Ellroy. Moins encore que le Costa supra, qui crut toujours faire du cinéma politique, qui ne fit jamais du cinéma politiquement, comme dirait Godard, Cooke, du théâtre issu, se situe au sein du divertissement rassurant, du suspense pris au piège d’une amitié partagée. Dépourvu de la dimension drolatique et méta d’un Graham Greene, par exemple celui de Notre agent à La Havane, justement, Un espion ordinaire dévie vite vers le mélodrame masculin, le tandem aimable et en danger, tourmenté par le spectre obsolète, quoique, la Corée du Nord effraie de ses efforts, l’Iran recycle dorénavant l’inquiétude d’antan, d’un anéantissement imminent et instantané, dommage pour le sentimental chantage des « quatre minutes » à tumulte, pas d’abri, pas de sursis. Tandis que le queutard Kennedy se médiatise en Cassandre de Manhattan (Project abject), on apprécie l’ironie, surtout à/après Hiroshima et Nagasaki, crime de guerre impuni, test de massacre de masse accompli, que le gras Nikita se fait chier au Bolchoï, Cendrillon + Le Lac des cygnes, quel lyrisme, quelle déprime, le VRP surmené décide de ne plus se laisser manipuler à l’insu de son plein gré par le MI6 & la CIA, de twister une ultime fois à Moscou, afin « d’exfiltrer » fissa d’une capitale à la Kafka son cher Oleg/Alex, in fine destiné à être exécuté puis enterré de manière anonyme, sa cara Vera et ses descendants attristants autorisés à rester à proximité du Kremlin, parce qu’ils le valent bien. Tout ceci se suit sans déplaisir, sans défaillir, bénéficie du savoir-faire d’un casting choral aussi impeccable que leurs costumes, aussi indéfroissable que leurs coiffures. Des cartons de coda, épilogues-explications d’occasion, cèdent la place au vrai commis voyageur, messager in extremis de retour chez lui, clin d’œil de la fiction au réel très cruel. Page d’Histoire ? Souvenir inoffensif.

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