Avoir 20 ans dans les Aurès : Chronique des années de braise

 

« Guerre sans nom » ? Cohésion de décision…

(Im)parfait contemporain du Franc-tireur de Causse & Taverne, voici un second western révisionniste, le célèbre Avoir 20 ans dans les Aurès (1972) de Vautier. Léotard rempile, en lieutenant impressionnant, tandis qu’Arcady, sosie d’Aja, nul ne s’en étonnera, Brizzard, Canselier, Elias, Moreau, Ribes sans Palace, Scoff sans Collaro, constituent le récalcitrant commando. Ils réclament la « quille », ils expérimentent l’exil, bien loin de leur Bretagne, en plein « putsch des généraux », à l’ombre et à la radio du Général, de Gaulle, qui d’autre ? Égalitariste dès le générique, le réalisateur associe au sien les noms de ses assistants, de sa scripte. Co-monté par l’un des acteurs principaux, à savoir Hamid Djellouli, ensuite au casting du R.A.S. (1973) de Boisset, aussi un récit « d’insoumis », fissa transformés en élite polémique, le film de fiction affirme sa « véracité » via un carton, illustre des enregistrements, relit une autobiographie. Tourné en 16 mm et gonflé en 35, ponctué de chansons un peu à la con, Tisserand singe Reggiani, de plans en caméra portée, voilà un ouvrage d’outrages ni censuré ni mal distribué, à Cannes primé, moins documentaire que documenté, sorti une décennie après la fin officielle de l’effroyable conflit. Sa jambe bousillée, l’instituteur vomisseur se souvient, surtout du pragmatique, indépendant plutôt qu’indépendantiste, Perrin, d’Indo ancien. Face à la leçon in situ d’anti-idéalisme, d’amitié instrumentalisée, la baignade édénique entre types, le pacifisme du « Ponce Pilate » antimilitariste, déserteur secoureur, ne pèsent pas lourd, vite dévient vers le désamour. Les soldats français incendient, tabassent, pratiquent l’infanticide, en souvenir des Atrides, exterminer les héritiers, avouent le viol voyeuriste, s’adonnent à la pseudo-crucifixion de saison, éolienne presque australienne comprise, disons Razorback (1984) délocalisé au djebel.   



Vautier donne à voir de vrais-faux témoignages en regard caméra, des archives avérées, des villageois qui s’en vont, des chars, un charnier, images obscènes accompagnées par un berbère requiem, corollaire de la démonstration de déshumanisation, pauvres « prolétaires » devenus endurcis tortionnaires. La troupe en déroute, dirigée en mode impro, attend son hélico comme les clochards de Beckett le dérisoire Godot. Les mutins se moquent un brin de Perrin, le ligotent, montrent leurs fesses au soleil du soir, contre le désespoir, le désert, les ruines, la déprime. Ils enterrent d’armes leur frère, le sort du prisonnier, du harki enrôlé, au fond les indiffère. D’abord « regarder la guerre en face » puis « rétablir la discipline des unités d’AFN », amen. Alors que le curé s’accommode du moindre mal, transige avec sa morale, remarque la similitude des destins sémites, le dernier tiers affiche une fuite, tandem amène de « fellouze » et de fuyard. On se présente, on se serre la main, on dialogue sans se comprendre, direction Tunis, drolatiques complices, on fait sa prière, on soigne son pied, on pisse en sifflotant Le Temps des cerises, d’autrui on prend soin sous la tente d’une femme et d’enfants de bédouin – hélas on succombe à un gosse survivant, pleurant, ne jamais leur apprendre à se servir d’une arme, dame. Avant d’être promu commandant, de châtier au Tchad, Perrin appelle les « appelés » à la vengeance, encore à « l’esprit de corps ». Tout ceci certes se suit  délesté d’ennui, cependant ne passionne, reste à la surface, oppose de manière scolaire, en milieu militaire, le groupe d’entourloupe à l’individu bienvenu. Pertinent mais partisan, quid des « exactions » de l’autre camp, car une guerre, à l’instar de l’amour, se (dé)fait à deux, tant pis, tant mieux, l’ensemble, assez paupérisé cinématographiquement, sinon en matière d’argent, constatation d’occasion, point moche reproche, ne saurait rivaliser, allez, avec Outrages (1989) et Redacted (2007), sidérant diptyque, à la fois baroque et classique, où le spectateur se trouvait aussitôt immergé, voire asphyxié, parmi un fait divers en reflet, un « film d’horreur » vécu et arrivé, un cauchemar national, martial, davantage médiatisé, OK.   

Commentaires

  1. Philippe Léotard - Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
    https://www.youtube.com/watch?v=wnr50u9qwSU

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    1. Léotard & Ronet, allez :
      https://www.youtube.com/watch?v=JbOKMWZl748

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  2. Signé Furax est un film français, réalisé par Marc Simenon, sorti sur les écrans en 1981. Signé Furax est adapté de la seule 2e saison (1956-1957), titrée Le Boudin Sacré, du feuilleton radiophonique Signé Furax, écrit par Pierre Dac et Francis Blanche.
    https://www.dailymotion.com/video/x5p2diw

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    1. La version intégrale à visionner ici :
      https://www.youtube.com/watch?v=PV0-wD7vgj8

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    2. Le commentaire signé Furax était posté sous le billet relatif au film Moi y’en a vouloir des sous : Habemus papam,
      je ne suis pas à l'origine de ce mélange des genres mais bon, à la guerre comme à la guerre, entre les bugs relatifs aux superpositions d'écrans et autres galéjades du sois-disant Net...quel réseau !

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    3. No problemo, camarade à main désarmée, car fureur froide du furieux Léotard, donc raccord encore...

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