Negative Happy Chainsaw Edge : L'Âge des possibles
Se faire découper en deux par des dents mécaniques (mentales) ou alors mordre
enfin « à pleines dents » la vie injuste et merveilleuse, dans un
Japon désincarné, endeuillé…
Une belle idée métaphorique en partie
reprise de Planète interdite – nos émotions créent nos démons – ne suffit
pas, hélas ou tant mieux, à faire un beau film. Privé de regard, d’énergie, ce manga live (produit par la survivante Nikkatsu) assez soigné dépassionne sagement,
bien trop terne pour susciter l’émoi du spectateur épris de romance juvénile,
pour résonner dans l’âme de l’adulte amateur de mélodrame. Oui, grandir
équivaut à mourir (par procuration, selon la perte de ses parents dans un
accident routier, de son ami musicien bagarreur par honneur amoureux, défiant la mort en deux roues, avatar
albinos de Jimmy Dean par Nic Ray ou du Motorcycle Boy de Coppola), à s’opposer
à la mollesse d’un destin d’assisté (exil et travail en famille), à se
sacrifier volontiers pour sa belle guerrière (veste et jupette :
uniforme fétichiste de la lycéenne nippone, orpheline dans sa grande maison
vide) baladée à vélo (on préfère, cela va sans dire, la jolie Megumi Seki à
E.T. !).
Mais il fallait un autre réalisateur
que Takuji Kitamura pour mettre réellement en valeur cette fable sur l’absurdité
de l’existence rédimée par des instants (que l’on voudrait éternels) de beauté,
de plénitude, de partage (souriant), sur la douleur, l’amitié, la vacuité, le
désir adolescents (les jambes nues croisées de Maho Nonami, tentante logeuse trentenaire
avinée), la naissance des sentiments, l’entraide entre les générations (moto
calcinée du professeur gentiment moqueur/révolutionnaire). Demeurent la grâce toute
asiatique d’un envol de pétales de roses rouges au passage rapide d’un centaure
casqué, une mélancolie prégnante, insuffisante, des combats aériens avortés
(architecture géométrique et symbolique de la piscine), un hymne (chanté)
sympathique à la résistance en mouvement, à la générosité du risque, comme autant
d’éclats d’un film inabouti, à parfaire et par conséquent à rêver, de
préférence muni d’une tronçonneuse lunaire et enneigée, puisqu’une victoire (à
deux), sur la Faucheuse et soi-même, s’avère in fine toujours provisoire…
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