Kaléidoscope (sans Hitchcock) I
Six années de ciné recensées sur FB…
- 24 Hour Party
People (Michael Winterbottom, 2002)
L’évocation, sous forme de rock/mockumentary, d’une période et
d’une personnalité, celle du Manchester musical de la décennie 80, celle de
Tony Wilson, âme de label et dandy rebelle : le tandem Coogan-Winterbottom (une pensée pour le scénariste Frank
Cottrell Boyce) amuse souvent, en reportage de bidouillage, en regard caméra,
en tons sépia (via la vidéo, Robby
Müller, émancipé de Wenders, s’aère avec New Order), en archives montées ou en
saynètes reconstituées ; néanmoins, au final, tout ceci, un brin bruyant, un
peu épuisant, se dilue aussitôt dans l’oubli, patine immédiatement dans
l’imagerie habituelle – sexe, drogues, ego, trémolos –, peine à (r)animer une
galerie de pantins à peine esquissés, au profit de l’ironie, aux dépens de
l’empathie. Au lieu de cela, si sage et jamais ressenti, orientons les oreilles
et les yeux vers Control, biopic
classique et classy de Curtis par
Corbijn.
- 78/52 (Alexandre O. Philippe, 2017)
Après le risible remake arty commis par
Van Sant, un documentariste suisse, qui travailla sur Lucas et les zombies, bigre, délivre une interminable
démonstration (bien évidemment dédiée à sa maman) d’histoire orale et d’exégèse
collective (en noir et blanc, prologue + épilogue de reconstitution à la con) ;
ceci vire très vite à l’effet Rashōmon, voire Koulechov : chacun,
plus ou moins savant/intéressant, s’exprime puis au final il n’en reste rien,
sinon une sociologie scolaire, une psychologie paresseuse ; pire, cela se
voudrait exhaustif mais ignore l’apport du DP Joseph L. Russell (non cité !),
néglige De Palma (grand absent, on le comprend), oublie la parodie X du
spécialiste Gary Orona ; la vérité (subjective, pas définitive) de la scène se
trouve en elle-même, dans l’intégrité de sa durée, son articulation avec le
reste du film, ici réduit à l’anecdotique, sa contextualisation de disparition
(L’avventura,
connais pas).
- L’Appel de la forêt (Chris Sanders, 2020)
Adaptation désincarnée, pasteurisée,
du bouquin darwinien de London, dotée d’une dimension politiquement correcte
très malhonnête, dépourvue du moindre point de vue. Comme il existe une justice
(pour tous), en tout cas parfois, même au cinéma, même aux USA, le vain ouvrage
se vianda au box-office local, ce qui
dut un peu indisposer les distributeurs capitalistes de Disney, sans doute
insensibles à la sensibilité anarchiste de la fable d’origine. Demeure, au sein
de l’interminable simulacre canin, la performance fragile et forte de Ford,
solitaire volontaire, endeuillé dessinateur-narrateur, en requête d’un
ailleurs…
- L’Ascenseur (Dick Maas, 1984)
En 1984, Rohmer scrutait la lune et
Maas prenait l’ascenseur ; une trentaine d’années après, le fantastique létal
se situe où l’on ne l’attend pas et la cabine de Dick, déjà étroite à l’époque,
semble aujourd’hui bien vieillie, c’est-à-dire mal, relecture très paupérisée
du kubrickien combat de l’Homme contre la Machine ; demeure deux ou trois
meurtres pas tellement en dérangement et le charme néerlandais de Willeke van
Ammelrooy, ancienne partenaire d’un Jean-Marie Pallardy à la filmographie
comico-érotique aux titres cinéphiles…
- Benni (Nora Fingscheidt, 2019)
Mélodrame maternel, à gamine
agressive, car traumatisée, car mal-aimée, (mal)traité en caméra portée, en
auteurisme teuton à la sauce ARTE, durant deux heures répétitives, presque
interminables, au terme desquelles l’image se fige, se fissure tel du verre
d’objectif, ou de transparence à distance, comme si l’héroïne, ivre de sa
course sur le toit de l’aéroport, cassait l’équivalent ciné du fameux «
quatrième mur » d’imposture. Hélas, ça ne casse rien…
- Boundaries (Shana Feste, 2018)
En vérité, il convient d’être un fana
de Vera Farmiga, afin de s’infliger ça, minable téléfilm anonyme et cacochyme
grimé en comédie dramatique indie,
familiale, édifiante, en road movie
immobile, carburant gentiment au cannabis,
sinon à la gérontophilie. Pardonnons à Christopher Plummer, que l’on suppose en
train de penser à ses impôts, « prélevés à la source » ou pas ; remarquons les
caméos à la con de Christopher Lloyd puis Peter Fonda, voilà, voilà…
- Bus Party to
Hell (Rolfe Kanefsky, 2017)
Du ciné comico-horrifique ? Une
petite plaisanterie à la Troma pas trop antipathique. Le titre résumant
totalement le résultat, faisons fissa : Sadie Katz vaut bien Sandra Bullock, sa
voix évocatrice davantage voilée ; bonne idée de donner corps à son bestiaire
tatoué, même si l’on se croirait dans la cale animale de Fort Boyard ; deux
répliques poétiques, proférées par une tête coupée, par un friqué – « Big
mistake, bitch! » + « My gift is my dick ». Sinon, sus aux esquisses de
sourire, tout ceci, sataniste en diable, si j’ose dire, rendu en Red, écrit sur
du papier toilette mis en abyme, fort en gore,
peu folichon en nichons, reste très con, manque aussi, à l’image du véhicule de
Vegas, d’essence, d’énergie, de désir, de rythme et d’érotisme, commis par un
stakhanoviste du frisson onaniste, voire l’inverse. Alors que l’Enfer se
paverait de bonnes intentions, la belle imagerie succombe à ces produits de
saison.
- Calibre (Matt Palmer, 2018)
Deux chasseurs écossais sachant
chasser le garçonnet + son papounet se retrouvent fissa les proies de locaux
très énervés, on comprend, on compatit. Mais Zaroff se fiche de Netflix et des
ruraux en sursis, d’un accident, d’un enterrement, de l’amitié in extremis mise à mort, prix élevé
d’une survie négociée. La lutte des classes passe ainsi par une partie de
chasse et la paternité participe de l’émancipation de pensionnat, regard caméra
en coda. Tout ceci s’étire durant un premier long métrage trop sage, en partie
réductible à sa bande-annonce…
- Capitaine Flam (Tomoharu Katsumata et
al., 1978-1979)
Certes, il ne s’agit pas du meilleur
segment d’un dessin animé à raison mémorable, banal argument de détournement,
maquillage, revente de vaisseaux spatiaux sur fond de course cosmique,
cependant la magie, sans nostalgie, opère parfois, dans des scènes solidaires,
des décors stellaires. Flam, orphelin accompagné par une famille de cœur,
paraît flotter à l’infini dans la nuit nippone d’une enfance française, soutenu
par les notes addictives de Yuji Ohno.
- Le Chinois se déchaîne (Yuen Woo-ping, 1978)
Illusion comique de Corneille ?
Comédie d’action pour Jackie. Bien avant de s’exiler à L.A. avec le succès que
l’on sait, le chorégraphe martial Yuen délivre un aimable mélodrame de transmission,
donc de filiation. Les claires scènes de combat se voient scandées de zooms
avant/arrière à ravir un Visconti. La célébration physique n’oublie pas de
faire une place au corps estropié du cuisinier (un traître, gare à son thé), au
corps obèse du fils à papa-magnat. L’allitération du titre français évacue la
zoologie de l’original et au final, le serpent terrassera l’aigle en
s’inspirant du chat, séquence qui, n’en doutons pas, irritera les militants de
PETA. Ensoleillé, aéré, un peu désargenté, muni de mélodies addictives et
contrebandières, ce petit film modeste et sympathique s’appuie aussi sur une
rivalité d’écoles, se déroule sur des montagnes chipées aux frérots Shaw et
compte un curé à couteau comparable à Caviezel…
- Countryman (Dickie Jobson, 1982)
Vrai-faux rousseauisme à la
marie-jeanne sur fond d’élections, de corruption, d’opposition, d’oppression,
d’exécution + de sorcellerie un soupçon. Certes, nul ne confond Dickie Jobson
avec Peter Weir, mais son conte pas con, plutôt politique que touristique, se
suit avec plaisir, avec le sourire, à l’instar du couple US hilare à cause de
la « cigarette qui fait rire ». Dédié à Bob Marley, inspirateur-chroniqueur, l’opus repose aussi, surtout, sur le
pêcheur éponyme...
