Et Dieu… créa la femme : À propos de Raquel Welch
Quelques chères réminiscences d’une héroïne de son temps…
Une silhouette suprême, exposée à
dessein (amateurs de ses clichés dénudés, dépourvus cependant de la moindre
once de vulgarité, il faudra vous contenter d’une damnation volontaire devant
sa virginité de bonne sœur offerte chez
Dmytryk relisant Barbe-bleue, ou d’un cliché gentiment blasphématoire de Terry
O’Neill, qui donna sans doute des idées à Forman pour l’affiche de Larry
Flint) – et alors ? Ce qui nous séduit chez Raquel Welch excède sa
plastique à la Sophia Loren, ces formes d’un autre âge – car le cinéma, art
social, documente aussi l’anatomie des périodes, et une femme de 1929 ne
ressemble plus à celles d’aujourd’hui – ou, plutôt, s’incarne en elles comme le style fait l’homme. Osons les
analogies inattendues, délaissons la facilité des sensations : Raquel rime avec
Ava (Gardner – ou Devine, nous soufflent les plus « pervers ») et
Bernadette (Lafont) – son corps
talentueux, qui fait encore écran à ses capacités d’actrice, symbolise une
sexualité doublement historique. Davantage que via le « mythe » Brigitte Bardot s’expriment ici l’érotisme
solaire des années 60, l’esprit libertaire de la décennie 70 ; elle
équilibre par sa seule présence, cette force de vie – Tobe Hooper ? –
irréductible au cinéma et commune à (presque) toutes les représentantes du
deuxième sexe (ou premier, suivant la perspective adoptée), les envies de mort
– Charles Bronson ? – innées des hommes (et des cinéphiles, nécrophiles avérés
ne prisant que les femmes défuntes).
Chacun des avatars de cette métisse,
métaphore problématique d’une nation qui ne réalisa jamais vraiment le melting pot utopique, constitue une persona attachante, drôle et audacieuse,
à redécouvrir sous la légèreté de films-champagne (Une fille nommée Fathom
et son parachute « introduit » par Maurice Binder) ou de comédies
marquées par la crudité du Nouvel Hollywood (Les Poulets avec Burt
Reynolds), sans même évoquer ses mémorables prestations-panoplies chez Richard
Fleischer (Le Voyage fantastique), Don Chaffey (Un million d'années avant J.C.),
Andrew V. McLaglen (Bandolero !), Richard Lester (On l’appelait Milady) ou
au côté de l’hexagonal « Bébel » (L’Animal). Pratiquant
avant l’heure, avec Jim Brown dans Les 100 fusils, le sexe dit interracial, devenu depuis une « niche »
du X, changeant de sexe face à un
incrédule John Huston dans le « scandaleux » Myra Breckinridge,
d’après un roman drolatique et violent de Gore Vidal (le scénariste très gay de Ben-Hur et Caligula),
vengeant tous les outrages infligés à son sexe
dans un western mâtiné de rape and revenge (Un colt pour trois salopards)
– trois emplois d’un mot qui la définit mais ne l’identifie pas, trois
souvenirs parmi d’autres et au hasard –, la chère Raquel ne mérite, finalement,
que nos louanges, et l’on se plut à constater récemment, dans un épisode des
inénarrables et fluorescents Les Experts : Miami, que le Temps
(qui détruit tout, dirait Noé) ne parvint pas à effacer cette étincelle de
fantaisie, d’intelligence, de douceur un peu grave, également, qui charma tant
de spectateurs d’hier et de demain, encore logée dans ses grands yeux et sa
bouche délicieusement indomptable...
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