Amérique. Les années noires : Les Misérables
William Burroughs ? Floyd Burroughs…
Sous l’égide directive du directeur
Roy Stryker, une dizaine de photographes fameux – dont les incontournables
Walker Evans & Dorothea Lange – affiliés à la FSA (Farm Security
Administration) documente et immortalise in
situ, en instantané(s), de 1935 à
1942, une Amérique (nordiste) sudiste, raciste, à la misère douce-amère. La
Section Historique se soucie ainsi de sociologie, de témoigner d’une rurale
réalité ; en décembre 1941, elle se voit vite rattachée au Service
d’Information des Armées, changement d’ère, entrée en guerre. Il en demeure
donc de riches archives, estimées à 70 000 tirages et 70 000
négatifs, sans compter les 100 000 censurés, l’ensemble cédé à la Bibliothèque
du Congrès. En coda de son introduction, Charles Hagen émet l’idée de
« documents en partie mensongers », se demande où disparurent le
« désespoir », la « colère » (ses raisins steinbeckiens
puis fordiens), estime que la « simplicité », l’« héroïsme »,
la « noblesse » et la « pureté » des représentants
représentés ne sauraient « satisfaire notre conception cynique de la
vérité ». D’une propagande à la suivante, du New Deal à Pearl Harbor, on
peut penser qu’il ne présente pas les faits et les effets de reflets totalement
à tort. Toutefois, l’« unité » nationale, remarquée,
« remarquable », du « pays meurtri », aux métayers et aux
humiliés dotés de « dignité », de « force », d’une
« résolution tranquille », se déploie en panorama, de visages ou de paysages, souvent iconiques, parfois
ironiques, tandis que la soixantaine de clichés sélectionnés par l’impeccable/irréprochable collection de (Photo/)poche construisent une cohérence, voire une convergence,
de regard(s) et de style(s). Dépourvus du plus petit pathos, ces images d’un
autre âge, très austère, presque centenaire, donnent à (re)voir et revisiter
des survivants de la pauvreté, qui possèdent sur papier, en noir et blanc
soigné, la calme du désastre, l’irréductible altérité d’individus pour ainsi
dire dissous, (dé)passés de l’autre côté du mythe économique, la Grande
Dépression devenue désormais elle-même mythique, tant le temps, surtout
étasunien, soumis à un espace immense, à un storytelling
géographique, poétique et politique, hypocrite et cinématographique, tend à
tout rendre plus grand, définitivement. Ici, face à un objectif jamais intrusif
ni voyeuriste, se tissent d’une société les signes et des masures, des
familles, l’intime. Là se côtoient le sarcasme d’un panneau – World’s highest standard of living, There’s
no way like the American Way, en effet – et le silence d’un enfant du
terreux tombeau. Ailleurs alternent des prisonniers noirs et un blanc chef de
gare. Terminé sur un cimetière, des maisons, une usine sidérurgique à la Voyage
au bout de l’enfer (Cimino, 1978), l’album recommandable introduit à James Agee (Louons maintenant les grands
hommes), annonce le Honkytonk Man (1982) de Clint
Eastwood. Poussière d’hier, posée, poseuse ? Plutôt portfolio d’une fine fraternité fracassée.
https://www.theatreonline.com/Spectacle/Vingt-sept-remorques-pleines-de-coton/10952
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=PK8ijrapwA8
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=pY8flCFf_CI
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=CcsoF1G3yAQ
Supprimer"Dans l'état du monde dit "technique",
Supprimerle procès de l'histoire continue,
mais c'est la technique,
à côté de laquelle nous ne sommes plus désormais
que des êtres "co-historiques",
qui en est devenue le Sujet.
Günther Anders, L’obsolescence de l’homme. Tome 2.
Sur la destruction de la vie à l’époque de la troisième révolution industrielle
Trad. de l’allemand par Christophe David, Paris, Fario, coll. Ivrea, 2011, 428 p.
https://jacquelinewaechter.blogspot.com/2020/06/reves-internautes-de-devenir-machine.html