- Dark Crimes (Alexandros Avranas, 2019)
Détestée par beaucoup, certes
desservie par un téléfilmage soporifique et une VF effroyable, cette sorte de 8
millimètres à la sauce polonaise, fiction tirée de faits réels, en rime
à l’argument, par conséquent, inclut un Carrey méconnaissable en flic
placardisé, manipulé, à la famille minable, motivé par un sens de la justice
insaisissable. On pouvait espérer un portrait pertinent du capitalisme sexuel
en territoire communiste et catholique ; on devra se contenter, ou pas, d’un Garde
à vue au rabais, à l’ironie discrète, à la coda cohérente, puisque « Ni
le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face », nous dit Héraclite, et
que la vérité s’avère un tombeau. Signalons que les scènes SM, au propre, au
figuré, avec Charlotte Gainsbourg, actrice spécialisée dans le drame
auteuriste, dont on aimerait voir davantage le sourire solaire, se
caractérisent par une intensité désespérée-déterminée adéquate, indeed.
- Dear Dictator
(Lisa Addario & Joe Syracuse, 2018)
Œuvrette inepte, à l’argument
politiquement incorrect, au traitement platement télévisuel. Exit Charlie Chaplin, le dictateur
(ro)coco, non cinéphile, conseille à l’adolescente isolée, connaisseuse de Blue
Velvet & Maniac Cop, la lecture de Machiavel.
Caine, cosplay castriste, vieux,
émouvant, assure sa retraite, cite Shakespeare ; Katie Holmes, carrément
trentenaire, montre son orteil, ses guibolles, son short, sa culotte ; Odeya Rush, l’âge du personnage, s’en sort avec
les honneurs, Savannah substituée à Israël. Ceci ne saurait faire un film, une
satire politique ou sociologique, ça sauve sa morale inoffensive, si
conservatrice. Le duo mixte, au scénario, derrière l’objectif, s’appuie sur un
double « coup d’État », en français dans le texte, parlé, chanté, mais ne
révolutionne ni n’ambitionne rien, sinon trousser un pur produit pour ta teen en ligne, de préférence mal dans sa
peau monoparentale : foutaise féministe fatale.
- The Debutantes (Prime Cruz, 2017)
Ersatz fadasse et philippin de
l’admirable et américain Carrie au bal du diable (De Palma,
1976), avec en sus une dose de maltraitance familiale, de vrai-faux
dédoublement mental, de réseaux sociaux pas beaux ; commis par un type a priori traumatisé par Suspiria
(en 1977, Argento jette déjà Jessica à l’eau), le métrage mouligas semble
enlisé dans sa propre insipidité d’inanité, doté de débutantes décimées,
dispensables, exemple de ciné faussé, fini.
- Depeche Mode 101 (David Dawkins, Chris Hegedus, Donn Alan Pennebaker, 1989)
Documentaire anecdotique, voire interminable,
sur une lucrative tournée américaine de DM : si le métrage conserve un aimable
caractère artisanal, dépourvu du Barnum de parvenu (Louma nous voilà), s’ils
surent éviter l’épilepsie du montage en mode MTV, Pennebaker (d’ailleurs mis en
abyme au Rose Bowl avec sa caméra 16 mm à la main) et ses confrères s’avèrent,
hélas pour le spectateur-auditeur, incapables de filmer avec une once
d’originalité la musique mécanique, mélodique et mélancolique des valeureux
quatre garçons dans le vent des années 80, moins encore de les identifier, y
compris en surface ; pire, ils s’égarent dans un picaresque d’autocar présageant les actuels ravages
de la télé-réalité, en compagnie de fanatiques juvéniles peu finauds, dont on
se contrefout franchement. Conseillons aux cinéphiles, aux mélomanes, aux
néophytes et aux spécialistes de se rabattre vite sur Spirit !
- Dnevnik Glumova (Sergueï Eisenstein, 1923)
Eisenstein avant Eisenstein : Fantômas
meets Ça ou presque dans cet
aimable « montage d’attractions » en mode méta, qui inclut même une
architecture ecclésiastique anale-phallique, des substitutions allégoriques à
la Méliès et un signe slave assez obscène de la mimine ; on le sait, le
Sergueï, nous saluant, souriant, à la fin, mise en abyme ultime, destinait ce
divertissement un brin sinistre, car innervé par le frais souvenir de 14-18,
car curieusement annonciateur de 39-45, visez-moi la svastika (utilisée aussi
en Russie impériale, d’accord), à son adaptation d’une pièce apparemment axée
sur la stupidité de la sagesse, ou l’inverse – averti par Vertov, déjà en
compagnie du fidèle Grigori Aleksandrov, le camarade cinéphile passe ainsi de
la scène à la saynète, de la rampe à l’écran, du théâtre au cinéma via un vrai-faux journal intime aux
allures de JT en accéléré, cryptique et homoérotique, amen…
- Emily (Henry Herbert, 1976)
Fanny Hill peut continuer à dormir
tranquille, cet énième récit de virginité à perdre en (supposée bonne) société
ne suscite qu’un ennui dit poli, mais le travail impeccable de Jack Hildyard,
DP valeureux à l’œuvre chez Lean, Mankiewicz, Nicholas Ray, Hathaway, Losey,
Hitchcock ou sur Le Message de Moustapha Akkad, fait honneur à l’ensemble
insipide, très britannique dans sa sexualité de classes juste cachée ; et jolie
scène de douche pas farouche.
- Ewa (Haim Tabakman, 2016)
Vaudeville sous valium, à base de
surcadrages en widescreen, avec moto
molto métaphorique et ponctuations en chansons, où un retraité épuisé, sinon
épuisant, amateur de bain habillé, se demande de manière rhétorique : « Être un
rescapé de la Shoah t’autorise à baiser ma femme ? ». En dépit du plan-séquence
solaire liminaire, un brin tarkovskien, rematez Le Miroir, malgré un casting estimable, ce Jules et Jim issu
d’Israël assoupira fissa…
- Felicity (John D. Lamond, 1979)
Avatar australien/hamiltonien de
notre interminable Emmanuelle, voici un film définitivement inoffensif,
anecdotique, conservateur, sentimental, à peine rendu supportable par la belle
lumière de Gary Wapshott et le charme modeste de Glory Annen, lectrice en VO de
l’exotico-datée Mademoiselle Arsan + un certain Story of O, chef-d’œuvre
mystique dû à Dominique Aury ; sinon, croiserons-nous enfin le Félicité
de Christine Pascal ?
- The Foreigner
(Martin Campbell, 2017)
Camus
? David Morrell ! Et
l’IRA, pourquoi pas, décrite en milieu naturellement incestueux, au figuré puis
au propre, liaison tante-neveu incluse. Hélas, ces Atrides-ci, insipides et
sans style, s’agitent paresseusement dans la grisaille d’ensemble, entre
Londres et l’Irlande. Le terrorisme assassine des gens a priori innocents, so what?
Sans doute dans un souci d’équité, le téléfilm au bord de l’interminable
suggère aussi la torture britannique expliquée, sinon justifiée, par un
attentat immédiat, avatar de Mrs.
