L’Assaut : Le Président

 

Vérité relative, secret souillé, médias d’autrefois…

Même méconnu, depuis longtemps oublié, un exemple exemplaire de théâtre filmé ? Film jamais théâtral, cependant adapté du dramaturge Henry Bernstein, plusieurs fois représenté au cinéma, par exemple par Messieurs Marcel L’Herbier, Maurice Tourneur, Raymond Rouleau, Marc Allégret ou Alain Resnais, L’Assaut (1936) mérite mieux que le mépris poli de cette expression alors, déjà, de saison. Certes, ici la parole se met en scène, au milieu, repos estival, familial, à Compiègne, au commencement, à la chambre agitée des députés, au terme, pendant le procès express. Pourtant Pierre-Jean Ducis, industriel cinéphile, actif au cours d’une sombre décennie, de 1933 à 1943, savait se servir d’une caméra, point paresseux ne s’endort pas, durant des dialogues l’a priori transparent enregistrement. Fable affable sur l’éthique de la politique, la puissance de la presse, la faute à confesse, L’Assaut en filigrane radiographie le pays de Stavisky, fameuse affaire ensuite offerte sur un plateau à Jean-Paul Belmondo, par le précité Resnais, voire l’inverse, box-office des seventies oblige. Histoire d’arroseur arrosé, l’argument fait s’affronter le méritant Mérital et la fripouille de Frépeau. En ersatz du célèbre Monsieur Madeleine, à son tour rattrapé par son passé, Charles Vanel, ses cheveux vieillis, comme souvent excellent, s’efface, se confie, se défend. André Alerme, Iago à édito, maître-chanteur amateur, écourtera l’outrage, lui-même victime d’un chantage, because ancien scandale, dame. Tandis que ses deux fils, bons bourgeois sympas, se bastonnent avec la populace attablée, friande de médisance, qu’ils en viennent vite à douter de la paternelle, un peu patronale, paternaliste, sinon moralisatrice, en tout cas en public, intégrité, Georgette, moineau à domicile, Madeleine Robinson juvénile, idem le papounet adoré, respecté, suspecte.

Seule Renée, vraie-fausse fiancée de l’un des fistons un peu concons, lui paraît dévouée, ose se déclarer : via sa voix grave, son aveu amoureux, Alice Field bouleverse en sourdine. La confiance de la jeune femme, sa fidélité au-delà du souvenir, du repentir, permettent à Mérital de miner son rival, c’est-à-dire, par réfraction, le fouille-merde joué par Jean Joffre, revenant envahissant, mendiant du moment, appointé en bibliques deniers, ex-journaliste à Tunis, rédacteur en chef d’une feuille de chou à indiscrétions d’occasion, au temps joli des colonies. Sa propre enquête menée, fruits amers récoltés, le silence du principal intéressé acheté, cher payé, le meilleur ennemi venu le féliciter du verdict, dont un franc fichtrement symbolique, le président du parti peut partir tranquille, au bras de sa future femme, qui l’escorte et le réconforte à la façon de la figure de sa défunte sanctifiée. Tourné aux studios Paramount de Saint-Maurice, dixit le générique, assez aéré, assez rythmé, doté d’une bienvenue brièveté, plutôt mobile, toujours précis, constamment composé, remarquez le surcadrage au miroir, lorsque Renée se déclare, Alice audacieuse face à un Charlie presque sosie d’un certain Sacha Guitry, « petite tentation » de « mon enfant chérie », celui de la fenêtre dissimulée, à travers laquelle observer les mecs mutiques en train de papoter, retournant en arrière en coupures sévères, au moyen de réminiscences montées, commentées, L’Assaut possède aussi un valeureux travelling, en demi-cercle guère obsolète, situé près d’une éteinte cheminée, suspendu avec habileté, ensuite repris à l’instar de l’espoir, de l’envie de la vie. Ni chef-d’œuvre à idolâtrer, ni pensum à répudier, L’Assaut séduit ce qu’il faut, ni trop peu, ni beaucoup trop, démontre aux dubitatifs que la tragi-comédie de la chose publique remonte à loin, ne cesse de se poursuivre, que des mains, même sales, s’avèrent en définitive préférables à des révélations à pognon, à des amitiés frelatées. Chic et ironique, il s’agit, en résumé, d’une aimable et estimable curiosité, d’un divertissement intelligent, à l’écart, un instant, de la morose morbidité de notre présent.

Commentaires

  1. Mélo est un film français en noir et blanc de Paul Czinner sorti en 1932. Le scénario est inspiré de la pièce de théâtre éponyme d'Henri Bernstein, Mélo.https://www.cinematheque.fr/objet/861.html

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    1. Merci pour cette affiche évocatrice, a fortiori par rapport à celle du Resnais.
      Un peu de "patriotisme" et surtout d’antisémitisme ici :
      https://www.youtube.com/watch?v=afxID6LcjuI

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    2. Retour à l'innocence : Édouard Manet - Henry Bernstein as a child
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:%C3%89douard_Manet_-_Henry_Bernstein_as_a_child.jpg

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    3. Retour à l'adolescence :
      https://www.amazon.fr/Andr%C3%A9sen-Tadzio-Venezia-36x28cm-Photographie/dp/B004LMWNM6

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    4. Ce costume de marin de la bonne bourgeoisie un peu belle époque, le futur décorateur Jean-Michel Frank (apparenté à Anne Frank), il le portait quand il fut photographié sur la côte normande, plus tard son ami intime fut rien de moins que Drieu !
      "En 1921, il aménage la garçonnière de Drieu La Rochelle, qu’il vide : murs blancs, quelques meubles et un vase cubique en verre, objet déniché chez un électricien"...

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    5. "Tout s'harmonise" affirme le Stephen King de 22/11/63, oui-da...

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  2. Mort à Venise- Pont des artistes -Jean Guidoni
    Musique :Pascal Auriat
    https://www.dailymotion.com/video/x30qdz
    https://www.boiteachansons.net/Partitions/Jean-Guidoni/Mort-a-Venise.php

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