Kaléidoscope (sans Hitchcock) I

 

Six années de ciné recensées sur FB…

  • 24 Hour Party People (Michael Winterbottom, 2002)

L’évocation, sous forme de rock/mockumentary, d’une période et d’une personnalité, celle du Manchester musical de la décennie 80, celle de Tony Wilson, âme de label et dandy rebelle : le tandem Coogan-Winterbottom (une pensée pour le scénariste Frank Cottrell Boyce) amuse souvent, en reportage de bidouillage, en regard caméra, en tons sépia (via la vidéo, Robby Müller, émancipé de Wenders, s’aère avec New Order), en archives montées ou en saynètes reconstituées ; néanmoins, au final, tout ceci, un brin bruyant, un peu épuisant, se dilue aussitôt dans l’oubli, patine immédiatement dans l’imagerie habituelle – sexe, drogues, ego, trémolos –, peine à (r)animer une galerie de pantins à peine esquissés, au profit de l’ironie, aux dépens de l’empathie. Au lieu de cela, si sage et jamais ressenti, orientons les oreilles et les yeux vers Control, biopic classique et classy de Curtis par Corbijn.

  • 78/52 (Alexandre O. Philippe, 2017)

Après le risible remake arty commis par Van Sant, un documentariste suisse, qui travailla sur Lucas et les zombies, bigre, délivre une interminable démonstration (bien évidemment dédiée à sa maman) d’histoire orale et d’exégèse collective (en noir et blanc, prologue + épilogue de reconstitution à la con) ; ceci vire très vite à l’effet Rashōmon, voire Koulechov : chacun, plus ou moins savant/intéressant, s’exprime puis au final il n’en reste rien, sinon une sociologie scolaire, une psychologie paresseuse ; pire, cela se voudrait exhaustif mais ignore l’apport du DP Joseph L. Russell (non cité !), néglige De Palma (grand absent, on le comprend), oublie la parodie X du spécialiste Gary Orona ; la vérité (subjective, pas définitive) de la scène se trouve en elle-même, dans l’intégrité de sa durée, son articulation avec le reste du film, ici réduit à l’anecdotique, sa contextualisation de disparition (L’avventura, connais pas).

  • L’Appel de la forêt (Chris Sanders, 2020)

Adaptation désincarnée, pasteurisée, du bouquin darwinien de London, dotée d’une dimension politiquement correcte très malhonnête, dépourvue du moindre point de vue. Comme il existe une justice (pour tous), en tout cas parfois, même au cinéma, même aux USA, le vain ouvrage se vianda au box-office local, ce qui dut un peu indisposer les distributeurs capitalistes de Disney, sans doute insensibles à la sensibilité anarchiste de la fable d’origine. Demeure, au sein de l’interminable simulacre canin, la performance fragile et forte de Ford, solitaire volontaire, endeuillé dessinateur-narrateur, en requête d’un ailleurs…

  • L’Ascenseur (Dick Maas, 1984)

En 1984, Rohmer scrutait la lune et Maas prenait l’ascenseur ; une trentaine d’années après, le fantastique létal se situe où l’on ne l’attend pas et la cabine de Dick, déjà étroite à l’époque, semble aujourd’hui bien vieillie, c’est-à-dire mal, relecture très paupérisée du kubrickien combat de l’Homme contre la Machine ; demeure deux ou trois meurtres pas tellement en dérangement et le charme néerlandais de Willeke van Ammelrooy, ancienne partenaire d’un Jean-Marie Pallardy à la filmographie comico-érotique aux titres cinéphiles…

  • Benni (Nora Fingscheidt, 2019)

Mélodrame maternel, à gamine agressive, car traumatisée, car mal-aimée, (mal)traité en caméra portée, en auteurisme teuton à la sauce ARTE, durant deux heures répétitives, presque interminables, au terme desquelles l’image se fige, se fissure tel du verre d’objectif, ou de transparence à distance, comme si l’héroïne, ivre de sa course sur le toit de l’aéroport, cassait l’équivalent ciné du fameux « quatrième mur » d’imposture. Hélas, ça ne casse rien…

  • Boundaries (Shana Feste, 2018)

En vérité, il convient d’être un fana de Vera Farmiga, afin de s’infliger ça, minable téléfilm anonyme et cacochyme grimé en comédie dramatique indie, familiale, édifiante, en road movie immobile, carburant gentiment au cannabis, sinon à la gérontophilie. Pardonnons à Christopher Plummer, que l’on suppose en train de penser à ses impôts, « prélevés à la source » ou pas ; remarquons les caméos à la con de Christopher Lloyd puis Peter Fonda, voilà, voilà…

  • Bus Party to Hell (Rolfe Kanefsky, 2017)

Du ciné comico-horrifique ? Une petite plaisanterie à la Troma pas trop antipathique. Le titre résumant totalement le résultat, faisons fissa : Sadie Katz vaut bien Sandra Bullock, sa voix évocatrice davantage voilée ; bonne idée de donner corps à son bestiaire tatoué, même si l’on se croirait dans la cale animale de Fort Boyard ; deux répliques poétiques, proférées par une tête coupée, par un friqué – « Big mistake, bitch! » + « My gift is my dick ». Sinon, sus aux esquisses de sourire, tout ceci, sataniste en diable, si j’ose dire, rendu en Red, écrit sur du papier toilette mis en abyme, fort en gore, peu folichon en nichons, reste très con, manque aussi, à l’image du véhicule de Vegas, d’essence, d’énergie, de désir, de rythme et d’érotisme, commis par un stakhanoviste du frisson onaniste, voire l’inverse. Alors que l’Enfer se paverait de bonnes intentions, la belle imagerie succombe à ces produits de saison.

  • Calibre (Matt Palmer, 2018)

Deux chasseurs écossais sachant chasser le garçonnet + son papounet se retrouvent fissa les proies de locaux très énervés, on comprend, on compatit. Mais Zaroff se fiche de Netflix et des ruraux en sursis, d’un accident, d’un enterrement, de l’amitié in extremis mise à mort, prix élevé d’une survie négociée. La lutte des classes passe ainsi par une partie de chasse et la paternité participe de l’émancipation de pensionnat, regard caméra en coda. Tout ceci s’étire durant un premier long métrage trop sage, en partie réductible à sa bande-annonce…

  • Capitaine Flam (Tomoharu Katsumata et al., 1978-1979)

Certes, il ne s’agit pas du meilleur segment d’un dessin animé à raison mémorable, banal argument de détournement, maquillage, revente de vaisseaux spatiaux sur fond de course cosmique, cependant la magie, sans nostalgie, opère parfois, dans des scènes solidaires, des décors stellaires. Flam, orphelin accompagné par une famille de cœur, paraît flotter à l’infini dans la nuit nippone d’une enfance française, soutenu par les notes addictives de Yuji Ohno.