Thatcher en l’air. La violence se nourrit de jeunesse quand l’âge incite à la
diplomatie, amen et « Dieu sauve la
Reine » – ou la refoule via le Sinn
Féin. Pièce rapportée parmi cette partie d’échecs ou ce jeu de massacre « en
interne », Chan co-produit et joue les pères orphelins, assommés par le
chagrin. Soudain, il devient un expert militaire formé au Vietnam, dame : on
s’émouvait, on ricanera.
- Für Elise (Wolfgang Dinslage, 2012)
Téléfilm teuton triangulaire qui
voudrait rivaliser avec Lolita, ja, mais qui s’avère, en
visionnage accéléré, définitivement un infime drame bourgeois minable et
interminable meublé chez IKEA ; si la France fixe désormais la majorité
sexuelle à quinze années, âge de l’héroïne plus éprise de Chopin que de
Beethoven, l’ensemble se caractérise par sa rédhibitoire puérilité, de
scénario, d’interprétation et de réalisation – Brooke Shields, alors mineure
dans le bordel par définition peu politiquement correct de La Petite, en rit encore…
- Giselle (Toa Fraser, 2014)
Captation à la con d’une mise en
scène un brin burtonienne aux ponctuations cosmopolites en plein air et en
studio, de danse, forcément ; Gillian Murphy s’avère aussi rousse que Moira
Shearer tandis que Qi Huan remémore Mark Dacascos ; on pensera ce que l’on veut
du ballet classique en général, de la partition d’Adolphe Adam en particulier,
mais le British Kiwi qui commit ceci mériterait presque le mépris, comme si Les
Chaussons rouges n’existait pas, comme si filmer des talents en
mouvement se réduisait à les suivre en charcutier de TV. « Plus qu’un ballet,
du cinéma » affirme l’accroche pompeuse et menteuse – après le pitoyable Pina
de l’éventé Wenders, voici plutôt la preuve supplémentaire d’un ciné surgelé,
incapable de traiter le corps musiqué, sinon en pur produit supposé culturel,
en vérité caduc.
- Le Grand Tournoi (Jean-Claude Van Damme, 1996)
Avec ce premier, presque dernier,
film devant/derrière la caméra, l’acteur attachant voulait certainement faire
s’entrecroiser Il était une fois en Amérique et Opération Dragon, en sus
de signer un mélodrame martial. Hélas, le scénario reste exsangue et la
réalisation abuse d’angles dits hollandais, de ralentis flapis, d’un steadicam sans âme. Apparemment,
l’argent manqua, le temps itou, Moore détesta tout ceci, crédita le polyvalent
Peter MacDonald de la cohésion d’occasion. Les esthètes apprécieront le travail
évocateur du DP David Gribble et les spécialistes des combats la diversité des
styles présentés. En simple cinéphile mélomane, quelques passages de la
partition de Randy Edelman retiennent l’attention, tandis que la schizophrénie
et la mélancolie idiosyncrasiques de Van Damme n’apparaissent qu’en filigrane.
Un ratage à oublier ? Un hommage manqué, une odyssée amputée – dommage, JC.
- Halbschatten (Nicolas Wackerbarth, 2013)
« L’histoire ? Elle est très simple.
Ce n’est pas le problème. » Justement si, en tout cas dans ce téléfilm
fastidieux qui se voudrait formaliste, sorte d’Ozon teuton, visez-moi
l’écrivain, la piscine, l’amant invisible. On espère pour elle que l’équipe
savoura son séjour niçois, après tout, les co-productions franco-allemandes
servent aussi à ça, au lieu de faire du cinéma. L’auteur connaît-il seulement
Vigo & Demy ? On se fiche de le savoir, on se contrefout de lui.
- Happy Birthdead (Christopher Landon, 2017)
Insipide produit préfabriqué porté
par une interprète transparente et signé par le scénariste-réalisateur d’un
Larry Clark supportable + quatre Paranormal Activity, l’une des franchises les plus
affligeantes-lucratives de notre minable modernité horrifique. La boucle
temporelle à la truelle ne suffisait pas : le fils de Michael Landon inflige au
cerveau d’ado, sa cible cynique, une morale moralisatrice, très américaine, à
main armée. Que le cupcake
l’étouffe.
- Heinrich
Himmler: The Decent One (Vanessa Lapa, (2014)
La Shoah etc. avec bruitages,
musiques, lettres anecdotiques, images d’horreur en couleurs : l’Histoire selon
la série Apocalypse, mise en scène, mise en fiction, plombée par un
psychologisme pompier, par une délicatesse éléphantesque, privée de la plus petite
perspective analytique ou historique ; un film malhabile, stérile, infantile,
inutile, finalement parfait puisqu’aussi indécent que son sujet – on en reste à
Resnais, Lanzmann, voire à Littell.
- Hérédité (Ari Aster, 2018)
Un film d’horreur majeur, selon le consensus US ? Plutôt une comédie noire
sur le deuil et le destin, filmée par un marionnettiste suspect, sur fond
d’infanticide guère accidentel et de sorcellerie familiale. On suppose que les
fanatiques de la co-productrice Toni Collette apprécieront son petit numéro
lucratif de maniaco-dépressive éprise de miniatures, au pedigree chargé. Sinon, les cinéphiles adultes en resteront à Ne
vous retournez pas puis à Rosemary’s Baby…
- L’Heure d’été (Olivier Assayas, 2008)
Métrage petit-bourgeois sur/avec/par/pour
des petits-bourgeois, à faire passer Sautet pour un marxiste à main-caméra
armée ; jadis je subis seulement pour Maggie Cheung Irma Vep + Clean,
aujourd’hui je m’imposai ça pour Édith Scob ; cette France-là, ce cinéma-ci,
cette tendance certaine du ciné français, histoire de paraphraser Truffaut, qui
peuvent-ils intéresser, sinon ceux qu’ils présentent, représentent, qui les
financent, qui les récompensent ? On pourrait vite devenir verbalement violent
envers ce type de films émétiques, alors gardons le silence, méprisons par
l’indifférence, évacuons l’inconsistance.
- Hitchcock/Ttruffaut (Kent Jones, 2015)
Double hagiographie rassie,
amnésique, dépourvue du moindre esprit critique, psychologisante, languissante,
superficielle et superflue, basée sur un classique autarcique devenu un peu
vite la bible laïque d’une certaine tendance cinéphilique ; tout ce dialogue
technique et herméneutique, via un
improbable ménage à trois, Helen Scott en traductrice approximative fana de
saint François, reprend la plaisanterie génétique du corbeau de Poe, annonce la
post-modernité notoirement énamourée
de second degré, de coulisses, de confessions, de making-of et d’explications à la con : les films de Hitch &
Truffaut, très supérieurs au documentaire d’amateur, par-delà un ouvrage
incontournable et discutable, intéressant et surfait, conservent, tant mieux,
leur mystère, leur impact, irréductibles aux analyses louangeuses de quelques
adeptes obsolètes, croisés par deux historiens pour rien.
- Hjemsøkt (Carl Christian Raabe, 2017)
Trauma
maternel de téléfilm anonyme, étiré sur une heure vingt, débuté par une
levrette dans les toilettes, mais main posée sur le ventre de l’épouse
enceinte, avide d’avorter. Outre le cadre évocateur d’une Norvège enneigée,
tout ceci, à subir par un après-midi de saison, prélude idéal à sieston,
s’illumine néanmoins de la présence de Synnøve Macody Lund, ancien mannequin,
désormais actrice-productrice convaincante, cf. l’ultime plan menaçant…
- Hold the Dark
(Jeremy Saulnier, 2018)
Téléfilm Netflix figé, anémié,
interminable, qui voudrait bien se faire passer pour une réflexion éclairée sur
l’obscurité du cœur colonial, surtout en Alaska + en Irak. En réalité, le
masque lupin démasque le rien, la culpabilité partagée sent l’éventé, citation
du sacristain Gerard Manley Hopkins incluse. Si l’écriture du romancier William
Giraldi possède une certaine économie évocatrice, le scénario se signale par
son mystère de maternelle, son mutisme d’auteurisme. La séquence de la
fusillade, étirée au-delà du raisonnable, sommet d’indifférence en rime à
l’infanticide prophylactique, cristallise l’ensemble, l’arrogance risible de
son esprit de sérieux, en sus de discourir sur l’indianité froidement
déchaînée. En matière de ténèbres, de sauvagerie, de wilderness, restons-en, sans regrets, à The Thing (Carpenter apocalyptique),
The
Grey (les loups de Liam) ou Sukkwan Island (visité par votre
serviteur).
