Assurance sur la mort

 

Un métrage, une image : Photo interdite d’une bourgeoise (1970)

L’intitulé français passe à la trappe le pluriel originel, classe la classe en classe, alors que « una signora per bene » signifie aussi, surtout, une dame bien, comme il faut. Ces précisions posées, décevons dans le mouvement les amateurs marxistes de photos pornos : le remarquable et remarqué giallo ne sacrifie à aucun moment au racolage, même si l’une des images un peu dénudées s’avère vitale, en effet. Producteur de Hunebelle (Fantômas, 1964) & Tessari, Ercoli cumule les postes ici : il monte, il produit, il dirige sa chérie, Nieves Navarro (Colorado, Sollima, 1966), alias Susan Scott, pseudo dû dit-on, admettons, à Fernando Di Leo. Co-écrit par le stakhanoviste Gastaldi (Le Corps et le Fouet, Bava, 1963, La Dixième Victime, Petri, 1965, Le Grand Alligator, Martino, 1979), en compagnie de Mahnahén Velasco, assistant de Valerii (Texas, 1969) & Ibáñez Serrador (La Résidence, idem + Les Révoltés de l’an 2000, 1976), éclairé par le doué DP Alejandro Ulloa (Les Exterminateurs de l’an 3000, Carnimeo, 1983), auquel la délavée VOST disponible en ligne ne rend pas hélas justice, muni de la musique magique du mélodique Morricone, doté d’une Dagmar Lassander assez admirable, au personnage presque proche de celui de Si douce, si perverse (Amadio, 1975), aux prises avec les pervers Pier Paolo Capponi (Le Chat à neuf queues, Argento, 1971 ou Farinelli, Corbiau, 1994) & Simón Andreu (La Chair et le Sang, Verhoeven, 1985 ou The Shooter, Kotcheff, 1995), l’item italo-espagnol, dès le prologue en voix off, pénètre la psyché d’une femme tourmentée, camée, à mari très endetté, épouse un peu trop respectable, pense-t-elle, en train de se baigner, de se projeter, de rêver éveillée, telle Laura/Lily au même endroit chez De Palma (Femme fatale, 2002). Film mental, « cauchemar » de traquenard, le métrage de son âge carbure à l’imposture, au chantage, à l’outrage, au sexe SM, à la libération sexuelle, à l’assurance mortelle. Pas de saphisme à signaler, plutôt du féminisme soft in fine, puisque, lors de l’épilogue, Dominique (prénom épicène) & Minou (prénom explicite) ne se broutent le leur, accèdent ensemble à un certain bonheur, conductrices tout autant complices, mais moins suicidaires, que celles de Thelma et Louise (Ridley Scott, 1991), couple sur la route, ensoleillée, loin de la déroute, en robe colorée, elles s’aiment à l’horizon, elles sèment les multiples étalons, l’unique comploteur à la con, fidélité d’amitié contre manipulation par procuration. Ercoli inverse ainsi les anti-valeurs, avérées ou invalidées, vomies par leurs détracteurs, a fortiori détractrices, d’une imagerie minée de misogynie, classée conservatrice, comme bientôt et ailleurs la consœur du slasher, terme pris au pied de la lettre par le Brian De Palma, bis, de Pulsions (1980), délocalisation de saison qui aveugla, affola, les cinéphiles féministes. Élégant et stimulant, tendu et bienvenu, le voyage au bout de la folie, orienté vers la (sur)vie, affiche une féminité diffractée, une sexualité divisée, heureuse et houleuse, valeureuse et v(i)oleuse, encore vivante, captivante, cinquante années après, belle (é)preuve de liberté, de lucidité, de ciné…

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