  • Le Chinois se déchaîne (Yuen Woo-ping, 1978)

Illusion comique de Corneille ? Comédie d’action pour Jackie. Bien avant de s’exiler à L.A. avec le succès que l’on sait, le chorégraphe martial Yuen délivre un aimable mélodrame de transmission, donc de filiation. Les claires scènes de combat se voient scandées de zooms avant/arrière à ravir un Visconti. La célébration physique n’oublie pas de faire une place au corps estropié du cuisinier (un traître, gare à son thé), au corps obèse du fils à papa-magnat. L’allitération du titre français évacue la zoologie de l’original et au final, le serpent terrassera l’aigle en s’inspirant du chat, séquence qui, n’en doutons pas, irritera les militants de PETA. Ensoleillé, aéré, un peu désargenté, muni de mélodies addictives et contrebandières, ce petit film modeste et sympathique s’appuie aussi sur une rivalité d’écoles, se déroule sur des montagnes chipées aux frérots Shaw et compte un curé à couteau comparable à Caviezel…

  • Countryman (Dickie Jobson, 1982)

Vrai-faux rousseauisme à la marie-jeanne sur fond d’élections, de corruption, d’opposition, d’oppression, d’exécution + de sorcellerie un soupçon. Certes, nul ne confond Dickie Jobson avec Peter Weir, mais son conte pas con, plutôt politique que touristique, se suit avec plaisir, avec le sourire, à l’instar du couple US hilare à cause de la « cigarette qui fait rire ». Dédié à Bob Marley, inspirateur-chroniqueur, l’opus repose aussi, surtout, sur le pêcheur éponyme...

  • Dark Crimes (Alexandros Avranas, 2019)

Détestée par beaucoup, certes desservie par un téléfilmage soporifique et une VF effroyable, cette sorte de 8 millimètres à la sauce polonaise, fiction tirée de faits réels, en rime à l’argument, par conséquent, inclut un Carrey méconnaissable en flic placardisé, manipulé, à la famille minable, motivé par un sens de la justice insaisissable. On pouvait espérer un portrait pertinent du capitalisme sexuel en territoire communiste et catholique ; on devra se contenter, ou pas, d’un Garde à vue au rabais, à l’ironie discrète, à la coda cohérente, puisque « Ni le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face », nous dit Héraclite, et que la vérité s’avère un tombeau. Signalons que les scènes SM, au propre, au figuré, avec Charlotte Gainsbourg, actrice spécialisée dans le drame auteuriste, dont on aimerait voir davantage le sourire solaire, se caractérisent par une intensité désespérée-déterminée adéquate, indeed.

  • Dear Dictator (Lisa Addario & Joe Syracuse, 2018)

Œuvrette inepte, à l’argument politiquement incorrect, au traitement platement télévisuel. Exit Charlie Chaplin, le dictateur (ro)coco, non cinéphile, conseille à l’adolescente isolée, connaisseuse de Blue Velvet & Maniac Cop, la lecture de Machiavel. Caine, cosplay castriste, vieux, émouvant, assure sa retraite, cite Shakespeare ; Katie Holmes, carrément trentenaire, montre son orteil, ses guibolles, son short, sa culotte ; Odeya Rush, l’âge du personnage, s’en sort avec les honneurs, Savannah substituée à Israël. Ceci ne saurait faire un film, une satire politique ou sociologique, ça sauve sa morale inoffensive, si conservatrice. Le duo mixte, au scénario, derrière l’objectif, s’appuie sur un double « coup d’État », en français dans le texte, parlé, chanté, mais ne révolutionne ni n’ambitionne rien, sinon trousser un pur produit pour ta teen en ligne, de préférence mal dans sa peau monoparentale : foutaise féministe fatale.

  • The Debutantes (Prime Cruz, 2017)

Ersatz fadasse et philippin de l’admirable et américain Carrie au bal du diable (De Palma, 1976), avec en sus une dose de maltraitance familiale, de vrai-faux dédoublement mental, de réseaux sociaux pas beaux ; commis par un type a priori traumatisé par Suspiria (en 1977, Argento jette déjà Jessica à l’eau), le métrage mouligas semble enlisé dans sa propre insipidité d’inanité, doté de débutantes décimées, dispensables, exemple de ciné faussé, fini.

  • Depeche Mode 101 (David Dawkins, Chris Hegedus, Donn Alan Pennebaker, 1989)

Documentaire anecdotique, voire interminable, sur une lucrative tournée américaine de DM : si le métrage conserve un aimable caractère artisanal, dépourvu du Barnum de parvenu (Louma nous voilà), s’ils surent éviter l’épilepsie du montage en mode MTV, Pennebaker (d’ailleurs mis en abyme au Rose Bowl avec sa caméra 16 mm à la main) et ses confrères s’avèrent, hélas pour le spectateur-auditeur, incapables de filmer avec une once d’originalité la musique mécanique, mélodique et mélancolique des valeureux quatre garçons dans le vent des années 80, moins encore de les identifier, y compris en surface ; pire, ils s’égarent dans un picaresque d’autocar présageant les actuels ravages de la télé-réalité, en compagnie de fanatiques juvéniles peu finauds, dont on se contrefout franchement. Conseillons aux cinéphiles, aux mélomanes, aux néophytes et aux spécialistes de se rabattre vite sur Spirit !

  • Dnevnik Glumova (Sergueï Eisenstein, 1923)

Eisenstein avant Eisenstein : Fantômas meets Ça ou presque dans cet aimable « montage d’attractions » en mode méta, qui inclut même une architecture ecclésiastique anale-phallique, des substitutions allégoriques à la Méliès et un signe slave assez obscène de la mimine ; on le sait, le Sergueï, nous saluant, souriant, à la fin, mise en abyme ultime, destinait ce divertissement un brin sinistre, car innervé par le frais souvenir de 14-18, car curieusement annonciateur de 39-45, visez-moi la svastika (utilisée aussi en Russie impériale, d’accord), à son adaptation d’une pièce apparemment axée sur la stupidité de la sagesse, ou l’inverse – averti par Vertov, déjà en compagnie du fidèle Grigori Aleksandrov, le camarade cinéphile passe ainsi de la scène à la saynète, de la rampe à l’écran, du théâtre au cinéma via un vrai-faux journal intime aux allures de JT en accéléré, cryptique et homoérotique, amen

  • Emily (Henry Herbert, 1976)

Fanny Hill peut continuer à dormir tranquille, cet énième récit de virginité à perdre en (supposée bonne) société ne suscite qu’un ennui dit poli, mais le travail impeccable de Jack Hildyard, DP valeureux à l’œuvre chez Lean, Mankiewicz, Nicholas Ray, Hathaway, Losey, Hitchcock ou sur Le Message de Moustapha Akkad, fait honneur à l’ensemble insipide, très britannique dans sa sexualité de classes juste cachée ; et jolie scène de douche pas farouche.