- The Hunt (Craig Zobel, 2020)
Comédie noire du samedi soir ? Zaroff
féministe ? Moralité de complotisme ? Surtout téléfilm au filigrane fasciste – fun du « féminicide », amusement de
l’homicide – à ranger au rayon des blumeries-conneries. Si Hilary Swank,
visible un tiers du (très) long métrage, paraît payer ses impôts, à la limite
du caméo, Betty Gilpin ne manque pas de charme, ni d’arme, et rappelle une
certaine Linda Hamilton chez James Cameron ; La Fontaine & Orwell opinent…
- Ich und
Kaminski (Wolfgang Becker, 2015)
Téléfilm de luxe touristique,
drolatique puis nostalgique, à propos d’une impossible biographie de peintre
retors : Becker, auteur guère prolixe du sympathique mais surfait Good
Bye, Lenin! ne dit absolument rien sur l’art (pictural), sur son
milieu, sur l’arrivisme, la vieillesse ou l’amitié intergénérationnelle, et pas
davantage sur le cinéma, même s’il s’inspire pour l’ouverture de Forrest
Gump, adresse au public (sauf en France, dispensable inédit) des clins
d’œil cinéphiles et tresse le fantasme au réel (du récit) ; au-delà d’une
générique de fin ludique et convenu (animation de toiles célèbres), son
vrai-faux road movie vaut pour la
(brève) présence de la trop rare Amira Casar, ici somptueuse descendante aux
perruques empruntées à Louise Brooks, de la toujours fragile Geraldine Chaplin,
héroïne d’une scène sénile assez cruelle. Recommandons aux esthètes un certain
citoyen Kane…
- Ichi (Fumihiko Sori, 2008)
Mélodrame anonyme, dommage,
visiblement (télé)filmé sous valium, au féminisme soft, à la quête incomplète, au maternel trauma, aux combats en bois, aux adversaires ridicules, mais
néanmoins muni d’un humour méritoire, du beau duo formé par Haruka Ayase &
Takao Ōsawa, de la bonne BO de Lisa Gerrard (& Michael Edwards), délaissant
ici les gladiateurs hollywoodiens (et les empereurs romains) pour les samouraïs
in situ, voire atteints de cécité.
- Jurassic
World: Fallen Kingdom (Juan Antonio Bayona, 2018)
On devine ce qui séduisit le
réalisateur du réussi L’Orphelinat jadis adopté par Belén
Rueda : la résurrection des dinosaures comme un conte de fées horrifique pour
gamine démunie de parents, en réalité clone
dickesque aux allures de petit Spartacus. Toutes les scènes avec Geraldine
Chaplin, Isabella Sermon, James Cromwell participent ainsi d’un gothique hispanique
familial similaire. Hélas, le reste convainc moins, mélange de léchés logiciels
et de marxisme de maternelle, de métaphore à la PETA et d’antimilitarisme
paresseux. Pire, la morale finale, outre annoncer la suite d’une franchise interminable, s’enlise dans un
alarmisme écologique très contemporain, Jeff Goldblum en caméo de cassandre
repentante d’audition maccarthyste. Une fois de plus, sans surprise, Hollywood
pasteurise la sensibilité européenne, aplanit la moindre aspérité au rouleau
compresseur du politiquement correct...
- Kaçis (Kenan Kavut, 2016)
Disons que Le Silence de la mer
rencontrerait Petit paysan. Un passager de la pluie syrien, une épouse
turque, un mari stérile : si ce premier long métrage trop sage évacue un peu
vite le « drame des migrants », comme on dit en Occident, au profit d’un
mélodrame domestique sur fond de condition féminine loin d’Istanbul, il arrive
à exprimer sans pathos ni misérabilisme trois ou quatre choses assez justes sur
l’exil, la solitude, la culpabilité, la colère, la seconde chance. On retiendra
précisément deux monologues dans une langue étrangère et avec l’espéranto du
corps. On saluera de surcroît l’attachant Ali Suliman, double meurtrier par
accident, et la révélation d’une actrice belle, talentueuse, intense Jale
Arikan…
- Kairaku Onsenkyô: Nyotaiburo (Atsushi Fujiura, 1981)
Comédie érotico-économique plutôt
bien troussée par un spécialiste presque inconnu en nos contrées. Jamais
misogyne, gentiment féministe, la fable inoffensive et bon enfant sur fond de
chasse au trésor historique autour d’une auberge libidinale affiche des femmes
fortes, pléonasme, et des hommes immatures, idem.
La mélancolie d’un Mizoguchi se voit vite congédiée au profit d’une coda en
écho corrigé à Ridley Scott jadis on the
road, car la suicidaire romantique et la patronne endettée deviennent
associées, rusées complices de pactole en Mercedes, puis nous adressent un
double V souriant via l’écran.
Moralité : rien ne vaut le coffret mouillé entre tes cuisses douces, alors gare
à trop rêver ou convoiter du vent. À l’orée des années fric, au Japon ou non,
cette bande mineure, pas interdite aux mineurs, un peu longuette malgré sa
brièveté, assez sympathique, soignée, s’avérait donc d’actualité.
- Konvert (Vladimir Markov, 2017)
Un film horrifique russe ? Des
citoyens du Kremlin désignent le régime de Poutine, passons. Ici, une
malédiction empestée du dix-huitième siècle se poursuit dans un pays gris,
glacé, cadré en Scope, survolé en drone.
Igor, chauffeur puis facteur malgré lui, va passer une nuit d’enfer défiant son
appréhension de l’espace-temps. Il croisera une adepte de Dorian Gray, il
s’occupera de son propre salut, chauffard distrait de gamine hantée, in extremis
évitée. Cette moralité sur la deuxième chance, la culpabilité, la
responsabilité, manque certes de regard (de cinéaste) et d’âme (slave ou pas),
mais constitue au final une petite curiosité pionnière, où la joliesse des
actrices compense un peu leur manque de talent, où l’inanité du script répond à l’inanimé de la trame,
où la Russie d’hier, de chasse aux sorcières, et celle d’aujourd’hui, au
capitalisme funèbre, cartographient un continuum
mental soigné, longuet.
- Leviathan (George Pan Cosmatos, 1989)
D’origine inconnue brocardait
l’instinct de propriété : six ans après, toujours avec Peter Weller, Leviathan
mine le capitalisme sous-marin. Il suffit d’une vodka avariée, trafiquée, pour
que les membres de l’équipage fusionnent à la Society, constituent chacun
à son tour une créature lovecraftienne in
extremis explosée en plein jour, en surface, via une fusée de détresse. Bien épaulé par le DP Alex Thomson et le
décorateur Ron Cobb, Cosmatos filme avec un sérieux remarquable son survival transalpin plus proche du Continent
des hommes-poissons que de Alien. Certes, l’ensemble ne brille
ni par sa profondeur ni par son intensité, mais le regretté George savait
assurément conduire un huis clos, mettre en valeur le charme d’Amanda Pays
autant que le travail organique de Stan Winston. N’omettons pas Crenna en doc
polyglotte + Meg Foster en PDG psychorigide. Une réussite ? Un titre assez
sympathique.
- Looking Glass (Tim Hunter, 2018)
Faut-il défaillir ou s’en ficher ? De
l’estimable Motel autrefois bien tenu par Nimród Antal il ne demeure plus
rien, sinon ce piteux téléfilm insipide, inepte, anonyme, éclairé sans doute
par un adepte du boulot de Benoît Debie. On aime bien Robin Tunney &
Nicolas Cage mais pas ici, pas comme ça, même si l’on comprend parfaitement la
nécessité de payer ses impôts, en Arizona ou en Utah. Et l’accroche à double
sens dit vrai : voir équivaut à décevoir.
