Ça l’affiche bien

 

L’affiche se fiche de foutre la frousse…

Elle feint l’effroi fissa, la valeureuse Vera Farmiga, sur l’affiche française du troisième item d’une franchise me laissant indifférent, je le confesse de façon express. Alors que la version US opte en faveur d’une exposition un brin hyperbolique – « The demonic case that shocked America » –, on préfère poser ici une question pas si à la con : « Pourront-ils prouver l’existence du Diable ? », accroche peu moche de suspense à missel, film de procès, tradition étasunienne, CQFD. Le « ils » désignent bien sûr ces spécialistes ès parapsychologie, enquêteurs conjureurs, accessoirement âmes sœurs. Car à son côté, à demi dans l’obscurité, se tient le copain Patrick Wilson, dont l’inquiétude en sourdine ressemble presque à une forme de force tranquille. Conjuring : Sous l’emprise du Diable (Chaves, 2021) par conséquent un film mitterrandien ? En tout cas pourvu d’un poster en souvenir de celui du Rite (Håfström, 2011), avec Anthony Hopkins pas encore sénile (The Father, Zeller, 2021), plutôt professeur d’exorcisme. D’une croix à la seconde, le sexe s’inverse, Baudelaire file chez Lucifer, la face au trois quarts cède sa place. Sur le visage livide, pas une seule ride ; sur son menton, son chemisier léger, une lueur rougie, miracle laïc d’infographie. Si l’opus s’adresse, sinon se destine, à un public adolescent, cynisme du cœur de cible, génération du genre, les outrages de l’âge ne doivent dévier du rendez-vous entre eux et vous, couple sans entourloupe de quadras qui y croient. Au creux du clair-obscur se déploient donc une mythologie, un univers, pontifient les experts, résumés de manière assez exemplaire. Fanatique ou néophyte, le spectateur sait en un coup d’œil à quoi s’attendre, il observe l’objet, interrogé, rassuré. L’Adversaire, aujourd’hui, hier, devine que le doute nous met en déroute, toutefois l’objectif de l’affiche vise au contraire à informer, à éclairer, au propre, au figuré. Même blêmes, rien ni personne ne saurait vraiment menacer les époux Warren et du portrait dédoublé, énigmatique, climatique, émane aussi un sentiment d’apaisement, de surprenante sérénité, comme une continuité, un récit impossible à terminer. Les parents délestés d’enfants, plébiscités par les grands enfants, éprouvent la chair de poule à contempler le hors-champ, peut-être Annabelle poubelle, Nonne conne, mais une lumière illumine le mystère, mélange de géométrique et de métaphysique, de marketing et de métonymie. Dès lors, les vices et les vertus de l’œuvre elle-même s’avèrent disons anecdotiques, puisque le produit d’appel tout sauf à la truelle donne déjà à envisager une lutte éternelle, cette fois-ci, signe des temps, facette soft du féminisme de maintenant, frappée du sceau de la parité, tant pis pour l’esseulée, renversée, Rosemary (’s Baby, Roman Polanski, 1968), au landau endeuillé selon Boutonnat & Farmer ensuite réutilisé (Plus grandir). L’affiche de L’Exorciste (William Friedkin, 1973), succès idem basé sur une histoire réelle, reprenait un plan iconique, relisait Magritte – exit l’exil du père Lankester, memento Max von Sydow, voici (re)venue l’ère d’Ed & Lorraine, unis pour le meilleur, surtout le pire…

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