  • Ewa (Haim Tabakman, 2016)

Vaudeville sous valium, à base de surcadrages en widescreen, avec moto molto métaphorique et ponctuations en chansons, où un retraité épuisé, sinon épuisant, amateur de bain habillé, se demande de manière rhétorique : « Être un rescapé de la Shoah t’autorise à baiser ma femme ? ». En dépit du plan-séquence solaire liminaire, un brin tarkovskien, rematez Le Miroir, malgré un casting estimable, ce Jules et Jim issu d’Israël assoupira fissa…

  • Felicity (John D. Lamond, 1979)

Avatar australien/hamiltonien de notre interminable Emmanuelle, voici un film définitivement inoffensif, anecdotique, conservateur, sentimental, à peine rendu supportable par la belle lumière de Gary Wapshott et le charme modeste de Glory Annen, lectrice en VO de l’exotico-datée Mademoiselle Arsan + un certain Story of O, chef-d’œuvre mystique dû à Dominique Aury ; sinon, croiserons-nous enfin le Félicité de Christine Pascal ?

  • The Foreigner (Martin Campbell, 2017)

Camus ? David Morrell ! Et l’IRA, pourquoi pas, décrite en milieu naturellement incestueux, au figuré puis au propre, liaison tante-neveu incluse. Hélas, ces Atrides-ci, insipides et sans style, s’agitent paresseusement dans la grisaille d’ensemble, entre Londres et l’Irlande. Le terrorisme assassine des gens a priori innocents, so what? Sans doute dans un souci d’équité, le téléfilm au bord de l’interminable suggère aussi la torture britannique expliquée, sinon justifiée, par un attentat immédiat, avatar de Mrs. Thatcher en l’air. La violence se nourrit de jeunesse quand l’âge incite à la diplomatie, amen et « Dieu sauve la Reine » – ou la refoule via le Sinn Féin. Pièce rapportée parmi cette partie d’échecs ou ce jeu de massacre « en interne », Chan co-produit et joue les pères orphelins, assommés par le chagrin. Soudain, il devient un expert militaire formé au Vietnam, dame : on s’émouvait, on ricanera.

  • Für Elise (Wolfgang Dinslage, 2012)

Téléfilm teuton triangulaire qui voudrait rivaliser avec Lolita, ja, mais qui s’avère, en visionnage accéléré, définitivement un infime drame bourgeois minable et interminable meublé chez IKEA ; si la France fixe désormais la majorité sexuelle à quinze années, âge de l’héroïne plus éprise de Chopin que de Beethoven, l’ensemble se caractérise par sa rédhibitoire puérilité, de scénario, d’interprétation et de réalisation – Brooke Shields, alors mineure dans le bordel par définition peu politiquement correct de La Petite, en rit encore…

  • Giselle (Toa Fraser, 2014)

Captation à la con d’une mise en scène un brin burtonienne aux ponctuations cosmopolites en plein air et en studio, de danse, forcément ; Gillian Murphy s’avère aussi rousse que Moira Shearer tandis que Qi Huan remémore Mark Dacascos ; on pensera ce que l’on veut du ballet classique en général, de la partition d’Adolphe Adam en particulier, mais le British Kiwi qui commit ceci mériterait presque le mépris, comme si Les Chaussons rouges n’existait pas, comme si filmer des talents en mouvement se réduisait à les suivre en charcutier de TV. « Plus qu’un ballet, du cinéma » affirme l’accroche pompeuse et menteuse – après le pitoyable Pina de l’éventé Wenders, voici plutôt la preuve supplémentaire d’un ciné surgelé, incapable de traiter le corps musiqué, sinon en pur produit supposé culturel, en vérité caduc.

  • Le Grand Tournoi (Jean-Claude Van Damme, 1996)

Avec ce premier, presque dernier, film devant/derrière la caméra, l’acteur attachant voulait certainement faire s’entrecroiser Il était une fois en Amérique et Opération Dragon, en sus de signer un mélodrame martial. Hélas, le scénario reste exsangue et la réalisation abuse d’angles dits hollandais, de ralentis flapis, d’un steadicam sans âme. Apparemment, l’argent manqua, le temps itou, Moore détesta tout ceci, crédita le polyvalent Peter MacDonald de la cohésion d’occasion. Les esthètes apprécieront le travail évocateur du DP David Gribble et les spécialistes des combats la diversité des styles présentés. En simple cinéphile mélomane, quelques passages de la partition de Randy Edelman retiennent l’attention, tandis que la schizophrénie et la mélancolie idiosyncrasiques de Van Damme n’apparaissent qu’en filigrane. Un ratage à oublier ? Un hommage manqué, une odyssée amputée – dommage, JC.

  • Halbschatten (Nicolas Wackerbarth, 2013)

« L’histoire ? Elle est très simple. Ce n’est pas le problème. » Justement si, en tout cas dans ce téléfilm fastidieux qui se voudrait formaliste, sorte d’Ozon teuton, visez-moi l’écrivain, la piscine, l’amant invisible. On espère pour elle que l’équipe savoura son séjour niçois, après tout, les co-productions franco-allemandes servent aussi à ça, au lieu de faire du cinéma. L’auteur connaît-il seulement Vigo & Demy ? On se fiche de le savoir, on se contrefout de lui.

  • Happy Birthdead (Christopher Landon, 2017)

Insipide produit préfabriqué porté par une interprète transparente et signé par le scénariste-réalisateur d’un Larry Clark supportable + quatre Paranormal Activity, l’une des franchises les plus affligeantes-lucratives de notre minable modernité horrifique. La boucle temporelle à la truelle ne suffisait pas : le fils de Michael Landon inflige au cerveau d’ado, sa cible cynique, une morale moralisatrice, très américaine, à main armée. Que le cupcake l’étouffe.

  • Heinrich Himmler: The Decent One (Vanessa Lapa, (2014)

La Shoah etc. avec bruitages, musiques, lettres anecdotiques, images d’horreur en couleurs : l’Histoire selon la série Apocalypse, mise en scène, mise en fiction, plombée par un psychologisme pompier, par une délicatesse éléphantesque, privée de la plus petite perspective analytique ou historique ; un film malhabile, stérile, infantile, inutile, finalement parfait puisqu’aussi indécent que son sujet – on en reste à Resnais, Lanzmann, voire à Littell.