- The Lost
World (Harry O. Hoyt, 1925)
Comment résister au cinéma comme
aventure ? Presque cent ans après, visionnée dans une version aux bruitages
superflus pas si malvenus, n’en déplaise à ceux encore traumatisés par le Metropolis
de Moroder, cette adaptation de Doyle séduit, pas seulement grâce au bestiaire
belliqueux et vorace du magicien O’Brien, Spielberg peut remballer ses
dinosaures numérisés, l’émerveillement de l’enfance se trouve ici, ou dans la
mythologie en mode Harryausen, pas chez lui. « Cette histoire est humainement
très intéressante », en effet, quête des origines – le père, la préhistoire –
doublée d’une moralité sur l’héroïsme à base de triangle sentimental. Bien sûr,
tout ceci reste sage et ne saurait posséder la richesse érotique-réflexive de
King Kong, cependant l’ensemble constitue un divertissement plaisant,
intelligent, souvent drôle, toujours inspiré, éruption/Tamise incluses :
honneur à Challenger !
- Louise en hiver (Jean-François Laguionie, 2016)
La vieillesse s’avère un naufrage,
disait de Gaulle, toutefois la naufragée de Laguionie le contredit, découvre,
au soir isolé de sa vie, les vertus de l’invisibilité, la plénitude de la
solitude, le baume de l’amnésie. Certes, cette robinsonnade senior, à base autobiographique, souffre
de son caractère anecdotique, rassure un peu trop, un peu trop vite, sa douceur
graphique disons en réponse à la rudesse lucide du Amour de Haneke.
Cependant, elle sait inclure du macabre évocateur, en apesanteur, elle arbore
une belle scène de suicide acide, de rescapée à son Pépère, en effet. Sorte de
rencontre improbable, sur le sable, entre Les Vacances de Monsieur Hulot et Je
suis une légende, la fable affable délocalise l’Overlook en Bretagne,
associe les visages aux paysages, l’extériorité à l’intériorité. Le voyage
immobile, à la bande-son soignée, mérite ainsi sa découverte estivale.
- Mauvaise graine (Alexandre Esway & Billy Wilder, 1934)
Une comédie motorisée un peu au point
mort, d’accord, mais aussi assez soignée, sympathique et même un brin marxiste,
coloniale (contexte historique oblige), finalement morale, voire moralisatrice,
scellant les (presque) débuts de la délicieuse Danielle, à peine adolescente,
du cher Wilder, en français (d’exilé) s’il vous plaît ; notons en outre la
partition bicéphale d’Allan Gray & Franz Waxman, bientôt enrôlés par les
Archers ou Hollywood ; quant aux cinéphiles marseillais, ils se souviendront
que le co-réalisateur, Alexandre Esway, dirigea (par deux fois) Fernandel, que
Maupi, avec ou sans panama, participa à moult Pagnol (cité en clin d’œil
cravaté), que les amants en cavale, littéralement sur la paille, surplombent en
plan-séquence le pont + la plage de Corbières, tout près du quartier-village de
L’Estaque, où tourneront plus tard, évidemment, René Allio puis Robert
Guédiguian…
- La Mégère apprivoisée (Ferdinando Maria Poggioli, 1942)
Pas de téléphone blanc mais un abri
souterrain : ce titre d’un cinéaste méconnu délocalise Shakespeare dans une
Rome martiale. Avec sa misogynie musicale et souriante, la comédie du (double)
mariage montre vite ses limites mussoliniennes, bien que la copie impeccable
rende hommage au travail du DP Renato Del Frate. Poggioli, aussi homo que
Luchino, dixit Jean A. Gili, manque
de style et d’implication, il filme cependant Amedeo Nazzari en nouvel Errol
Flynn et le scénario à plusieurs sait esquisser de sympathiques silhouettes.
Mieux, l’ouvrage décevant (la critique) associe décor et dehors, marivaudage
d’un autre âge et architecture urbaine contemporaine. Bien sûr, un certain
Rossellini remisera tout ceci au placard, ouvrira le cinéma transalpin sur le
mélodrame dit (néo-)réaliste. On peut pourtant passer quatre-vingts minutes de sa
cinéphilie en compagnie de l’énergique-mutine Lilia Silvi.
- Men &
Chicken (Anders Thomas Jensen, 2015)
Des souris et des hommes ? Cinq mecs
et quelques poules, donc, durant cette dark
comedy (ou drame drolatique) souvent
amusante, discrètement touchante, à défaut d’être sidérante, surtout au niveau
cinématographique. Ce film un peu trop tranquille, vraie-fausse relecture de L’Île
du docteur Moreau, due au signataire de Antichrist et La
Tour sombre, vaut pour son scénario de frérots, de secrets familiaux, pour
une distribution à l’unisson, mentionnons Mads Mikkelsen en émule de John
Holmes, David Dencik en sosie de Roland Topor ou Bodil Jørgensen en doublure
d’Aurore Clément. Derrière la défense assez consensuelle, voire conservatrice,
du droit à la différence, de la solidarité de l’anormalité, se dissimule le
souvenir sinistre de l’eugénisme du voisin suédois, corrigé par le conte de
fées.
- Le monde tremblera (Richard Pottier, 1939)
Co-écrit par Clouzot, incarné par un
excellent casting, voici un conte philosophique
et drolatique reposant sur une idée dramatique, en effet fatidique, qui
actualise la crise de 1929, qui sortit en 1939, où entendre le mot « guerre »
et ressentir une sorte de panique à peine prophétique ; par-delà un
traditionnel moralisme scientifique, Pottier soigne sa fable affable, dans
laquelle prédire la mort revient à détruire l’espérance + la Bourse à la
Samson.
- Most
Beautiful Island (Ana Asensio, 2017)
Apparemment basé sur une « histoire
vraie », réservoir usagé pour scénariste stérile, voici encore un court dilué
durant quatre-vingts minutes mettant à l’épreuve la patience du cinéphile en
ligne. Cela commence par des blattes de salle de bains et finit par des
araignées importées, olé. Aussi illégale que la mygale, ou sa consœur au bout
de la peur, Luciana, mère endeuillée, espère se faire du blé fissa grâce à une
soirée sympa. Bien sûr, une surprise désagréable l’attend, ni cérémonie secrète
sadienne, ni « viol en réunion » par des bobos carburant au champagne. Visage
et physique de mannequin, Ana Asensio signe une indigence indie en partie produite par Larry Fessenden, à transformer les
laxatifs des frères Dardenne en modèles de composition et d’observation. Ceci
se voudrait une fable édifiante sur la responsabilité, la solidarité, la
féminité : ceci s’apparente à un épisode de Fear Factor.
- Nitro Rush (Alain Desrochers, 2016)
Téléfilm nullissime, aux combats en
bois, à l’action à la con, qui de surcroît se voudrait un mélodrame paternel,
punaise. N’en déplaise aux accueillants Québécois, on ne décèle hélas pas une
seule seconde de cinéma parmi ce brouet-là, que commit un ex-clipeur passé par la TV et la publicité, vite on le devinait.
Quant à la (tatouée) baston en prison, demeurons au Canada, on la comparera ou
plutôt pas avec celle assez superbe des Promesses de l’ombre…
- Not of This
Earth (Jim Wynorski, 1988)
Aimable cormanerie commise par le
stakhanoviste Jim Wynorski, à visionner surtout pour Mademoiselle Lords, ici
délicieuse et drôle infirmière à domicile prénommée Nadine, tandis que Kim
Basinger, dans le presque similaire et contemporain J’ai épousé une extra-terrestre,
s’appelle Celeste ; puisque même un divertissement assumé, amusant, ne saurait
tout à fait s’extraire ni s’exonérer de son temps, l’argument prend acte du sida, jugé en effet un « fléau » par le toubib de service ; beau boulot du
directeur de la photo Zoran Hochstätter.
