Voice from the Stone : L’Emmurée vivante

 

La néo-Italie de Roberto Rossellini ? Une mamma (pas Roma) méta…

Rebecca (Alfred Hitchcock, 1940) rencontre L’Incompris (Luigi Comencini, 1966) ? Un peu, oui, plus un soupçon de Poe, celui du Chat noir et du Portrait ovale, allez. Au terme de ce mélodrame maternel, molto gothique, porté par l’interprète de GOT, chic, une fière infirmière impliquée, non diplômée, finit par remplacer la maman trépassée. Si, dès l’incipit, agonise la pianiste cosmopolite, son fiston tient bon, conjure l’absence, se « mure dans le silence », écoute avec insistance, avidité, la voix envolée, à travers la pierre austère. La villa viscontienne devient aussitôt une chambre d’écho(s), sinon une annexe automnale du caveau familial, un mausolée sonore, par une vieille servante, elle-même évanescente, jadis suicidée, hanté encore. Quant à l’éclairée carrière, inondée au début de la guerre, origine de la richesse patricienne, millénaire, elle autorise l’acoustique aquatique. La soignante et le Signore représentent ainsi deux déracinés, deux déclassés, deux esseulés destinés à se caresser, à s’accoupler, d’abord en pensée, onanisme féminin discret, amitiés masturbées à la Romy désespérante, désespérée, de L’important c’est d’aimer (Andrzej Żuławski, 1975). Tandis que l’odyssée immobile, à domicile, de la Miss Giddens de Deborah Kerr (Les Innocents, Jack Clayton, 1961) se figeait sur un infanticide, une bise un brin pédophile, celle de la Verena d’Emilia (Clarke) se termine sur une multiple métamorphose, loin du morose. Elle l’affirme au mutique Jakob, les décédés ne sauraient parler, ils se taisent pour l’éternité, pourtant elle entend la vocale Malvina, elle sait que la musique, la sculpture, s’avèrent des formes d’expression sans rature, sans imposture, orientées vers la vie, l’envie. Orpheline de ses parents, mère par procuration, par profession, elle va devoir en vérité se réinventer, revêtir une robe colorée, accorder en modèle pudique sa nocturne nudité.


Il faudra affronter une fièvre en replay, halluciner alitée, emmurement étonnant, cohérent, en compagnie de l’aristocratique, taciturne et tactile mater dolorosa, d’inversée pietà, la revoilà, avant de (re)devenir son adorée doublure, virtuosité au clavier, en tandem, en plongée, comprise. Filmé au moyen d’un classicisme attentif, serein, remarquez les surcadrages en widescreen, les regards au(x) miroir(s), tourné in situ, Latium, Toscane, intérieurs à Cinecittà, adapté d’un boulot de l’universitaire Silvio Raffo, animé par des gens de talent, devant et derrière l’écran, dont la vibrante Caterina Murino, la revenante Lisa Gastoni, doté, dommage, d’une sortie limitée, disponible en VOD, Voice from the Stone (Eric Dennis Howell, 2017), on le voit, revisite à nouveau Vertigo (Alfred Hitchcock, 1958), clin d’œil d’une seconde Carlotta, le corrige in extremis. Afin de se sauver, convient-il de se perdre, c’est-à-dire d’endosser une étrangère et idolâtrée identité, se muer en sage image, se poser en copie conforme, de cinématographe ou de gramophone ? Certes, aussi les cinéphiles féministes fissa se hérissent, face à cette sister britannique d’Eurydice, trop complice du besoin et du dessein masculins. Toutefois, les deux arts funéraires, précités supra, itou fonctionnent à la lumière, même mortifère, même poussière. Valeureuse volontaire, survivante de son mental cimetière, remontée, immaculée, accorte, d’entre les mortes, Verena, pas vampirisée mais livide, parvient à préserver, en définitive, une part, voire la totalité, de sa personnalité évolutive. Hors du mouvement, le ressassement ; contre les séparations, une réunion : moralité in fine apaisée, ensoleillée, matinale, amicale, d’un premier film plutôt prometteur, où battent et se débattent les cœurs, le pire, le souvenir, le désir et l’avenir, où la mélancolie musèle, émascule, des hommes malheureux, grand ou petit, jeune ou vieux, où la réalisation des beaux lendemains, décalqués, différenciés, des joyeux jours anciens, aux femmes fragiles et fortes, vivantes et mortes, revient, appartient.    

Commentaires

  1. "La Grande Bretèche est un téléfilm américain réalisé par Peter Sasdy diffusé en 1973, adapté de la nouvelle homonyme de Honoré de Balzac. C'est le 4e épisode de la série télé Orson Welles' Great Mysteries (Les Mystères d'Orson Welles), co-produite par Orson Welles, Anglia Television et Roald Dahl1."
    https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Grande_Bret%C3%A8che_(t%C3%A9l%C3%A9film,_1973)

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    1. Poe dans les pas de Balzac, ou presque :
      https://fr.wikisource.org/wiki/Nouvelles_Histoires_extraordinaires/La_Barrique_d%E2%80%99amontillado
      Et puisque Miss York m'importe :
      https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2018/10/images-oh-susanna.html

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    2. L'Élixir de longue vie est une nouvelle fantastique d’Honoré de Balzac. Cette version du mythe de Don Juan paraît en prépublication dans La Revue de Paris, en 1830, sous le titre de Festin1 et Fin, puis en 1846 dans l’édition Furne. Elle figure dans les Études philosophiques de La Comédie humaine.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%89lixir_de_longue_vie

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