  • Hérédité (Ari Aster, 2018)

Un film d’horreur majeur, selon le consensus US ? Plutôt une comédie noire sur le deuil et le destin, filmée par un marionnettiste suspect, sur fond d’infanticide guère accidentel et de sorcellerie familiale. On suppose que les fanatiques de la co-productrice Toni Collette apprécieront son petit numéro lucratif de maniaco-dépressive éprise de miniatures, au pedigree chargé. Sinon, les cinéphiles adultes en resteront à Ne vous retournez pas puis à Rosemary’s Baby

  • L’Heure d’été (Olivier Assayas, 2008)

Métrage petit-bourgeois sur/avec/par/pour des petits-bourgeois, à faire passer Sautet pour un marxiste à main-caméra armée ; jadis je subis seulement pour Maggie Cheung Irma Vep + Clean, aujourd’hui je m’imposai ça pour Édith Scob ; cette France-là, ce cinéma-ci, cette tendance certaine du ciné français, histoire de paraphraser Truffaut, qui peuvent-ils intéresser, sinon ceux qu’ils présentent, représentent, qui les financent, qui les récompensent ? On pourrait vite devenir verbalement violent envers ce type de films émétiques, alors gardons le silence, méprisons par l’indifférence, évacuons l’inconsistance.

  • Hitchcock/Ttruffaut (Kent Jones, 2015)

Double hagiographie rassie, amnésique, dépourvue du moindre esprit critique, psychologisante, languissante, superficielle et superflue, basée sur un classique autarcique devenu un peu vite la bible laïque d’une certaine tendance cinéphilique ; tout ce dialogue technique et herméneutique, via un improbable ménage à trois, Helen Scott en traductrice approximative fana de saint François, reprend la plaisanterie génétique du corbeau de Poe, annonce la post-modernité notoirement énamourée de second degré, de coulisses, de confessions, de making-of et d’explications à la con : les films de Hitch & Truffaut, très supérieurs au documentaire d’amateur, par-delà un ouvrage incontournable et discutable, intéressant et surfait, conservent, tant mieux, leur mystère, leur impact, irréductibles aux analyses louangeuses de quelques adeptes obsolètes, croisés par deux historiens pour rien.

  • Hjemsøkt (Carl Christian Raabe, 2017)

Trauma maternel de téléfilm anonyme, étiré sur une heure vingt, débuté par une levrette dans les toilettes, mais main posée sur le ventre de l’épouse enceinte, avide d’avorter. Outre le cadre évocateur d’une Norvège enneigée, tout ceci, à subir par un après-midi de saison, prélude idéal à sieston, s’illumine néanmoins de la présence de Synnøve Macody Lund, ancien mannequin, désormais actrice-productrice convaincante, cf. l’ultime plan menaçant…

  • Hold the Dark (Jeremy Saulnier, 2018)

Téléfilm Netflix figé, anémié, interminable, qui voudrait bien se faire passer pour une réflexion éclairée sur l’obscurité du cœur colonial, surtout en Alaska + en Irak. En réalité, le masque lupin démasque le rien, la culpabilité partagée sent l’éventé, citation du sacristain Gerard Manley Hopkins incluse. Si l’écriture du romancier William Giraldi possède une certaine économie évocatrice, le scénario se signale par son mystère de maternelle, son mutisme d’auteurisme. La séquence de la fusillade, étirée au-delà du raisonnable, sommet d’indifférence en rime à l’infanticide prophylactique, cristallise l’ensemble, l’arrogance risible de son esprit de sérieux, en sus de discourir sur l’indianité froidement déchaînée. En matière de ténèbres, de sauvagerie, de wilderness, restons-en, sans regrets, à The Thing (Carpenter apocalyptique), The Grey (les loups de Liam) ou Sukkwan Island (visité par votre serviteur).

  • The Hunt (Craig Zobel, 2020)

Comédie noire du samedi soir ? Zaroff féministe ? Moralité de complotisme ? Surtout téléfilm au filigrane fasciste – fun du « féminicide », amusement de l’homicide – à ranger au rayon des blumeries-conneries. Si Hilary Swank, visible un tiers du (très) long métrage, paraît payer ses impôts, à la limite du caméo, Betty Gilpin ne manque pas de charme, ni d’arme, et rappelle une certaine Linda Hamilton chez James Cameron ; La Fontaine & Orwell opinent…

  • Ich und Kaminski (Wolfgang Becker, 2015)

Téléfilm de luxe touristique, drolatique puis nostalgique, à propos d’une impossible biographie de peintre retors : Becker, auteur guère prolixe du sympathique mais surfait Good Bye, Lenin! ne dit absolument rien sur l’art (pictural), sur son milieu, sur l’arrivisme, la vieillesse ou l’amitié intergénérationnelle, et pas davantage sur le cinéma, même s’il s’inspire pour l’ouverture de Forrest Gump, adresse au public (sauf en France, dispensable inédit) des clins d’œil cinéphiles et tresse le fantasme au réel (du récit) ; au-delà d’une générique de fin ludique et convenu (animation de toiles célèbres), son vrai-faux road movie vaut pour la (brève) présence de la trop rare Amira Casar, ici somptueuse descendante aux perruques empruntées à Louise Brooks, de la toujours fragile Geraldine Chaplin, héroïne d’une scène sénile assez cruelle. Recommandons aux esthètes un certain citoyen Kane…

  • Ichi (Fumihiko Sori, 2008)

Mélodrame anonyme, dommage, visiblement (télé)filmé sous valium, au féminisme soft, à la quête incomplète, au maternel trauma, aux combats en bois, aux adversaires ridicules, mais néanmoins muni d’un humour méritoire, du beau duo formé par Haruka Ayase & Takao Ōsawa, de la bonne BO de Lisa Gerrard (& Michael Edwards), délaissant ici les gladiateurs hollywoodiens (et les empereurs romains) pour les samouraïs in situ, voire atteints de cécité.

