La Belle Marinière : Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques

 

Poussière d’hier ? Ocarina sympa…

Personne et surtout pas moi ne prendra Lachman pour Vigo ni La Belle Marinière (1932) pour L’Atalante (1934). Pourtant cet opus incomplet, de quatre bobines délesté, donc disons dépourvu d’une quarantaine de minutes, mérite un court article, car il s’agit d’un sauvetage symbolique. Produit par Paramount, cru perdu, retrouvé chez UCLA, restauré grâce au financement participatif, au beau boulot en duo des spécialistes Lobster & Diapason, voici un succès en salles ensuite fissa disparu, dont la noyade diégétique, la rescapée parisienne, la séparation masculine in extremis, ainsi vogue la félicitée péniche, se disent adieu les amis amoureux, renvoient vers le destin de l’item, par extension illustrent la mécanique amnésique du cinéma, pas que celui d’autrefois. Sur le miroir de l’écran d’antan, les fantômes se reflètent au carré, célébrés, enterrés, ressuscités, se foutent foutrement, au-delà de leur exhumation, de la question de leur préservation, cependant essentielle. Après le relooking numérique d’une copie nitrate peu patraque, unique trace disponible en l’absence de négatif enfui, qui nous garantit la survie du support de confort, de réconfort, une pensée pour les disquettes désormais obsolètes, problème de pérennité déjà soulevé par le maestro Vittorio Stroraro ? Laissons les suivantes générations élaborer une solution, de lecture, de futur, observons pour l’instant, au présent, cet argument plaisant, transparent, cogité par un collaborateur régulier de Marc Allégret, par le scénariste-dialoguiste du raffiné Madame de… (1953) d’Ophuls, c’est-à-dire le dramaturge Marcel Achard. Il s’agit en résumé d’une histoire de deux couples en déroute : le Capitaine épouse Marinette, Sylvestre s’en soucie, lui-même par la mutique Mique, sœur du premier, désiré, vous suivez ?

Notre quatuor en plaqué or s’aime et se malmène, ne sème la tempête, perd plutôt un canasson prénommé Tombouctou, ah, le temps pas si joli des colonies. Notre modernité friendly gay peut subito s’amuser de l’homoérotisme discret d’une scène de bain/baignade entre mecs dénudés, le métrage d’un autre âge reste hétéro, très comme il faut, il érotise Mademoiselle Renaud, « sociétaire » au sein un brin à l’air. Exit itou la misogynie supposée de la salope de métropole bien sûr briseuse d’amitié, en sus virus de la vie classée saine des bateliers de la Seine, amen, puisque la passion réciproque ne dispense du remords, d’une lettre d’effort. Le cinéaste méconnu, au parcours pluriel, filme sa romance de nonchalance et de capitale en transparence(s) avec un soin estimable, bien secondé par l’éclairé « Rudy Mate », partenaire de Dreyer, Lang, Hitchcock, Lubitsch, Vidor ou Welles, par ailleurs réalisateur de l’astucieux Mort à l’arrivée (1950). On remarque des plongées, des contre-plongées de cabine, des travellings de café, des surcadrages sans ratages, un certain Delannoy au montage, appréciez au passage l’effet de photo-roman causé par les moments manquants, commentés en voix off, animés en sages images. Lachman, à défaut de filmer de tout son âme, savait se servir d’une caméra, préférer la tragi-comédie au sombre et maritime (mélo)drame, Laurel & Hardy disent oui. Madeleine rejoindra Jean, en Maria Chapdelaine (1934) pour Duvivier, en Yvonne du Remorques (1940) de Grémillon. Ici, elle maquille la mimi Rosine Deréan, fait chavirer Blanchar, gamberger Gabin, on comprend, on compatit, on écrit aussi à l’encontre de l’oubli, voire du vide de la vie, voui.      

Commentaires

  1. "Une vie de bohème"
    "À bord de la Ginette, une embarcation de 5 mètres de long, Simenon était accompagné de son épouse Tigy, de Boule – qui s’occupait de la cuisine mais qui était également sa maîtresse – et d’un chien danois du nom d’Olaf.
    La vie était spartiate. Ils dormaient sous une tente, sur la berge. Le matin, Simenon tapait sur sa machine à écrire un roman populaire qu’il envoyait à Paris pour financer le voyage. Ils allumaient un feu pour cuisiner et évitaient les restaurants faute d’argent."
    https://www.lamontagne.fr/montlucon-03100/loisirs/quand-georges-simenon-remontait-le-canal-de-berry-depuis-montlucon-sur-une-embarcation-de-fortune_13598603/

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    1. La vie, un long fleuve tranquille ? Pas selon Simenon, apparemment transformé en "bouleversant" romancier par sa modeste odyssée, traversée tranquille aux vrais-faux airs de vaudeville...
      Belle soirée, Jacqueline !

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    2. Merci et belle soirée également à vous !
      Georges Simenon au cinéma,
      http://cinemaetcie.fr/SIMENON%20GEORGES.htm

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    3. Comme un écho :
      https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2019/04/the-man-who-watched-trains-go-by-trust.html

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