- Nous, les chiens (Lee Choonbaek & Oh Seong-Yun, 2020)
Certes, le dessin ou l’animation
manquent de finesse, mais cette curiosité presque pionnière, remember le brillant, sinon merveilleux,
Wonderful
Days, mérite une certaine estime, séduit par son évidente modestie,
vire davantage vers le wild selon
London que les pitreries, pardon, le plat de spaghetti, de Disney, jamais beau
et moins encore clochardisé, malgré un clin d’œil délocalisé. Ici aussi,
l’espèce bipède se caractérise par sa cruauté, la survie des canidés nécessite
leur solidarité, le métissage animal in
extremis domine. Quant à la coda, en effet explosive, elle dispose de
soldats sud-coréens, démons/gardiens d’un éden atteint…
- Les Onze Mille Verges (Éric Lipmann, 1975)
Érotisme fantasmatique, mis en abyme
et pleinement publicitaire, commis par un spécialiste mélomane, un conseiller
de Toscan du Plantier, un admirateur de Quincy Jones. Pourtant l’opus point ne déplaît, porté par le
sourire du frère de Patrick Dewaere + celui de l’ensemble de l’essaim féminin,
callipyge et doté d’une aisance, sinon d’une innocence, very seventies. À défaut
de retrouver en images l’immoralisme sauvage, stimulant et souvent amusant
d’Apollinaire, le cinéphile littéraire apprécie la belle BO de Colombier. Une
scène sexuelle mémorable, topless
Marion Game, remplie de néologismes jouissifs, charme idem…
- The Passenger (Jaume Collet-Serra, 2018)
Hawthorne ? Dumas ! Vieilli, amaigri,
la voix cassée, ridée, Liam Neeson se fait à nouveau emmerder, cette fois-ci
dans le train de banlieue qu’il emprunte depuis dix ans. Hypothèque(s), fils
filant en fac, licenciement intempestif, mission pas si impossible bien
rémunérée : l’assureur, rassurons-nous, ne rendra pas le témoin muet,
réintégrera la police. Hors une bagarre en plan-séquence et un déraillement
nocturne, instants spectaculaires et virtuoses, la traversée s’avère bien
longue, le voyage bien vain. Le marxisme du métrage se limite à faire un doigt
d’honneur américain à Goldman Sachs et à dénoncer scolairement le capitalisme
ruineur, corrupteur, tueur. Si De Palma réalisa dans le TGV de Tom un grand
film excessif, œdipien, méta, l’aimable Collet-Serra semble désormais essoré,
en pilotage automatique famélique ; notons les caméos à la con des talentueux
Vera Farmiga & S. Neill.
- The Patriot (Dean Semler, 1998)
DP doué, réalisateur mineur, Dean
Semler signe en anonyme un western
viral, où assure et sourit Steven Seagal. Sa moralité américaine manie milice
suprémaciste et immunologie amérindienne : au terme de la sécession, de la
contamination, du confinement, de l’affrontement, des hélicoptères militaires,
semeurs de fleurs, « herbe rouge » à la Boris Vian, apaisent l’épidémie nommée
(Viet)Nam, victoire de la bienveillance du medicine
man…
- Paul, apôtre du Christ (Andrew Hyatt, 2018)
Plan-séquence au steadicam dans le sillage de Luc le long de nocturnes rues romaines
où les chrétiens servent de chandelles humaines : bonne atmosphère liminaire
crépusculaire puis pas de miracle avec ce métrage au succès sans doute
démoniaque, plombé par un dolorisme et un prosélytisme de téléfilm à faire
passer DeMille pour un adepte du jansénisme et Gibson pour un modèle de laïcité
; sinon, Joanne Whalley ressuscite en citoyenne attachée à sa cité incendiée
par Néron, quel con, Caviezel rempile privé de fouet, descendu de sa croix
polémique, Faulkner dicte ses épîtres cosmopolites et Martinez se déguise en
taulier-préfet à l’accent français, à la coupe d’armée. Si les croyants
pardonnent, les athées fuient vite fait.
- Payback (Brian Helgeland, 1999)
Orphée de polar, Gibson veut
récupérer sa part et s’égare dans une ville vintage,
avatar de seventies, au gré d’un
argument inconsistant aux allures de jeu de massacre vidéo, un niveau puis
l’autre, un nervi à chaque fois occis. En dépit du vrai plaisir de retrouver
Gregg Henry, William Devane, Kris Kristofferson et un James Coburn curieusement
non crédité, on frise l’ennui dit poli au cours de cette comédie grise et pas
si funky, où Deborah Kara Unger
demeure scandaleusement sous-utilisée, où la sexy Lucy Alexis Liu s’amuse en princesse SM, où Maria Bello donne
un brin de relief à sa prostituée amoureuse. Pris entre les feux croisés des
voyous et des ripoux, Porter perd deux orteils mais finit eh oui par s’en
sortir via un coup de fil explosif.
Délesté de son passif et d’un fils par procuration, otage que garde un clébard
homonyme, notre couple prend la route et l’acteur-producteur paraît soulagé – nous
itou…
- Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer? (Giuliano Carnimeo, 1972)
Sociociné : sous la panoplie assez
soignée, rythmée, érotique, comique, de l’imagerie meurtrière-policière
transalpine, un florilège floral, dépressif, de la sexualité du temps, pas
seulement, génoise ou non, à base de prostitution, de saphisme, d’échangisme,
d’onanisme en huis clos, l’immeuble-tombeau abritant des locataires à faire
passer ceux de Polanski (1976) pour de bienfaisantes brebis. Proies programmées
du scénario mathématique, traumatique, du stakhanoviste Ernesto Gastaldi, mais
silhouettes sympathiques mises en valeur par un spécialiste du western, l’exquise Edwige et ses amies
mimi séduisent sans souci, escortées du leitmotiv addictif de Bruno Nicolai.
L’assassinat en ascenseur annonce bien sûr en mineur celui de Pulsions
(Brian De Palma, 1980), giallo délocalisé, vidé de violon.
- Porn of the
Dead (Rob Rotten, 2006)
Un film en effet horrifique, aussi
faisandé que son affiche, façonné par un fumiste falot, sorte de noces d’Éros
& Thanatos pour le boloss, série de vignettes suspectes sans queue ni tête,
quoique, qui démoralisera autant les amateurs de dites horreurs et ceux qui
réfléchissent à la pornographie, pas l’inverse, même si l’imagerie interdite aux
mineurs mérite mieux que le mépris a
priori ou l’apologie corporatiste. Conseillons donc aux cinéphiles
nécrophiles, possible pléonasme, d’en rester au teutonique Nekromantik (Buttgereit,
1987), modeste réussite sympathique, si comparée à l’assourdissant crossover…
- Pot o’ Gold
(George Marshall, 1941)
James Stewart vomissait ce titre
musical méconnu de sa filmographie, mais rien ne vous oblige à savourer tous
les jours les vertiges de Vertigo, pas vrai ? Certes, nul ne
confondra George Marshall & Frank Capra, son marxisme inoffensif se résume
à un lancer de tomate pourrie sur le capitaliste apoplectique, signature du slapstick de ses origines. Cependant,
l’argument transparent ne manque point d’allant charmant, réserve même, dans sa
brièveté, quelques sourires au cinéphile pressé. Ici, Jimmy, surnom aussi de
récit, s’oppose à son oncle, rencontre l’amour de sa vie, commerce d’armes, de
cosmétiques contre troc, pratique de la musique. Si Mary Gordon, régulière de
John Ford + Charles Winninger, adversaire aphone, ne déméritent, Miss Paulette Goddard, chanteuse
doublée, mérite tous nos égards. Radiophonique, anecdotique, sympathique, un
divertissement d’antan, à revoir maintenant.