  • Jurassic World: Fallen Kingdom (Juan Antonio Bayona, 2018)

On devine ce qui séduisit le réalisateur du réussi L’Orphelinat jadis adopté par Belén Rueda : la résurrection des dinosaures comme un conte de fées horrifique pour gamine démunie de parents, en réalité clone dickesque aux allures de petit Spartacus. Toutes les scènes avec Geraldine Chaplin, Isabella Sermon, James Cromwell participent ainsi d’un gothique hispanique familial similaire. Hélas, le reste convainc moins, mélange de léchés logiciels et de marxisme de maternelle, de métaphore à la PETA et d’antimilitarisme paresseux. Pire, la morale finale, outre annoncer la suite d’une franchise interminable, s’enlise dans un alarmisme écologique très contemporain, Jeff Goldblum en caméo de cassandre repentante d’audition maccarthyste. Une fois de plus, sans surprise, Hollywood pasteurise la sensibilité européenne, aplanit la moindre aspérité au rouleau compresseur du politiquement correct...

  • Kaçis (Kenan Kavut, 2016)

Disons que Le Silence de la mer rencontrerait Petit paysan. Un passager de la pluie syrien, une épouse turque, un mari stérile : si ce premier long métrage trop sage évacue un peu vite le « drame des migrants », comme on dit en Occident, au profit d’un mélodrame domestique sur fond de condition féminine loin d’Istanbul, il arrive à exprimer sans pathos ni misérabilisme trois ou quatre choses assez justes sur l’exil, la solitude, la culpabilité, la colère, la seconde chance. On retiendra précisément deux monologues dans une langue étrangère et avec l’espéranto du corps. On saluera de surcroît l’attachant Ali Suliman, double meurtrier par accident, et la révélation d’une actrice belle, talentueuse, intense Jale Arikan…

  • Kairaku Onsenkyô: Nyotaiburo (Atsushi Fujiura, 1981)

Comédie érotico-économique plutôt bien troussée par un spécialiste presque inconnu en nos contrées. Jamais misogyne, gentiment féministe, la fable inoffensive et bon enfant sur fond de chasse au trésor historique autour d’une auberge libidinale affiche des femmes fortes, pléonasme, et des hommes immatures, idem. La mélancolie d’un Mizoguchi se voit vite congédiée au profit d’une coda en écho corrigé à Ridley Scott jadis on the road, car la suicidaire romantique et la patronne endettée deviennent associées, rusées complices de pactole en Mercedes, puis nous adressent un double V souriant via l’écran. Moralité : rien ne vaut le coffret mouillé entre tes cuisses douces, alors gare à trop rêver ou convoiter du vent. À l’orée des années fric, au Japon ou non, cette bande mineure, pas interdite aux mineurs, un peu longuette malgré sa brièveté, assez sympathique, soignée, s’avérait donc d’actualité.

  • Konvert (Vladimir Markov, 2017)

Un film horrifique russe ? Des citoyens du Kremlin désignent le régime de Poutine, passons. Ici, une malédiction empestée du dix-huitième siècle se poursuit dans un pays gris, glacé, cadré en Scope, survolé en drone. Igor, chauffeur puis facteur malgré lui, va passer une nuit d’enfer défiant son appréhension de l’espace-temps. Il croisera une adepte de Dorian Gray, il s’occupera de son propre salut, chauffard distrait de gamine hantée, in extremis évitée. Cette moralité sur la deuxième chance, la culpabilité, la responsabilité, manque certes de regard (de cinéaste) et d’âme (slave ou pas), mais constitue au final une petite curiosité pionnière, où la joliesse des actrices compense un peu leur manque de talent, où l’inanité du script répond à l’inanimé de la trame, où la Russie d’hier, de chasse aux sorcières, et celle d’aujourd’hui, au capitalisme funèbre, cartographient un continuum mental soigné, longuet.

  • Leviathan (George Pan Cosmatos, 1989)

D’origine inconnue brocardait l’instinct de propriété : six ans après, toujours avec Peter Weller, Leviathan mine le capitalisme sous-marin. Il suffit d’une vodka avariée, trafiquée, pour que les membres de l’équipage fusionnent à la Society, constituent chacun à son tour une créature lovecraftienne in extremis explosée en plein jour, en surface, via une fusée de détresse. Bien épaulé par le DP Alex Thomson et le décorateur Ron Cobb, Cosmatos filme avec un sérieux remarquable son survival transalpin plus proche du Continent des hommes-poissons que de Alien. Certes, l’ensemble ne brille ni par sa profondeur ni par son intensité, mais le regretté George savait assurément conduire un huis clos, mettre en valeur le charme d’Amanda Pays autant que le travail organique de Stan Winston. N’omettons pas Crenna en doc polyglotte + Meg Foster en PDG psychorigide. Une réussite ? Un titre assez sympathique.

  • Looking Glass (Tim Hunter, 2018)

Faut-il défaillir ou s’en ficher ? De l’estimable Motel autrefois bien tenu par Nimród Antal il ne demeure plus rien, sinon ce piteux téléfilm insipide, inepte, anonyme, éclairé sans doute par un adepte du boulot de Benoît Debie. On aime bien Robin Tunney & Nicolas Cage mais pas ici, pas comme ça, même si l’on comprend parfaitement la nécessité de payer ses impôts, en Arizona ou en Utah. Et l’accroche à double sens dit vrai : voir équivaut à décevoir.

  • The Lost World (Harry O. Hoyt, 1925)

Comment résister au cinéma comme aventure ? Presque cent ans après, visionnée dans une version aux bruitages superflus pas si malvenus, n’en déplaise à ceux encore traumatisés par le Metropolis de Moroder, cette adaptation de Doyle séduit, pas seulement grâce au bestiaire belliqueux et vorace du magicien O’Brien, Spielberg peut remballer ses dinosaures numérisés, l’émerveillement de l’enfance se trouve ici, ou dans la mythologie en mode Harryausen, pas chez lui. « Cette histoire est humainement très intéressante », en effet, quête des origines – le père, la préhistoire – doublée d’une moralité sur l’héroïsme à base de triangle sentimental. Bien sûr, tout ceci reste sage et ne saurait posséder la richesse érotique-réflexive de King Kong, cependant l’ensemble constitue un divertissement plaisant, intelligent, souvent drôle, toujours inspiré, éruption/Tamise incluses : honneur à Challenger !

  • Louise en hiver (Jean-François Laguionie, 2016)

La vieillesse s’avère un naufrage, disait de Gaulle, toutefois la naufragée de Laguionie le contredit, découvre, au soir isolé de sa vie, les vertus de l’invisibilité, la plénitude de la solitude, le baume de l’amnésie. Certes, cette robinsonnade senior, à base autobiographique, souffre de son caractère anecdotique, rassure un peu trop, un peu trop vite, sa douceur graphique disons en réponse à la rudesse lucide du Amour de Haneke. Cependant, elle sait inclure du macabre évocateur, en apesanteur, elle arbore une belle scène de suicide acide, de rescapée à son Pépère, en effet. Sorte de rencontre improbable, sur le sable, entre Les Vacances de Monsieur Hulot et Je suis une légende, la fable affable délocalise l’Overlook en Bretagne, associe les visages aux paysages, l’extériorité à l’intériorité. Le voyage immobile, à la bande-son soignée, mérite ainsi sa découverte estivale.

