Olga’s Girls : Pusher
Une cave sans Batman, une douche en dose de Psychose, selon un gynécée léché.
Tu ne connais pas Olga ? Tu devrais,
car elle possède une poignée d’attraits. Sorte de Madame Claude pour camé(e)s,
elle possède les traits d’Audrey Campbell, modèle mélomane et muse de Dan
Curtis (Dark Shadows), sinon d’Andrew Sarris,
grande brune trentenaire, austère, aux faux airs de Morticia Addams, un salut à
Carolyn Jones & Angelica Huston. Lesbienne portée sur le SM, dealeuse
vicieuse installée à New York, Mademoiselle Campbell ne s’occupe pas des soupes
sérielles du contemporain Andy Warhol mais de dope, de coke en stock, point celle de Tintin, quoique, qu’elle
refourgue dans sa piaule interlope à de pauvres salopes achetées, marchandées,
à un proxénète peu princier. Avant de s’en aller quêter du client à quéquette
tarifée, à cuillère chauffée, à seringue injectée, les esclaves sexuelles
testent le produit à domicile, hilares et dociles. On ne s’emmerde pas chez
Olga, surtout si l’on joue les indics à flics, gare à la taupe à torturer. Néanmoins
la mutinerie se met en branle, les « âmes à l’agonie » ne supportent
plus leur exploitation, et la belle maquerelle, héroïne d'héroïne, perdra de sa
superbe, son trône culbuté, son trafic concurrencé, par Colette, pas
l’écrivain, tu t’en doutes bien. Film muet censé nous édifier sur les dangers
de la drogue, et la terrible prostitution, commentaire masculin croustillant inclus, Olga’s
Girls (1964), deuxième volet d’une pentalogie à succès, séduit dès son
tout premier plan, en élégant noir et blanc dû à Werner Rose, lent travelling arrière de couloir entre
ombres et lumière, où erre à contre-jour une péripatéticienne envapée, bientôt
désapée en contre-plongée, comme portée par l’aimable thème sentimental-choral
de Clyde Otis, compositeur/producteur de multiples chansons, dont
l’irrésistible What A Difference A Day Makes pour Dinah Washington.
Ensuite, pendant une petite heure, l’œuvre
du peu prolifique Joseph P. Mawra, vite tournée en mode économique, placée sous
l’égide du spécialiste Stan Borden, ponctuée par des extraits de Modeste
Moussorgski sur son putain de nocturne mont chauve, patine un brin, déploie sa panoplie
de « cape de persuasion » et de cravache à l’arrache, de carcan artisanal
et de enforcer guère eastwoodien, de
chalumeau à lolos et de ceinture de chasteté ajustée. La marchandise mortelle provient
bien sûr de Russie et d’Asie, le sadisme, le saphisme, l’anticommunisme et le
féminisme font sourire, par-delà le pire, disons démembrement suggéré, suivi
d’une crémation expédiée. Olga, seule gonzesse du Syndicat, remportera in extremis son catfight à culotte, reprendra le pouvoir en pleine party dégrisée ; « the big cat
is back », indeed, et si Audrey
Campbell, bien entourée, ne saurait certes rivaliser avec Selena (ou Barbara) Steele
chez John Leslie (La Chatte), elle mène de main de maîtresse, à l’instar de Bulle
Ogier, son harem musqué de marie-jeanne. Contrairement à Roger Corman, les
imbéciles bien-pensants ou les fans
indulgents désignent tout ceci du pléonasme « cinéma d’exploitation »
(de sexploitation), incapables de
comprendre l’importance des exploitants, de saisir que même l’auteurisme
européen exploite, a priori la
patience du spectateur, mille fois moins amusant, plus arrogant, financé par
les connards de contribuables, a fortiori
français. Assez soignée, avec ou sans caméra portée, la fable feuilletonesque
et inoffensive, sur le capitalisme de pulp
et de pin-up, mérite un court détour,
minuté au bord de l’été (indien), car ce conte oral, littéral, raconté en tandem et VO par la voix grave évocatrice d’Audrey, chuchote quelque chose des USA, de leur cinéma, des sixties sur le point de basculer au sein
des blue movies et de la French Connection.
Ni Salò ou les 120 Journées de
Sodome ni Hostel, Olga’s Girls, à défaut d’être
priapique et subversif, remplit son deal
scopique et presque festif – une curiosité pas dégradante, pas dégradée, à
savourer aussitôt, dans une copie impeccable.
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