- Le Puits et le Pendule (Alexandre Astruc, 1964)
Tourné pour la TV, ce qui le rend davantage
audacieux et précieux, Le Puits et le Pendule relu par
Alexandre Astruc, éclairé par Nicolas Hayer, devient un superbe survival annonciateur du torture porn et lesté d’un lyrisme
mystique, merci à la partition chorale d’Antoine Duhamel, à jamais insaisissable
pour l’épuisante franchise des Saw. La caméra mobile, avec ses
cadres au cordeau, magnifie l’immobilité d’un huis clos remémoré, achevé sur
une fenêtre céleste et l’arrivée hors-champ de la cavalerie hexagonale. Maurice
Ronet, remarquable par sa voix et par son corps, incarne avec une précision
d’horloger romantique le prisonnier de Poe admirablement transposé en français
par Baudelaire. Réussissant un suspense
métaphysique parfois silencieux, le réalisateur réhabilite des rongeurs
salvateurs.
- Pussy Kills (Gabriel Black, 2017)
Avec son titre explicite, à la Russ
Meyer, ce film dit de viol et revanche s'avère sympathique, car il opte pour le
drolatique, laissant à autrui, pas seulement Abel Ferrara + sa nonne armée, le
registre dramatique. On sourit ainsi souvent, malgré l'argument a priori refroidissant, à cette histoire
d'une pauvre orpheline transformée le jour de Halloween en Diane chasseresse
des membres du gang qui renvoyèrent
ses parents ad patres puis lui
infligèrent un sanglant outrage de prisonnière trop impliquée. Déguisée en
chatte, l'impitoyable némésis multiplie les exécutions de saison, remplit
l'intitulé descriptif. La fugue psychogénique se solde par un suicide, hélas.
Gabriel Black cumule les postes, soigne l’image et n’exploite pas son actrice
de telenovela, la callipyge, amusante, presque touchante Lina Maya, beauté
brune qui vaut bien Halle Berry et mérite, peu couverte, d’être découverte ici.
- Radioactive (Marjane Satrapi, 2019)
Biopic
merdique, pseudo-scientifique, structuré tel L’Impasse, emprunts à J’accuse
inclus, éclairé à la Jeunet, porté par une piètre interprète, « présenté » par
Studiocanal & Amazon Studios, Dio mio, vu en VO, 3 spectatrices dans la
salle estivale, ce fichu téléfilm sur « Madam Kiouri », entre féminisme et
catastrophisme, mérite ses mauvaises critiques, des deux côtés de l’Atlantique,
mélo zéro commis par la responsable du dispensable Persepolis…
- Railroad Tigers (Ding Sheng, 2016)
Au croisement de La Bataille du rail et de
La
Grande Vadrouille, un opus poussif,
en train inter-minable, qui ferait presque regretter les frasques déjà ratées,
sises en simultané, du Bon, la Brute et le Cinglé
sud-coréen, hein. Question pont, on préfère en rester à ceux de Lean &
Leone, ouvrages (sens duel) d’un autre âge, pas encore contaminés par le
numérique cheap, en sus lestés d’une
dimension symbolique. Jackie Chan porte une barbe, nous barbe…
- La Résurrection du Christ (Kevin Reynolds, 2016)
On pouvait espérer la résurrection de
Kevin Reynolds, naguère auteur du beau La Bête de guerre et de l’estimable 187
code meurtre. Hélas, le désert de Judée n’égale pas celui de
l’Afghanistan et la crucifixion de « Yeshua » paraît un passage obligé vite
expédié par rapport au calvaire de cailleras subi par Samuel Jackson. Le
cinéaste, ici co-scénariste, ose se risquer à la simplicité, à la trivialité, à
l’amitié, les scènes du combat avec Barabbas, de la traque du tribun, ne
manquent point d’une certaine énergie, tandis que Joseph Fiennes s’avère assez
solide en témoin à jamais transformé. Cependant tout ceci, produit par les
missionnaires de Affirm Films, manque de chair, d’esprit, de souffle, de vie,
de prestance et de transcendance.
- La Rivière du hibou (Robert Enrico, 1962)
Rod Serling présente en VO un film de
Robert Enrico d’après Ambrose Bierce – nous voici bel et bien dans La
Quatrième Dimension, ou plutôt durant la guerre de Sécession, période
de pendaison surtout en cas de sabotage de voie ferroviaire. Roger Jacquet,
assez exceptionnel, succombe au cérémonial macabre mais s’évade grâce à une
fugue psychogénique où il retrouve sa chère Abby, afin de la perdre une seconde
fois via une chute impitoyable. Situé
en Cévennes, primé à Cannes puis à Hollywood, La Rivière du hibou se
savoure en western sensoriel et
cruel, panthéiste et onirique. Bien secondé par son fidèle DP Jean Boffety,
Enrico accouche d’une œuvre vénéneuse et proustienne, qui présage Carnival
of
Souls autant que Le Vieux Fusil, eh oui, autre
poignant voyage dans le temps, avec Noiret substitué à Morel.
- Salomé (Charles Bryant, 1923)
Oscar Wilde dut se retourner dans son
cercueil (ou se réjouir, en adepte du paradoxe) au vu de ce péplum arty, kitsch, équivalent local de notre
hexagonal film d’art, à faire passer DeMille pour un émule de Bresson. Héroïne
androgyne d’un huis clos Art déco, frontal et statique, de représentation
paupérisée en MJC, la Nazimova, par ailleurs pygmalion bisexuel de Valentino
(Natacha Rambova, son épouse, s’occupa du scénario et des costumes, d’après
Aubrey Beardsley, s’il vous plaît), en fait des tas, ses comparses ne
déméritent pas (on reverra Rose Dione parmi La Monstrueuse parade),
en roue libre devant la caméra du gay
Bryant, mari de la star bientôt
déchue. Aucun érotisme (voilé, dévoilé), hélas, à peine un halo homo et une
cage aux folles, pardon, un puits à prophète présageant les oubliettes nippones
de Ring
– résumons : coûteux, ruineux, assez prétentieux et souvent risible, donc.
- Sans famille (Marc Allégret, 1934)
Interprète poignant pour Poil
de Carotte (Duvivier, 1932), Robert Lynen rempile en Rémi dans ce mélo
de studio sachant aussi s’aérer ; si Malot relit en partie Dickens, Marc
Allégret amincit le roman et livre un film plutôt plaisant, pas seulement
destiné aux enfants, à base de filiation, d’éducation, de renonciation, au
picaresque jamais pathétique, aux animaux pas sots, au gendarme à vomir et aux
amis de hasard à chérir, avant de retrouver, enfin, Maman.
- Shepherds and
Butchers (Oliver Schmitz, 2016)
Téléfilm de luxe plutôt bien écrit et
interprété, notamment par Steeve Coogan en avocat abolitionniste et Garion
Dowds en bourreau traumatisé, qui parvient un peu à renouveler la perspective «
raciale » en l’incluant au cœur du système carcéral, par nature inégalitaire,
surtout dans l’Afrique du Sud des années 80. Certes, l’œuvre en Scope esthétise
assez la pisse, le sang ou le vomi, tant pis, et enfonce des portes ouvertes à
propos du cercle en effet infernal des violences étatiques, politiques,
névrotiques, mais elle n’omet pas la place des victimes, réussit deux scènes
d’émeute et d’enterrement, repose en partie sur une belle idée de cinéma
sonore, pléonasme, l’association d’une trappe fatale et d’une portière
mortifère...
- Skeleton Crew
(Tommi Lepola & Tero Molin, 2009)
Méta finnois plutôt sympa. Le tandem derrière la caméra maîtrise la
mise en abyme et le métrage à tiroirs s’avère soigné, à défaut d’être
révolutionnaire. Placé sous le signe d’une partie de la filmographie de
Carpenter, t-shirt inclus, ce titre
passé assez inaperçu ne mérite ni mépris ni indifférence, car il respecte les
personnages et les spectateurs, même mécontents in extremis. En résumé, une plaisante surprise documentée,
drolatique, adulte.
