Le Franc-tireur : Courage fuyons

 

Conflit qui indiffère, silence de l’amer…

Western révisionniste seventies, pourtant pas à la sauce US : il ne s’agit plus de réhabiliter les « Amérindiens », de fustiger leur « génocide », plutôt de démystifier les maquisards, de (pour)suivre un suicide. Au cœur du Vercors, Bashung fera le mort, sautera à l’élastique, menteur nocturne de sa Fantaisie militaire à lui. Vingt-six ans auparavant, Léotard incarne de manière mutique un « fils de collabo » cynique, un petit opportuniste venu se planquer chez sa grand-mère, au grand air, y attendre en supposée toute sécurité la fin attendue de la seconde guerre, guère dernière. Mauvais timing, comme dirait le Roeg à l’horloge détraquée de Enquête sur une passion (1980), car les Allemands mitraillant décident d’investir et donc de réduire la forteresse naturelle, sa communauté républicaine. Deux femmes vont faire les frais des funèbres fusillades, l’ancêtre précitée, partie des œufs chercher, la sœur d’un fermier, repos du vrai-faux guerrier fissa offert, à laquelle Estella Blain prête sa beauté topless, ses fines fesses. Perrat, un peu paria, très peu patriote, en oublie de veiller, de (se) réveiller le fringant lieutenant, causant un massacre au matin. Tandis que les maudits Amerloques, déjà débarqués, jouent les Arlésiennes désirées, que de Gaulle, résistant londonien, directeur de gouvernement algérien, aujourd’hui succès de librairie, eh oui, se signale par son silence assourdissant, nos survivants, rien moins que vaillants, ressemblent un brin aux soldats esseulés, désespérés, du Désert des Tartares (1976), celui de Buzzati puis de Zurlini. La troupe hétéroclite, anti-héroïque, prend la fuite, essaie sans cesse de s’en sortir, papote à propos de francité sous uniforme, puisque un « Maghrébin », apparemment point musulman, à eux se joint. On boit, on mange, on chante, on déchante, la solidarité s’associe à la trivialité, le bruit du vent précède l’embrasement. Au générique, revoici Mouloudji, pour un opus pacifiste, certes pas à la hauteur du Déserteur.

Film méconnu, davantage que film de « soldat(s) inconnu(s) », mal-aimé, mal musiqué, mal distribué, produit par le pornophile Francis Leroi, assemblé par une monteuse classée X, Le Franc-tireur (1972) de Causse & Taverne ne mérite ni les honneurs ni le déshonneur, même s’il demeura invisible durant trois décennies, en raison de questions de droits, voilà, de la colère insincère d’une association d’occasion. Avec sa dédicace à une enfant décédée, ses remerciements à Truffaut & Co., son titre ironique, programmatique, sa voix off d’incipit didactique, son pendu privé de repas, sa « babouchka » de bazooka, ses Français « moyens », tout sauf sereins, sa veuve de volontaire vaincu vite dévouée, son abbaye vite envahie, son chalet de drolatique bestialité, son lapiaz d’impasse, sa brièveté, sa lucidité, ce métrage d’un autre âge, contestataire, libertaire, manque de rythme, pas de charme, ne s’appuie sur l’empathie, séduit par sa modestie. Ni cousin du Lacombe Lucien (1974) de Malle malmenant où ça fait mal, ni ami des comiques troupiers, invités de TV, de la trilogie de La Septième Compagnie, dirigés par Lamoureux entre 1973 et 1977, Perrat parvient à détaler du dédale. Assassin non sadien, il arbore in extremis un sourire de grand gosse amoral, de chassé chasseur doté de moral, détenteur d’une discutable moralité, CQFD.     

Commentaires

  1. Bel hommage et au film et à Léotard l'acteur, comment diantre deux frères si différents peuvent-ils naître au sein d'une même famille ?
    En ce qui concerne Robert Lamoureux, il est drôle certes mais toujours avec de la noirceur en dessous, la guerre il l'a vécue en réel, en témoin effaré de la débandade à tous niveaux que ce soient, acteur engagé quand il le pouvait,
    il a vu de près la débâcle, le manque de courage, le marché noir, la délation, enfin tous les petits arrangements avec sa conscience pour faire du fric ou prendre sa revanche sur le voisin, les juifs dénoncés parce qu'ils avaient de beaux meubles convoités par des voisins y compris dans des quartiers populaires, bref si on veut bien regarder différemment même dans ses films dits comiques troupiers il y a du fond cynique parfois et le dessous du pot il n'est pas vraiment beau à voir...

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    1. Donc le contraire du Oury, on rit, de La Grande Vadrouille et de L'As des as, diptyque sympathique au révisionnisme œcuménique...
      Lamoureux aussi estimable en Arsène selon Becker.

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