Colombiana

 

Un métrage, une image : Les Oiseaux de passage (2018) 

Prolongement de L’Étreinte du serpent (Ciro Guerra, 2015), l’herbe, le rêve, amen, Les Oiseaux de passage ressemble un brin (de marijuana pas made in USA) à un ersatz d’ethnographe de Scarface (Brian De Palma, 1983), s’avère vite un western se souvenant du Django (1966) de Sergio (Corbucci, pardi), car le cercueil dissimule idem un fatal arsenal. Cette fois-ci co-dirigé par la fidèle productrice (+ épouse puis divorcée, olé) Cristina Gallego, il s’assortit d’un soupçon de farouche féminisme, cf. le personnage (im)pitoyable de la maudite matriarche. En vérité, il ne s’agit que d’un vernis, l’essentiel du massacre se passe entres mecs malhonnêtes, la demoiselle danse, jolie séquence, s’essouffle et ne moufte, fiancée sacrifiée, mère mortifère. À défaut donc de remaker Bloody Mama (Roger Corman, 1970), autre drame familial, mené par une Shelley Winters vénère et patibulaire, cet opus au demeurant plaisant, pas si lent, se préoccupe d’épopée en plusieurs « chants » découpée, pratique le mythique modernisé, déploie sans écart de scénar ni état d’âme son moral (moralisateur ?) programme, c’est-à-dire celui, démonstratif, déterministe, du mélo cadré au cordeau, vive le widescreen. Outre un sentiment de déjà-vu, voire de convenu, le problème principal réside au sein du parcours adopté, jamais remis en question, à quoi bon, à chacun sa punition à la con, conflit fratricide effectué entre clans des Colombiens, tant pis pour les anciens Siciliens (Henri Verneuil, 1969), à chaque degré d’humiliation, de profanation, des ancêtres jusqu’aux rejetons, route narrative autant rectiligne que les rails oniriques et maritimes. Puisque, à l’occasion du dossier de presse, le tandem estimable revient en détail sur sa création, ses patrimoniales intentions, ses difficiles conditions de production, on se limitera à souligner que le commerce de café mène à tout, y compris à l’anticommunisme et au capitalisme en communauté, permet l’érection d’un palais abstrait aux allures d’immaculé mausolée, in extremis démoli au bazooka, Tony Montana, ta némésis revoilà, que l’ascension et l’effondrement se déroulent sur une période d’environ vingt ans, carburent à la tradition, l’autodestruction, l’enseveli avion, l’amicale trahison. Interprété par une troupe trouvée, placée in situ, parsemé de prénoms héroïques, ironiques, Anibal & Leonidas, duel dégueulasse, comportant une scène de coprophagie moins graphique (et véridique) que celle de Pink Flamingos (John Waters, 1972), Les Oiseaux de passage constitue par conséquent une demi-réussite, un conte de dérèglement (un règlement de comptes) conté sur un seul ton, exercice pas trop auteuriste, de collusion et de damnation…    

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