Sextapes : Les Saisons du plaisir


Une anecdotique débandade de DJ ? Disons une bande-son d’érections et d’émotions.


En Suisse, je me glisse entre tes cuisses. Le vilain verbe baiser dans ta bouche possède quelque chose de racinien. Tu sens la sueur, la douceur, tous tes sucs intérieurs s’écoulent au creux de tes aisselles, par ta blessure sans souffrance, ton étroit seuil d’absence. La porte-fenêtre ouverte, aux volets d’été croisés, éclaire avec discrétion le décor, nos corps sur la couche maousse d’après-midi impoli. Si tu crois que j’écris de la pornographie, tu te méprends, mon ravissement. J’essaie juste d’immortaliser un instant, en écoutant ceci, oui :  


Parmi la forêt colorée, sur un lit de feuilles auburn, à la fois humides et craquantes, tu gémis sans souci, ta longue jupe seventies remontée au-delà de ton court duvet de saison, les yeux ouverts à la verticale vers l’immensité d’un ciel si bleu qu’il me rendrait presque malheureux. Personne alentour, mon amour, comme si la ville marine à l’horizon, sa route en lacets à partir du mont, n’existait plus que dans un rêve éveillé, oublié. Ton cou abrite un parfum pas encore défunt et la terre patiente peut toujours attendre notre retour, car en surface passe :


Malgré le froid, détends-toi, viens contre moi, que je te réchauffe de mon souffle, de mes mains ôtant ton manteau, adoubant ton dos. Au creux du compartiment exempt de tueurs, mon cœur, nous paraissons accorder nos ardeurs au rythme de la machine sans merci qui nous emporte au bout de la nuit à travers la Russie. Ce train méta mettra bien le temps qu’il convient à nos ébats afin d’atteindre leur acmé. Que dirais-tu d’ailleurs de requérir entre deux soupirs la contrôleuse mutine, histoire de l’inviter à partager à trois l’acoustique récit ?


Ta robe légère ne m’indiffère et se soulève joliment sur tes jolies jambes plus tendres que le compas de François. Pour l’instant, la chaleur nous laisse respirer, invite à se dénuder. Je te tiens la main, mon cher chagrin, durant la descente en direction de la plage privée. Abritée par la crique guère inique, tu me chevauches puis t’offres tout entière, tu jouis en secousses silencieuses, malicieuses, bienheureuses. Vestale estivale de mon culte occulte, tu sauras, je n’en doute pas, me faire à nouveau accomplir le cycle du désir loin du pire, maîtresse du mix


Cédric Aubrun, aka Drixxxé, joue sur son gramophone les ethnographes de la libido audio en BO. Le cinéma, art des fantômes, des fantasmes, des projections, des éjaculations, du visible, de l’audible, ainsi se cartographie en territoire des morts, en espace sonore, en orgie avant tout, ici, auditive. Les quatre volumes ne dissimulent rien et suggèrent tout, entrelacement de morceaux stimulants, émouvants, tressés avec science et assurance, à l’instar d’un couple démultiplié au miroir de la mémoire. Marilyn, forcément insatiable, ou Serge, inconsolable jusque dans l’injure, servent de guide oral pour plaisir buccal, bien entourés par d’insouciants gémissements et des répliques drolatiques. Les différents styles musicaux s’enchaînent avec fluidité, en écho aux positions, aux atmosphères, aux préférences sexuelles ou cérémonielles. Puisque le ciné accompagne nos vies, nos jours, nos nuits, depuis plus d’un siècle, pourquoi ne saurait-il donner le tempo, voire le vibrato, à notre sexualité par conséquent musiquée, magnifiée, rendue mélodieuse et harmonieuse ? La musique des artères vaut bien celle des sphères, le battement du beat échauffe le sang et ravive l’envie de vivre, de pénétrer l’intimité amie, d’explorer en profondeur la dimension sensorielle et temporelle rajoutée au plan de l’écran. Davantage hédoniste qu’onaniste, la collection de ses sextapes, au succès mérité, méritait sa mise en valeur, d’un connoisseur à l’autre, quand bien même ma sensibilité érigée me porte plutôt vers des rives more mélancoliques et assombries, tant mieux, tant pis. Faites la nique à l’hiver, glissez-vous dans la soie solaire des sélections d’inspiration du sieur Cédric, passeport sympathique, ludique et secrètement idéaliste pour un royaume radieux, débarrassé du SIDA, de la solitude, des « porcs », des désaccords. Disques d’exhumation ? Souriante célébration.


Double bonus en sus, une collection + une communauté ; enjoy !         

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