  • Mauvaise graine (Alexandre Esway & Billy Wilder, 1934)

Une comédie motorisée un peu au point mort, d’accord, mais aussi assez soignée, sympathique et même un brin marxiste, coloniale (contexte historique oblige), finalement morale, voire moralisatrice, scellant les (presque) débuts de la délicieuse Danielle, à peine adolescente, du cher Wilder, en français (d’exilé) s’il vous plaît ; notons en outre la partition bicéphale d’Allan Gray & Franz Waxman, bientôt enrôlés par les Archers ou Hollywood ; quant aux cinéphiles marseillais, ils se souviendront que le co-réalisateur, Alexandre Esway, dirigea (par deux fois) Fernandel, que Maupi, avec ou sans panama, participa à moult Pagnol (cité en clin d’œil cravaté), que les amants en cavale, littéralement sur la paille, surplombent en plan-séquence le pont + la plage de Corbières, tout près du quartier-village de L’Estaque, où tourneront plus tard, évidemment, René Allio puis Robert Guédiguian…

  • La Mégère apprivoisée (Ferdinando Maria Poggioli, 1942)

Pas de téléphone blanc mais un abri souterrain : ce titre d’un cinéaste méconnu délocalise Shakespeare dans une Rome martiale. Avec sa misogynie musicale et souriante, la comédie du (double) mariage montre vite ses limites mussoliniennes, bien que la copie impeccable rende hommage au travail du DP Renato Del Frate. Poggioli, aussi homo que Luchino, dixit Jean A. Gili, manque de style et d’implication, il filme cependant Amedeo Nazzari en nouvel Errol Flynn et le scénario à plusieurs sait esquisser de sympathiques silhouettes. Mieux, l’ouvrage décevant (la critique) associe décor et dehors, marivaudage d’un autre âge et architecture urbaine contemporaine. Bien sûr, un certain Rossellini remisera tout ceci au placard, ouvrira le cinéma transalpin sur le mélodrame dit (néo-)réaliste. On peut pourtant passer quatre-vingts minutes de sa cinéphilie en compagnie de l’énergique-mutine Lilia Silvi.

  • Men & Chicken (Anders Thomas Jensen, 2015)

Des souris et des hommes ? Cinq mecs et quelques poules, donc, durant cette dark comedy (ou drame drolatique) souvent amusante, discrètement touchante, à défaut d’être sidérante, surtout au niveau cinématographique. Ce film un peu trop tranquille, vraie-fausse relecture de L’Île du docteur Moreau, due au signataire de Antichrist et La Tour sombre, vaut pour son scénario de frérots, de secrets familiaux, pour une distribution à l’unisson, mentionnons Mads Mikkelsen en émule de John Holmes, David Dencik en sosie de Roland Topor ou Bodil Jørgensen en doublure d’Aurore Clément. Derrière la défense assez consensuelle, voire conservatrice, du droit à la différence, de la solidarité de l’anormalité, se dissimule le souvenir sinistre de l’eugénisme du voisin suédois, corrigé par le conte de fées.

  • Le monde tremblera (Richard Pottier, 1939)

Co-écrit par Clouzot, incarné par un excellent casting, voici un conte philosophique et drolatique reposant sur une idée dramatique, en effet fatidique, qui actualise la crise de 1929, qui sortit en 1939, où entendre le mot « guerre » et ressentir une sorte de panique à peine prophétique ; par-delà un traditionnel moralisme scientifique, Pottier soigne sa fable affable, dans laquelle prédire la mort revient à détruire l’espérance + la Bourse à la Samson.

  • Most Beautiful Island (Ana Asensio, 2017)

Apparemment basé sur une « histoire vraie », réservoir usagé pour scénariste stérile, voici encore un court dilué durant quatre-vingts minutes mettant à l’épreuve la patience du cinéphile en ligne. Cela commence par des blattes de salle de bains et finit par des araignées importées, olé. Aussi illégale que la mygale, ou sa consœur au bout de la peur, Luciana, mère endeuillée, espère se faire du blé fissa grâce à une soirée sympa. Bien sûr, une surprise désagréable l’attend, ni cérémonie secrète sadienne, ni « viol en réunion » par des bobos carburant au champagne. Visage et physique de mannequin, Ana Asensio signe une indigence indie en partie produite par Larry Fessenden, à transformer les laxatifs des frères Dardenne en modèles de composition et d’observation. Ceci se voudrait une fable édifiante sur la responsabilité, la solidarité, la féminité : ceci s’apparente à un épisode de Fear Factor.

  • Nitro Rush (Alain Desrochers, 2016)

Téléfilm nullissime, aux combats en bois, à l’action à la con, qui de surcroît se voudrait un mélodrame paternel, punaise. N’en déplaise aux accueillants Québécois, on ne décèle hélas pas une seule seconde de cinéma parmi ce brouet-là, que commit un ex-clipeur passé par la TV et la publicité, vite on le devinait. Quant à la (tatouée) baston en prison, demeurons au Canada, on la comparera ou plutôt pas avec celle assez superbe des Promesses de l’ombre

  • Not of This Earth (Jim Wynorski, 1988)

Aimable cormanerie commise par le stakhanoviste Jim Wynorski, à visionner surtout pour Mademoiselle Lords, ici délicieuse et drôle infirmière à domicile prénommée Nadine, tandis que Kim Basinger, dans le presque similaire et contemporain J’ai épousé une extra-terrestre, s’appelle Celeste ; puisque même un divertissement assumé, amusant, ne saurait tout à fait s’extraire ni s’exonérer de son temps, l’argument prend acte du sida, jugé en effet un « fléau » par le toubib de service ; beau boulot du directeur de la photo Zoran Hochstätter.