- Les statues meurent aussi (Ghislain Cloquet, Chris Marker,
Alain Resnais, 1953)
Bien avant Les Herbes folles,
Resnais, alors accompagné de Marker + Cloquet, s’occupait de « botanique de la
mort ». Avec le support d’une revue spécialisée, il délivre en virtuose une
leçon d’esthétique, de politique, de cinéma chorégraphié, censuré. La caméra
enlace les statues ressuscitées par le double regard orienté, les archives
tendent à démontrer un point de vue documenté à la Vigo, charge toujours
valable contre le colonialisme et le capitalisme. Plus secrètement, ce pamphlet
brillant et brûlant interroge sur l’altérité radicale, la fraternité
d’outre-tombe, la dégradation d’une culture et la possible parité des êtres
par-delà la « répression » commune et la différence superficielle, fantasmée,
des couleurs d’épiderme. Ni angélique ni statique, le film du tandem propose un poème temporel, étudie
un art inséparable du cosmos, espère une rencontre sans pittoresque et sans
(dé)illusions.
- Swinging Safari (Stephan Elliott, 2018)
On décida de subir ceci pour la
précieuse Kylie, presque méconnaissable en alcoolique mutique, en mère urophile
de gamine médusée, au propre, au figuré, qui retrouve son voisin de TV préféré,
l’éclectique Guy Pearce, qui accompagne Asher Keddie, Radha Mitchell, ici
brunie, Julian McMahon & Jeremy Sims. Hélas, la chronique adolescente un
brin attristée, gentiment méta, assortie d’une satire sexuelle vintage, à base d’échangisme séparateur,
des fellations en série de la sister,
en sus d’un cétacé échoué, explosé, n’amuse jamais, mise en images sans une
once de personnalité par le signataire du succès Priscilla, folle du désert,
du boudé Eye of the Beholder, vrai-faux remake inepte du Mortelle randonnée de Miller. La
destruction de conclusion, idem au
ralenti, rappelle Antonioni à Zabriskie, tandis que la moralité consensuelle
paraphe l’inanité de l’entreprise. Oui au ciné d’Australie, pas à celui-ci.
- Le Temps perdu (Michel Brault, 1964)
Mélancolie canadienne francophone au
carrefour du documentaire et de la fiction, par l’une des figures majeures de
la trop méconnue cinématographie québécoise : une héroïne de quinze ans, dont
un carton explicite le mystère ontologique, se souvient en hiver de son last summer de baby-sitter, à papoter avec ses potes, à se séparer de garçons pas
cons, eux-mêmes préoccupés de similaires sujets, l’amour, la mort, le mariage,
l’existence de Dieu, amen. Le
Temps perdu ne fait pas perdre le sien au spectateur curieux, car il
conserve depuis cinq décennies sa fraîcheur, sa spontanéité, sa sensualité
féminine et montréalaise. Film libre et film intime, film de neige, de pluie,
de soleil pour des jeunes filles en fleurs, il tourne autour de Céline Bernier,
belle et brune sylphide nostalgique à l’orée de sa vie, de ses envies.
- Tetarti 04:45 (Alexis Alexiou, 2015)
Polar grec certainement pas financé
par l’OTSI d’Athènes, à l’imagerie trop proprette et aux prétentions
sociologiques de produit européen pour chaîne franco-allemande dite culturelle
ou festival auteuriste, mais nul ne confondra ce Stelio-là avec le Cosmo de Meurtre
d’un bookmaker chinois, voilà. Avec sa lumière léchée, ses cadres au story-board, sa chronologie d’agonie, le
métrage manque d’âme et de mouvement. Dommage, car sous la baise avec jeunette
surcadrée au Scope, en filigrane de la fusillade finale au ralenti en pleine
pluie, se laissent entrevoir deux ou trois scènes de vérité, de vitalité, par
exemple la colère narquoise albanaise, sa rime féminine polonaise, quelques
secondes de rencontre, de tendresse, dans un univers de désespérance et de violence,
lacet noué à la manière maternelle, protection de rejeton roumain + chansons
mélancoliques. Reste un double sapin incendié, folie du pays.
- Thanatomoprhose (Éric Falardeau, 2012)
Putréfaction arty par un Canadien apparemment traumatisé par La
Mouche, le pauvre ; dès les premiers plans, la pose et l’ennui
s’installent, si bien que le silence immobile du squelette au cri coupé net
constitue un soulagement. Sous la défiguration lourdement réflexive, totalement
désincarnée, sous le symbolisme de maternelle, fissure vaginale au plafond, se
cache en réalité une pitrerie puritaine déguisée en furie féministe. Restons-en
à Répulsion…
- Toute la mémoire du monde (Alain Resnais, 1956)
Filmée par Resnais, musiquée par
Jarre (Delerue dirige), éclairée par Cloquet, la « Nationale » devient une
forteresse studieuse, une ruche silencieuse, un vaisseau immobile et un espace
wellesien. Ce thriller littéraire, suspense expressionniste à propos du
passé, de la muséification du monde embaumé, rassemblé, n’oublie pas le présent
d’avant, témoigne des esquisses de numérisation, détaille la méthodologie de
l’acquisition, du catalogage, de la mise à disposition des ouvrages. Harry
Dickson côtoie Zola, Mandrake Dürer, un rare Rimbaud de gros Hugo. Organisée,
sans cesse en expansion céleste ou souterraine, la bibliothèque à la Borges, à
la Babel, constitue en autarcie cosmopolite une sorte de cité idéale, dont la
raison d’être réside au final dans… le bonheur. Pardonnons à l’auteur flanqué
de Forlani cette petite faute de goût et savourons la visite anatomique, guère
anachronique.
- La Vague (Dennis Gansel, 2008)
Téléfilm à la finesse kolossale, au
succès en salles, qui confond éducation et didactisme, qui délocalise en
Germanie aisée le récit romancé d’une démonstration US, qui se conclut sur un
meurtre, un suicide, une arrestation, cessez d’en jeter, please. En réalité, le réalisateur du supportable Napola
(2004) ne vise pas plus haut que la représentation pasteurisée de MJC, la
théâtralité du final en rime à la mise en scène de la pièce inaugurale,
Dürrenmatt à la rescousse maousse. Le sieur Gansel ne semble point percevoir
l’universalité du fascisme, tandis que les deux opposantes bien-pensantes,
effet pervers involontaire, suscitent l’antipathie. En Allemagne ou ailleurs,
on ne fait jamais de bons films avec de bonnes intentions et quitte à donner
dans le sport politique, pléonasme,
on en restera à Palombella rossa (Moretti, 1989). Demeure donc une distribution
solide, que domine le valeureux Vogel.
- Vengo (Tony Gatlif, 2000)
Belle ouverture obscure de cérémonie
soufie en Andalousie, puis l’estimable Tony Gatlif s’égare vers le mélo anémié,
à base d’oncle endeuillé, de neveu handicapé, de conflit clanique conclu au
couteau, tout ceci, en réalité, transparent prétexte à une tapisserie de numéros
musicaux, heureusement filmés à l’unisson de leur irrésistible énergie. Demeure
donc un goût de gâchis, si rédimé par la découverte de la douce sensualité de
Maria Faraco…
- Wild (Nicolette Krebitz, 2016)
L’onirisme de cunnilingus lupin et l’onanisme musical sur rampe d’escalier, il fallait y penser… Sinon, l’ouvrage si sage, jamais sauvage, se vautre vite dans le vide d’un court étiré, au féminisme marxiste de supermarché, coprophilie de Germanie incluse, un salut au Wenders lui-même merdique de Au fil du temps. Laissons à Sundance cette camelote falote de mélo bobo et Ania aux faux airs d’Alice à son terrier devenu vide-ordures, préférons les félines de Tourneur/Schrader ou la compagnie d’Angela Carter & Jordan, trio point relou, lui.
Questions pour un champion de cinéphilie :
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