Mauvaise passe


Notes sur les films médiocres.


Je viens donc de visionner en ligne huit navets, intitulés A Taste of Phobia, Bad Guys Always Die, Bleeding Steel, The Debutantes, No dormirás, Porn of the Dead, Portrait de groupe avec dame, The Unseen, et au vu de leurs propres bandes-annonces, je décide de me garder d’accorder quatre heure trente supplémentaires de ma courte vie, pas seulement de cinéphilie, aux Combattants, à L’Olivier, à Wajma, une fiancée afghane, titres disponibles sur le site d’une célèbre chaîne télévisée franco-allemande. Ainsi, voici une partie de ce que propose le ciné d’aujourd’hui, un brin d’hier, avec Romy Schneider. Cela vous intrigue ? Ceci me déprime. Cela vous fait sourire ? Ceci me rapproche du pire. On peut certes prendre ces ratages avérés, ces enfantillages devinés, sans le moindre ombrage, s’en amuser, les relativiser. Après tout, le cinéma, je crois que tout le monde s’en fout, y compris ceux qui le (dé)font, à l’époque de la globalisation. Dans n’importe quelle unité de soins palliatifs, le ciné, on s’en fiche, il ne manquerait plus que l’on s’en préoccupe. Mais tant qu’il me reste un gramme de conscience, de confiance, de clairvoyance, je ne veux me résoudre à lui tourner le dos de façon définitive, sorte d’Orphée en wifi lassé de sa dégueulasse Eurydice. Ténacité de l’habitude, placebo contre la finitude, exercice écrit d’une liberté à partager, trois raisons parmi d’autres, bonnes ou mauvaises, peu importe, pour continuer, ne pas démissionner, ne point se taire encore, en dépit de l’absence d’aurore. Je ne crois pas à l’âge d’or, surtout pas au cinéma, néanmoins mon pessimisme m’invite sur la perspective de l’entropie. Rien n’ira mieux, prépare tes adieux, oublie-les plutôt, déjà emportés par les flots.

Au-delà du poids des années, de l’avalanche des références, d’une fatigue existentielle ressentie à grande échelle, d’une subjectivité assumée, formulée, jamais excusée, des questions demeurent. Comment vivent tous ces gens qui commettent les items précités ? De quelle pauvreté intérieure faut-il souffrir afin de s’enrichir au box-office ? Jusqu’à quand la consommation contemporaine des images sonores, domestiques ou extérieures, va-t-elle s’apparenter à de la coprophagie jolie ? Demande-t-on des guirlandes de chefs-d’œuvre, des amas de diamants ? Je voudrais juste un peu de respect, de lucidité, de singularité. La beauté formatée nous enlaidit. Le travail nous évide. Le storytelling médiatique tisse un ersatz de roman (inter)national. Nos corps courent vers la mort en lentes minutes. Nos amours, nos amitiés méconnaissables, nos tracés géolocalisables et d’ailleurs géolocalisés, nos identités éphémères, meurtrières, terrorisme ou métabolisme, s’abolissent au présent, cartographient d’innombrables néants, se délitent vite. Le cinéma imite le mouvement, simule le ridicule, méprise ses puissances et se prostitue pour subsister, laisser sur la rétine un reflet infime. La table rase tente, la superstructure titille l’immature, les films, qu’ils aillent se faire foutre, et la planète avec. Ou alors on y croit, à tort, à raison parfois, on ne baisse ni les yeux ni les bras, on repense la production, la diffusion, l’horizon délesté des contrefaçons. Arrête ton cinéma, deviens enfin film, mécanique métaphysique, poétique et politique. Sinon, ne compte plus sur moi pour parler de toi. Sinon, disparais fissa, voilà. Le ciné ? Projection et projet, lubie et sublime, cimetière matriciel et château de ma mère.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

La Fille du Sud : Éclat(s) de Jacqueline Pagnol

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot : Le Trou noir