  • Nous, les chiens (Lee Choonbaek & Oh Seong-Yun, 2020)

Certes, le dessin ou l’animation manquent de finesse, mais cette curiosité presque pionnière, remember le brillant, sinon merveilleux, Wonderful Days, mérite une certaine estime, séduit par son évidente modestie, vire davantage vers le wild selon London que les pitreries, pardon, le plat de spaghetti, de Disney, jamais beau et moins encore clochardisé, malgré un clin d’œil délocalisé. Ici aussi, l’espèce bipède se caractérise par sa cruauté, la survie des canidés nécessite leur solidarité, le métissage animal in extremis domine. Quant à la coda, en effet explosive, elle dispose de soldats sud-coréens, démons/gardiens d’un éden atteint…

  • Les Onze Mille Verges (Éric Lipmann, 1975)

Érotisme fantasmatique, mis en abyme et pleinement publicitaire, commis par un spécialiste mélomane, un conseiller de Toscan du Plantier, un admirateur de Quincy Jones. Pourtant l’opus point ne déplaît, porté par le sourire du frère de Patrick Dewaere + celui de l’ensemble de l’essaim féminin, callipyge et doté d’une aisance, sinon d’une innocence, very seventies. À défaut de retrouver en images l’immoralisme sauvage, stimulant et souvent amusant d’Apollinaire, le cinéphile littéraire apprécie la belle BO de Colombier. Une scène sexuelle mémorable, topless Marion Game, remplie de néologismes jouissifs, charme idem

  • The Passenger (Jaume Collet-Serra, 2018)

Hawthorne ? Dumas ! Vieilli, amaigri, la voix cassée, ridée, Liam Neeson se fait à nouveau emmerder, cette fois-ci dans le train de banlieue qu’il emprunte depuis dix ans. Hypothèque(s), fils filant en fac, licenciement intempestif, mission pas si impossible bien rémunérée : l’assureur, rassurons-nous, ne rendra pas le témoin muet, réintégrera la police. Hors une bagarre en plan-séquence et un déraillement nocturne, instants spectaculaires et virtuoses, la traversée s’avère bien longue, le voyage bien vain. Le marxisme du métrage se limite à faire un doigt d’honneur américain à Goldman Sachs et à dénoncer scolairement le capitalisme ruineur, corrupteur, tueur. Si De Palma réalisa dans le TGV de Tom un grand film excessif, œdipien, méta, l’aimable Collet-Serra semble désormais essoré, en pilotage automatique famélique ; notons les caméos à la con des talentueux Vera Farmiga & S. Neill.

  • The Patriot (Dean Semler, 1998)

DP doué, réalisateur mineur, Dean Semler signe en anonyme un western viral, où assure et sourit Steven Seagal. Sa moralité américaine manie milice suprémaciste et immunologie amérindienne : au terme de la sécession, de la contamination, du confinement, de l’affrontement, des hélicoptères militaires, semeurs de fleurs, « herbe rouge » à la Boris Vian, apaisent l’épidémie nommée (Viet)Nam, victoire de la bienveillance du medicine man

  • Paul, apôtre du Christ (Andrew Hyatt, 2018)

Plan-séquence au steadicam dans le sillage de Luc le long de nocturnes rues romaines où les chrétiens servent de chandelles humaines : bonne atmosphère liminaire crépusculaire puis pas de miracle avec ce métrage au succès sans doute démoniaque, plombé par un dolorisme et un prosélytisme de téléfilm à faire passer DeMille pour un adepte du jansénisme et Gibson pour un modèle de laïcité ; sinon, Joanne Whalley ressuscite en citoyenne attachée à sa cité incendiée par Néron, quel con, Caviezel rempile privé de fouet, descendu de sa croix polémique, Faulkner dicte ses épîtres cosmopolites et Martinez se déguise en taulier-préfet à l’accent français, à la coupe d’armée. Si les croyants pardonnent, les athées fuient vite fait.

  • Payback (Brian Helgeland, 1999)

Orphée de polar, Gibson veut récupérer sa part et s’égare dans une ville vintage, avatar de seventies, au gré d’un argument inconsistant aux allures de jeu de massacre vidéo, un niveau puis l’autre, un nervi à chaque fois occis. En dépit du vrai plaisir de retrouver Gregg Henry, William Devane, Kris Kristofferson et un James Coburn curieusement non crédité, on frise l’ennui dit poli au cours de cette comédie grise et pas si funky, où Deborah Kara Unger demeure scandaleusement sous-utilisée, où la sexy Lucy Alexis Liu s’amuse en princesse SM, où Maria Bello donne un brin de relief à sa prostituée amoureuse. Pris entre les feux croisés des voyous et des ripoux, Porter perd deux orteils mais finit eh oui par s’en sortir via un coup de fil explosif. Délesté de son passif et d’un fils par procuration, otage que garde un clébard homonyme, notre couple prend la route et l’acteur-producteur paraît soulagé – nous itou…

  • Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer? (Giuliano Carnimeo, 1972)

Sociociné : sous la panoplie assez soignée, rythmée, érotique, comique, de l’imagerie meurtrière-policière transalpine, un florilège floral, dépressif, de la sexualité du temps, pas seulement, génoise ou non, à base de prostitution, de saphisme, d’échangisme, d’onanisme en huis clos, l’immeuble-tombeau abritant des locataires à faire passer ceux de Polanski (1976) pour de bienfaisantes brebis. Proies programmées du scénario mathématique, traumatique, du stakhanoviste Ernesto Gastaldi, mais silhouettes sympathiques mises en valeur par un spécialiste du western, l’exquise Edwige et ses amies mimi séduisent sans souci, escortées du leitmotiv addictif de Bruno Nicolai. L’assassinat en ascenseur annonce bien sûr en mineur celui de Pulsions (Brian De Palma, 1980), giallo délocalisé, vidé de violon.

  • Porn of the Dead (Rob Rotten, 2006)

Un film en effet horrifique, aussi faisandé que son affiche, façonné par un fumiste falot, sorte de noces d’Éros & Thanatos pour le boloss, série de vignettes suspectes sans queue ni tête, quoique, qui démoralisera autant les amateurs de dites horreurs et ceux qui réfléchissent à la pornographie, pas l’inverse, même si l’imagerie interdite aux mineurs mérite mieux que le mépris a priori ou l’apologie corporatiste. Conseillons donc aux cinéphiles nécrophiles, possible pléonasme, d’en rester au teutonique Nekromantik (Buttgereit, 1987), modeste réussite sympathique, si comparée à l’assourdissant crossover

  • Pot o’ Gold (George Marshall, 1941)

James Stewart vomissait ce titre musical méconnu de sa filmographie, mais rien ne vous oblige à savourer tous les jours les vertiges de Vertigo, pas vrai ? Certes, nul ne confondra George Marshall & Frank Capra, son marxisme inoffensif se résume à un lancer de tomate pourrie sur le capitaliste apoplectique, signature du slapstick de ses origines. Cependant, l’argument transparent ne manque point d’allant charmant, réserve même, dans sa brièveté, quelques sourires au cinéphile pressé. Ici, Jimmy, surnom aussi de récit, s’oppose à son oncle, rencontre l’amour de sa vie, commerce d’armes, de cosmétiques contre troc, pratique de la musique. Si Mary Gordon, régulière de John Ford + Charles Winninger, adversaire aphone, ne déméritent, Miss Paulette Goddard, chanteuse doublée, mérite tous nos égards. Radiophonique, anecdotique, sympathique, un divertissement d’antan, à revoir maintenant.

