Mais où est donc passée la septième compagnie ?

 

Un métrage, une image : La Grande Pagaille (1960)

Ce récit d’Italie, de route et de déroute, accompagne le périlleux périple de quatre (pauvres) types, dépassés, trépassés, par des événements de revirement. N’en déplaise aux exégètes, aux amants du classement, il ne s’agit, jamais, d’une dite comédie à l’italienne, catégorie discutable, Chaplin opine, enchante et chagrine, certes moins stupide et raciste que celle, à la truelle, de « spaghetti western », Sergio Leone s’en désole, mais, bel et bien, d’un mélodrame martial et masculin, grevé de la gravité au carré du score d’escorte d’Angelo Francesco Lavagnino (Les Sorcières du bord du lac, Tonino Cervi, 1970). Produit par Dino de Laurentiis, dont le nom fait au moins trois apparitions, durant le générique en images fixes, déjà figées, de bande-annonce immobilisée, l’opus applaudi accompagne en plus, à sa manière douce-amère, le « miracle économique » capitaliste et consumériste, portraituré pied au plancher par Dino Risi (Le Fanfaron, 1962), puis honni par Pier Paolo Pasolini. Adieu donc à la pauvreté de moyens, point de destin, de Rome, ville ouverte (Roberto Rossellini, 1945), voici une évocation de quasi cossue reconstitution, cf. les figurants à foison et les finales, à Naples, explosions, comparez les ruines très cinégéniques, à leurs homologues teutonnes, austères, documentaires, encore maudites, de Allemagne année zéro (Rossellini, 1948). Chez Luigi Comencini, les gamins, pas un brin hitlériens, plutôt fachos, ne se suicident, ils menacent, des lettres de déportés ils ramassent, ils jouent à la guerre pour de vrai, des maquisards en camion et des citoyens insurgés au côté. Du Nord au Sud, le solide et subtil Alberto Sordi, déguisé en pas tant innocent lieutenant Innocenzi, croise ainsi le mauvais chemin du permissionnaire à ulcère Serge Reggiani, du provincial Martin Balsam, du jeunot Nino Castelnuovo, décédé en septembre dernier, de la malheureuse Hébreuse Carla Gravina, bientôt aux prises avec L’Antéchrist (Alberto De Martino, 1974), Dio mio, et, last but not least, d’Eduardo De Filippo en papa violoncelliste, cependant fasciste, le père vénère et le grand enfant flanqués en profondeur de champ ; remarquez itou le caméo alité de Mac Ronay (Les Tontons flingueurs, Lautner, 1963), mari trompé, plâtré, gare au râtelier, à la main malmenée. Au terme de sa (dé)marche, fi de l’uniforme, deviens enfin un homme, notre anti-héros, guère rigolo, presque saligaud, s’attelle à une mitrailleuse, comme le davantage désenchanté, individualisé, Rod Steiger de Il était une fois la révolution (Leone, 1971). Si sa structure épisodique, à huit mains co-écrite, incontournables Age & Scarpelli, renfort du fidèle Fondato (Les Trois Visages de la peur, 1963 + Six Femmes pour l’assassin, 1964, revoilà Mario Bava), frise l’anémique, le superficiel du picaresque, demeure un divertissement intelligent, animé d’un mouvement constant, auquel va répondre la stase du Grand Embouteillage (1979). Précis, empli d’empathie, un didactique pari, en partie réussi.   

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