Carol

 

Un métrage, une image : Nana (1955)

Il conviendrait un jour de réévaluer le parcours pas si drôle de Martine Carol. Parallèle au plus méta et renommé Lola Montès (Max Ophuls, 1955), Nana (Christian-Jaque, 1955) lui sert bien sûr de véhicule, dévide davantage. Son cinéaste de mari la glorifie et finit par l’étrangler, CQFD, les psys apprécient, les féministes s’attristent. Traduction infidèle – plus de gosse ni de vérole, plus de saphisme ni de défiguration – du moralisateur Émile, abandon assumé des prétentions pseudo-scientifiques du naturalisme, ce Nana-là s’avère vite une réussite, de chaque plan et instant. Avec des costumes et des décors ad hoc, un casting choral irréprochable, croisement stimulant de nationalités associées, puisque co-production franco-italienne à l’ancienne, il carbure à la cocotte pas sotte, « femme d’argent » aux friqués amants, il s’occupe de politique et d’économique, de krach et de cravache. Comédiennes, prostituées, les filles se font traiter de « salopes » par un directeur de théâtre aux allures de mac, par des flics humides et cependant, définitivement, elles mènent ce monde, ni merveilleux ni immonde, à l’instar d’une héroïne au cynisme festif, au fond inoffensif, sinon pour les banquiers traqués, les aristocrates patraques. Muffat peut fulminer contre « l’anarchie morale » du pays dirigé par « Napoléon le Petit », il retourne sa veste et le reste, il succombe bien volontiers, de son plein gré, à la rousse irrésistible, rieuse et ruineuse. Sans doute dopé par la présence électrisante de sa star cardiaque, Christian-Jaque frise le miracle, presque autant calligraphe que Max, visez ces travellings déliés, panoramiques rapides, cadres débullés, miroir mirages. En effet « film en couleurs » éclairé par le maestro Matras, ouvert sur une chevelure à la Baudelaire, métonymie macabre et désirable, Nana met en abyme une actrice convaincante et vaillante, dont le personnage reproche aux hommes de ne pas savoir voir son « talent », son « esprit », contrairement au spectateur conquis. Servie par un Jeanson à l’unisson, « ordure, mon amour », quelle cruelle déclaration d’oraison, Martine ne se soucie d’un suicidaire incendie, se dispute une dernière fois, dit ses quatre vérités – ton épouse, comme moi, traînée – à un Boyer exorbité, ne pouvant évidemment le supporter. S’ensuit fissa un féminicide de coda, à obscénité buccale, cinq ans avant le cri meurtri de Psychose (Alfred Hitchcock, 1960), un effondrement de fleur du mâle en robe écarlate, en écho à celui de Karin Dor, elle-même méconnue Caroline chérie (Denys de La Patellière, 1968), eh oui, au creux de L’Étau (Hitch, 1969), fort final à la Wilde…    

Commentaires

  1. Martine Carol, heureuse à Tahiti (1962)
    https://www.youtube.com/watch?v=RdOBx1t70ac

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    1. Merci de ceci ; rime en musique :
      https://www.youtube.com/watch?v=0gjOCSYNj-g

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