Ghost Stories : Mission impossible


Les esprits avérés ? Une vue de l’esprit.


Des gens de talent, devant et derrière la caméra, mais ça ne fonctionne pas, la faute au freudisme, au manque de rythme, à l’absence de flamme(s) et de femme(s). Deux dramaturges, Jeremy Dyson & Andy Nyman, adaptent leur production à succès, à longévité. On se retrouve avec trois sketches (souvenirs) assemblés à la suite, cousus au fil pas si rouge, dehors, le gore, de l’investigation un brin à la con. Ce trio de cas résiste apparemment au spécialiste médiatique, vieil évanoui de caravane à vomir, qui charge donc le démystificateur en chef d’éclaircir tout ceci. Notre protagoniste, interprété par Nyman himself, s’appelle Goodman et il possède un passif familial conséquent, sa sœurette chassée de la maisonnette par le papounet à papillotes, peu porté sur les amours dites interraciales. Plus tard, comme une rime à nouveau dépressive aux origines gênantes, le vrai-faux psychiatre revivra un trauma de jeunesse à tunnel, à la Stephen King, celui de Stand by Me, sur fond d’antisémitisme assumé, de défi funeste, de fait divers humide. Commencé en home movie, Ghost Stories (2017) se poursuit en quatrième mur renversé, le POV de regard caméra substitué à l’aparté de la tradition théâtrale. Goodman s’adresse au spectateur, le prend à témoin d’une énième supercherie, mise en scène, mise à sac, avec mère en larmes et médium cynique. Puis, troisième rupture formelle, la focalisation externe, jargon d’universitaire littéraire, au siècle dernier, présente des personnages troublés, le père d’une alitée enfermée en elle-même, veilleur de nuit d’un asile (désaffecté) féminin guère serein ; un adolescent obsédé par Satan, aux parents refroidissants, au démoniaque accident ; un « prophète » de la finance, à épouse parturiente et poltergeist de sinistre présage.



De retour auprès du disparu, point alpha et oméga de l’aventure ternaire, identitaire, Goodman assiste alors à un petit numéro de démaquillage, rappelant son homologue du Festin nu (1991) relu par David Cronenberg. Sous le masque des apparences rances se dissimulait le trader, guide moqueur au cœur d’une réalité davantage tragique, plus terrible que l’imagerie : le professeur Goodman vient de se suicider (aux vapeurs de voiture), de se rater, de se réinventer en légume perfusé. Comateux platonicien, surplombé par un miroir mobile, il (se) projette en boucle, sur sa chambre (d’hôpital, voire à gaz, rajoute le teen skin) noire mentale, une succession de déroutes, une série de fantasmagories sourcées à sa quotidienneté, carburant à sa propre culpabilité. La diégèse s’avère ainsi une synthèse, le décor sent la mort, le friqué jouait les Virgile du Dante envapé. Hélas, cet Enfer reste froid, cette comédie d’humour noir (sick, dit-on outre-Manche, vocable idoine, au vu du contexte médical) ne vire point vers le divin. Demeurent une distribution dans son ensemble irréprochable, mention personnelle à Martin Freeman (Cargo, 2017), une direction de la photographie soignée, signée Ole Bratt Birkeland (The Missing à la TV), une partition in extremis lyrique, vocalisée, due à Frank Ilfman, collaborateur compatriote du tandem Aharon Keshales/Navot Papushado, notamment sur Rabies (2010). Comparé au naufrage du contemporain A Taste of Phobia, réponse supposée physique à la fugue psychogénique, tout cela redonnerait presque foi dans le cinéma, insulaire ou pas. Néanmoins, ce chic britannique pèche par décharnement, absence de regard (de réalisateur, seul ou à plusieurs), vanité dépourvue de vérité. La dimension méta se noie dans l’inanité de l’entreprise et l’émotion de l’immobilisation se fige à la surface des enfantillages.


Même un cinéphile anglophile, à l’instar de votre serviteur, se doit de concevoir la fable sur le voir, histoire d’un fantôme plutôt que de fantômes, tel un divertissement inoffensif (ouste, l’existentiel) de samedi soir, visionné en VOST, telle une jolie coquille vide, aux visages trop livides. Mémoire de Marnie (1964), corbeau des Oiseaux (1963), sinon de Poe ? Hitch, fichtre… Philosopher avec un marteau ? Celui de la Hammer, alors…       

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