La Défense Lincoln
Humanité de l’automate, prophylaxie du patraque, solitude de la traque…
Grand petit roman précis, à base de
simulacres, schizophrénie, écrit à la suite de l’historique, uchronique, Le
Maître du Haut Château, We Can Build You dut attendre dix
ans, avant d’être en volume publié, après passage tripatouillé, parmi Amazing
Stories,
fameux magazine classé spécialisé. À l’instar de Pris, instable star, étoile aussi noire que ses
cheveux, son regard, le texte multiplie les titres, le fondateur The
First in Our Family transformé en A. Lincoln, Simulacrum, le définitif
doté de l’intitulé français Le Bal des schizos, salut à celui
des maudits (Dmytryk, 1958), dont la traduction revient donc à un tandem amène, cinéphilique, Anne &
Georges Dutter itou auteurs de moult sous-titres, par exemple pour les opus de Fassbinder & Ferreri,
Pollack & Polanski. Si bien sûr il anticipe Les androïdes rêvent-ils de moutons
électriques ?, dans une moindre mesure Ubik, on songe davantage,
en le découvrant/dévorant, à Substance Mort, c’est-à-dire A
Scanner
Darkly,
ouvrage vertigineux, idem addictif, identitaire,
psychédélique, à dénomination de miroir biblique. Forcément subjectif, le
récit se déroule en 1982, l’année de sortie du Blade Runner
de Ridley Scott, tout concorde, complote. Louis Rosen y vend des orgues
électroniques, de droits pianos, y perd son âme, sa dame, y sauve sa peau, de
l’asile, au Kansas, libéré tout sauf aussitôt, un brin refoulé illico. Flanqué d’un (in)fidèle associé,
lui-même d’une drôle d’idée animé, s’enrichir sur le dos d’androïdes, ressuscités de la guerre civile, pacifier le présent, Mendoza président, jadis
adolescent patient d’internement, d’un frère défiguré, mutant à sa maman, d’un
père juif fumeur, de Spinoza lecteur, notre narrateur, affable à défaut de
fiable, croise la (dé)route d’un Stéphane Plaza d’opérette de planète, colon
concon, rival bancal de vaudeville infantile. Lincoln & Stanton se
souciaient, on le sait, de Sécession ; le VRP vénère, à tendances suicidaires,
subit la sienne, celle du déversement dément, « cosmique », comique,
tragique, de « l’anima », la « Mater Magna », victime en
résumé d’une érotomanie carabinée. Il assiste, sidéré, à l’exécution au talon,
aiguille, de fille, du clone informe
de John Wilkes Booth, comédien assassin, on s’en souvient, en ce temps-là, aux
désunis USA, on flinguait, on ne giflait pas. Il se fait fissa son film X en
famille, à domicile, scène de sexe, zeste d’inceste, sorte de tour de force
sensoriel, sinistre, l’esprit au lit, le corps comme décor, coquille vide,
merveille d’enveloppe, merdique camelote, de réplique mécanique, mélancolique. Il
« fugue » à répétition, infirmiers, injections, il revoit
l’invisible, insaisissable, obscur objet de son émoi, vieilli, avili, à la Lolita,
épouse + génitrice à train malsain, molto karéninien, Eurydice complice,
Pénélope traîtresse de tapisserie d’autarcie. Moralité de l’item intime, modeste, suprême, rempli de
sourires, de malheur, lucide, moqueur, les Bleus, les Gris, d’hier,
d’aujourd’hui, épopée à dupliquer, à péricliter, l’amour, toujours, « religion
nationale », triviale, engueulades prestes, entre Pialat & Cassavetes,
la maladie mentale, sociale, coercition, came, douleur, bonheur : reste à l’ersatz
d’Orphée à filer, à laisser filer la femme de sa vie, poursuivie, « mineure »
majeure, cinglée inspirée, fabricante Frankenstein, sauveuse odieuse. Dick
délivre, vite, un livre unique, divisé, CQFD…
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