En légitime défense : Mon ami Pierrot
Honneur ou déshonneur ? France d’autrefois, ma foi…
À la (mer)veilleuse
Jacqueline Waechter
Dialogué par le dédoublé Frédéric Dard,
quel drolatique lexique, quel délectable caviar, Audiard déjà se marre, voici
donc un dilemme un brin cornélien : (sur)vivre en victime, ou tenter sa
chance en balance ? Cette contradiction contamine le film, car en
apparence, En légitime défense (Berthomieu, 1958) donne à (re)voir tout ce
que la Nouvelle Vague vite vomira, du cinéma estampillé de papa, molto en
studio, avec rien au sein du gros ciboulot. On peut ainsi supposer que
l’explicite Clitopoulos Marguerite de Rosy Varte en éreintée prostituée, touristes
multipliés, ensuite occise dans la folle foulée par le Minos pornophobe de Peur
sur la ville (Verneuil, 1975), ne dut amuser le Michel Poiccard
poissard de Truffaut & Godard (À bout de souffle, 1960). Quant à la
fusillade finale, moralisatrice, in
extremis, qui associe, en montage alterné, olé, une rampe de parking hélicoïdale et une cabine
d’ascenseur fatale, elle fera sourire les amateurs de finesse, de vitesse, son
lent mouvement cristallisant le rythme assez languide de l’item estimable, localisé à Pigalle. Toutefois, en modeste profondeur,
l’œuvre, vivante davantage qu’ouverte, ciao, Eco, s’avère non dénuée de
valeur(s). Bien porté, bien interprété, par un casting choral plutôt impeccable, amitiés marseillaises à Maria
Mauban, actrice discrète, spécialiste du remplacement, y compris ici, aussi au
générique de Voyage en Italie (Rossellini, 1953), Béru et ces dames (Lefranc,
1968), Une fille cousue de fil blanc (Lang, 1976) ou Le
Gendarme et les Extra-terrestres (Girault, 1978), éclectisme de jadis, pourtant
capable de délivrer, certes par l’invisible et vocale Annie Fratellini doublée,
un hymne circonstanciel, circonstancié, à la capitale supposée, on ne s’en
étonne, on le lui pardonne, bonne pomme, l’ouvrage à l’évidence d’un autre âge
cependant surprend durant un instant de blackout presque à la Lynch, obscurité
pragmatique, étourdissement figuratif, au terme desquels le principal
protagoniste à lui-même revient, c’est-à-dire, sidéré, se révèle subito, in situ, assassin.
Par-delà le petit polar classé de
samedi soir, à la sociologie jolie, au symbolique hallali, En légitime défense
séduit en sourdine en récit d’amitié, de lâcheté, de tranquillité, sinon de
silence, achetée, cher payée. Face à un P’tit Bob homophobe, moins flambeur que
l’homonyme de Melville (1956), très rancunier, à un Albert protecteur joueur de
cartes capitaliste, en vérité very
vénère, le trop parfait Pierre, en plus héros de guerre, allemande misère, incarne
à sa manière un immobilisme mortifère, avatar assourdi de l’attentisme national
lors du récent conflit mondial. Pareillement (pré)occupé par des envahisseurs
violents, le vendeur de limonade alcoolisée devient en une seconde déterminante
un Cave
(se
rebiffe, Grangier, 1961) vicelard, un Citoyen au-dessus de tout soupçon
sur lequel non plus soi-même enquêter (Petri, 1970), mais un coupable à
disculper afin de mieux s’en débarrasser en bagnole(s) emboutie(s), ben oui.
Filmé sans paresse ni personnalité par un technicien assumé, revendiqué, cf. la
séquence du procès, aux angles diversifiés, En légitime défense
pouvait par conséquent, question d’ambition et de talent, se développer en
passionnante moralité d’identité, en matrice apocryphe de l’heuristique A History of Violence (Cronenberg, 2005). En l’état, il se limite à un
divertissement soigné, sympa, aux danseuses amoureuses et anxieuses, à la mère
douce-amère, lectrice rurale de parisien journal, aux avocats adversaires gentiment
misogynes, au barman imperturbable puis intarissable, aux journalistes
téléphoniques ironiques, au matin malsain, miroir brisé par balle, aïe, au
fabricant de faux papiers perturbé, bien sûr aux flics, fidèles ou pleins de
fiel, in fine héroïques au lieu de
tyranniques, même si l’écolier domestique se voit recadré de façon guère
pédagogique, relation sado-maso a
contrario de celle, étonnante, émouvante, de Jouvet et son marmot sombre de
peau chez Clouzot (Quai des Orfèvres, 1947), lui-même transposé d’un opus de Steeman intitulé… Légitime
Défense, CQFD de boule bouclée.
N’en déplaise aux farouches cinéphiles féministes hérissées par son vocabulaire daté, son argotique bestiaire de poules et de bergères, peut-être sa péripatéticienne sereine, ex-prof au témoignage littéraire, En légitime défense, ouvrage inoffensif, ni fade ni festif, ne fait offense à la rétine, cartographie/fantasme un quartier, méritait d’être visionné via l’avis de l’amie patiente et passionnée, à laquelle cet article magnanime évidemment dédier.
Joli clin d'oeil qui décrit bien le côté patchwork remake music hall quasi granguignolesque parfois du film et de l'ambiance, l'argot reste la seule source véritablement française de ce repaire de drôles de syndiqués, les Tontons Flingueurs n'ont qu'à bien se tenir, la poule de cette époque là naviguait à vue façon plume d'autruche où bête à poil...les clichés se ramassent à la pelle mais les acteurs y mettent tant de coeur à l'ouvrage
RépondreSupprimeret puis Casablanca,1942 était encore dans toutes les rétines, sentimentalement vôtre cher ami https://www.youtube.com/watch?v=wyLmn5u1xQU
Autre couple, même compositeur :
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=kSsfAzjbctw
Curtiz & Elvis :
https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2017/12/bagarres-au-king-creole-quand-jetais.html
http://jacquelinewaechter.blogspot.com/2020/12/une-ile-en-mal-de-mer-i-fratelli.html
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