La Cage aux rossignols

 

Un métrage, une image : L’Arbre, le Maire et la Médiathèque (1993)

Fable affable et feel good movie, eh oui, leçon de choses jamais morose, ce divertissement respire et procure un plaisir évident. On sent à chaque plan que tout le monde s’amuse, on se sourit, on se séduit, on prend le temps, on va de la ville au champ et inversement. Il ne s’agit pas de « parler sérieusement », c’est-à-dire lesté d’un esprit de sérieux, davantage de dialoguer, surtout debout, assis aussi. De la campagne électorale à la campagne rurale, de la justesse de la jeunesse au cynisme du journalisme, de l’aménagement du territoire à des témoignages de mouroir, de la pragmatique ambition à l’administratif manque de fonds, projet foutu, échec bienvenu, en tout cas pour Luchini, qui en classe applaudit, Rohmer s’auto-produit et ne s’auto-parodie. Si la sensualité naturelle des Amours d’Astrée  et de Céladon (2007), son ultime film, son chant du cygne et surtout du signe, demeure ici en germe, patientons pour sa floraison, l’opus précis carbure déjà à l’écologie jolie. Cette histoire de saule en danger, modeste et drôle, à la mélancolie discrète, puisque passé en train de passer, de trépasser, sans que l’esquisse complice et l’observation de saison ne dévient ou dérivent vers le conservatisme, l’immobilisme, permet au cinéaste de dire deux ou trois choses qui s’imposent, légèreté de la lucidité, à propos du socialisme, du féodalisme, du poétique, du politique. Le duel d’hommes à distance, délectables, dérisoires, se double d’une confrontation féminine, morceau de bravoure scientifique, voire de mauvaise foi sympa, animé par les aimables Clémentine Amouroux & Arielle Dombasle, celle-ci à nouveau invitée, réinventée, devant et via une caméra autant amicale que taquine, redessinée en seconde « BB », Bérénice Beaurivage non démunie de plumage ni de ramage, car ridicule et pourtant précieuse. Quant à la fidèle productrice Françoise Etchegaray, la voilà en caméo d’appareil photo, femme calme du Rossignol se rêvant Bronson. Faut-il sacrifier, façon Tarkovski, autre amateur arboricole, cf. l’enflammé  Sacrifice (1986), la culture à la Culture ? Que signifie, à la fin d’une vingtième siècle fabuleux et infect, s’accrocher à ses racines, au propre et au figuré ? Comment vivre ou survivre ensemble, et non comme bon à certains leur semble, à la fois acteur et acté selon un récit sous le signe d’un hasard déterministe placé ? On répond à ces doctes questions en conclusion, chanson, à l’unisson…      

Commentaires

  1. Sept "si" mis en conte filmé au ras des pâquerettes, à chacun son saule, dis moi qu'elle nature de l'image tu as de la nature et je te dirai qui tu es, salades qu'on se raconte pour se croire un autre idéalement parlant, en cela Pascal Greggory est fabuleux... un type balzacien à lui seul politiquement parlant...
    Il y a un peu du Jacques Rozier dans le décalage entre la Vendée quasi sublimée ici verte campagne,(jadis Rohmer avait déjà filmé une fermière en version documentaire )
    chez Rozier l'océan et ses "monstres " humains pêcheurs purs et durs, plus dure sera la chute même si le côté désenchanté prend ici un tournant plus politique, eh oui l'écologie en version plutôt réactionnaire que progressiste...Rousseau contre Voltaire, cultiver son jardin , la formule a un petit côté cynique relativement à celui qui ne supporte plus la cruauté naturelle du monde politique, entre autre...
    Tout cela en restant léger et bucolique, chapeau fleuri l'artiste !

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    1. https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2014/07/silent-running-le-sacrifice.html

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    2. Le Procès de l’herboriste (2021) - Bande annonce VF (trailer)
      https://www.youtube.com/watch?v=OQLRW47FTp8

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    3. https://www.youtube.com/watch?v=oeOm3s8A9Qw

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