Soigne ta droite

 

Un métrage, une image : Gipsy Queen (2019)

Enfant je m’endormais sur des K.O. de rêve

Et c’est moi qu’on soutient et c’est moi qu’on soulève

Et voici les vestiaires on débande mes mains

Kid Marin vient me voir ça ira mieux demain

Claude Nougaro, Quatre boules de cuir

Dans Blonde Vénus (Sternberg, 1932), Dietrich se déguisait en gorille ; ici aussi, une autre étrangère se masque, se démasque, en sueur, essoufflée, via le vénère adversaire sonnée, enlacée, tu viens de péter les dents de mon copain, putain, lui-même imbibée Blanche-Neige, instant de sidération, ensuite de consécration. Auparavant, le proprio un peu alcoolo du Caveau, du combat autrefois truqué, du rêve depuis cassé, aujourd’hui, voici Ali, ragaillardi, le bien nommé tombeau, hambourgeois, point hindou, attribuait le rôle du « Congo » à un Noir furibard, idée en effet très « impolitiquement correcte », racisme festif, différencié du harcèlement filmé subi par son indocile fifille Esme(ralda), dessinatrice fortiche autrice du générique, du dernier plan autant. Être Rom, quelle condition à la gomme, a fortiori en exil, répudiée par le pitoyable et impitoyable papounet, entraîneur emmerdeur, à cause d’une grossesse non désirée, ecco Mateo illico, d’un plan au suivant. Privée de bail personnalisé, de quoi un loyer pouvoir payer, Ali se démène, même démunie, rebelle femme de ménage, dégage, hébergement dû à une danseuse dispendieuse, méfie-toi des Blancs, mon enfant, conseille une connaissance, la mimi Mary, jamais immaculée, responsable pas coupable de l’intrusion de la bien-pensante administration, mère amère, délestée aussitôt du duo, famille (d’accueil) parfaite, experte, dessins déchirés, excuses communes retardées. Une proposition inopinée, risquée, s’apparente à une seconde, dernière chance, promesse de richesse, après l’exploitation unisexe, sans complexes, d’un compatriote interlope, petit exercice de capitalisme germanique, appliqué à la main d’œuvre non déclarée, sous-payée, par la police chassée. Marre de l’amiante, d’eau chaude du manque, Ali se lance, s’élance, danse en remarquable et remarqué plan-séquence, résiste, réplique, atterrit sur le ring, un papillon avise, comme si son âme s’envolait, la saluait, jadis, déjà, elle voyait, entendait l’esprit du papa, le point de vue devient celui de sa descendante, en larmes derrière une vitre de voiture, idem mouillée, en train de l’imaginer, yeux ouverts, fermés, cette fois-ci au ralenti, coups découpés, contre-plongée, modèle souriant, esseulé, sur fond noir découpé, de dos immortalisé. Ni success story sentimentale à la Rocky (Avildsen, 1976), ni mélodrame médical à la Million Dollar Baby (Eastwood, 2004), Gipsy Queen se soucie de symbolisme social, sinon « racial », esquive les écueils du misérabilisme, du dolorisme, plutôt tendre que misandre, conte de rencontres, fable cinématographique en sourdine autobiographique, item de maternité, d’identité, doit beaucoup à un casting choral impeccable, mentions spéciales au toujours très bon, voire incontournable, Tobias Moretti (Goebbels et le Juif Süss : Histoire d’une manipulation, Roehler, 2010), à la « solaire » Catrin Striebeck (Les Démons du passé, Henning, 2017), bien sûr à la comédienne, conteuse, dramaturge Alina Șerban, interprète impressionnante et poignante. Hüseyin Tabak étudia avec Hameke, il délivre un ouvrage précis, lucide, primé, pas intrépide, elle + lui l’expliquent.  

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