  • Le Puits et le Pendule (Alexandre Astruc, 1964)

Tourné pour la TV, ce qui le rend davantage audacieux et précieux, Le Puits et le Pendule relu par Alexandre Astruc, éclairé par Nicolas Hayer, devient un superbe survival annonciateur du torture porn et lesté d’un lyrisme mystique, merci à la partition chorale d’Antoine Duhamel, à jamais insaisissable pour l’épuisante franchise des Saw. La caméra mobile, avec ses cadres au cordeau, magnifie l’immobilité d’un huis clos remémoré, achevé sur une fenêtre céleste et l’arrivée hors-champ de la cavalerie hexagonale. Maurice Ronet, remarquable par sa voix et par son corps, incarne avec une précision d’horloger romantique le prisonnier de Poe admirablement transposé en français par Baudelaire. Réussissant un suspense métaphysique parfois silencieux, le réalisateur réhabilite des rongeurs salvateurs.

  • Pussy Kills (Gabriel Black, 2017)

Avec son titre explicite, à la Russ Meyer, ce film dit de viol et revanche s'avère sympathique, car il opte pour le drolatique, laissant à autrui, pas seulement Abel Ferrara + sa nonne armée, le registre dramatique. On sourit ainsi souvent, malgré l'argument a priori refroidissant, à cette histoire d'une pauvre orpheline transformée le jour de Halloween en Diane chasseresse des membres du gang qui renvoyèrent ses parents ad patres puis lui infligèrent un sanglant outrage de prisonnière trop impliquée. Déguisée en chatte, l'impitoyable némésis multiplie les exécutions de saison, remplit l'intitulé descriptif. La fugue psychogénique se solde par un suicide, hélas. Gabriel Black cumule les postes, soigne l’image et n’exploite pas son actrice de telenovela, la callipyge, amusante, presque touchante Lina Maya, beauté brune qui vaut bien Halle Berry et mérite, peu couverte, d’être découverte ici.

  • Radioactive (Marjane Satrapi, 2019)

Biopic merdique, pseudo-scientifique, structuré tel L’Impasse, emprunts à J’accuse inclus, éclairé à la Jeunet, porté par une piètre interprète, « présenté » par Studiocanal & Amazon Studios, Dio mio, vu en VO, 3 spectatrices dans la salle estivale, ce fichu téléfilm sur « Madam Kiouri », entre féminisme et catastrophisme, mérite ses mauvaises critiques, des deux côtés de l’Atlantique, mélo zéro commis par la responsable du dispensable Persepolis

  • Railroad Tigers (Ding Sheng, 2016)

Au croisement de La Bataille du rail et de La Grande Vadrouille, un opus poussif, en train inter-minable, qui ferait presque regretter les frasques déjà ratées, sises en simultané, du Bon, la Brute et le Cinglé sud-coréen, hein. Question pont, on préfère en rester à ceux de Lean & Leone, ouvrages (sens duel) d’un autre âge, pas encore contaminés par le numérique cheap, en sus lestés d’une dimension symbolique. Jackie Chan porte une barbe, nous barbe…

  • La Résurrection du Christ (Kevin Reynolds, 2016)

On pouvait espérer la résurrection de Kevin Reynolds, naguère auteur du beau La Bête de guerre et de l’estimable 187 code meurtre. Hélas, le désert de Judée n’égale pas celui de l’Afghanistan et la crucifixion de « Yeshua » paraît un passage obligé vite expédié par rapport au calvaire de cailleras subi par Samuel Jackson. Le cinéaste, ici co-scénariste, ose se risquer à la simplicité, à la trivialité, à l’amitié, les scènes du combat avec Barabbas, de la traque du tribun, ne manquent point d’une certaine énergie, tandis que Joseph Fiennes s’avère assez solide en témoin à jamais transformé. Cependant tout ceci, produit par les missionnaires de Affirm Films, manque de chair, d’esprit, de souffle, de vie, de prestance et de transcendance.

  • La Rivière du hibou (Robert Enrico, 1962)

Rod Serling présente en VO un film de Robert Enrico d’après Ambrose Bierce – nous voici bel et bien dans La Quatrième Dimension, ou plutôt durant la guerre de Sécession, période de pendaison surtout en cas de sabotage de voie ferroviaire. Roger Jacquet, assez exceptionnel, succombe au cérémonial macabre mais s’évade grâce à une fugue psychogénique où il retrouve sa chère Abby, afin de la perdre une seconde fois via une chute impitoyable. Situé en Cévennes, primé à Cannes puis à Hollywood, La Rivière du hibou se savoure en western sensoriel et cruel, panthéiste et onirique. Bien secondé par son fidèle DP Jean Boffety, Enrico accouche d’une œuvre vénéneuse et proustienne, qui présage Carnival of Souls autant que Le Vieux Fusil, eh oui, autre poignant voyage dans le temps, avec Noiret substitué à Morel.

  • Salomé (Charles Bryant, 1923)

Oscar Wilde dut se retourner dans son cercueil (ou se réjouir, en adepte du paradoxe) au vu de ce péplum arty, kitsch, équivalent local de notre hexagonal film d’art, à faire passer DeMille pour un émule de Bresson. Héroïne androgyne d’un huis clos Art déco, frontal et statique, de représentation paupérisée en MJC, la Nazimova, par ailleurs pygmalion bisexuel de Valentino (Natacha Rambova, son épouse, s’occupa du scénario et des costumes, d’après Aubrey Beardsley, s’il vous plaît), en fait des tas, ses comparses ne déméritent pas (on reverra Rose Dione parmi La Monstrueuse parade), en roue libre devant la caméra du gay Bryant, mari de la star bientôt déchue. Aucun érotisme (voilé, dévoilé), hélas, à peine un halo homo et une cage aux folles, pardon, un puits à prophète présageant les oubliettes nippones de Ring – résumons : coûteux, ruineux, assez prétentieux et souvent risible, donc.

  • Sans famille (Marc Allégret, 1934)

Interprète poignant pour Poil de Carotte (Duvivier, 1932), Robert Lynen rempile en Rémi dans ce mélo de studio sachant aussi s’aérer ; si Malot relit en partie Dickens, Marc Allégret amincit le roman et livre un film plutôt plaisant, pas seulement destiné aux enfants, à base de filiation, d’éducation, de renonciation, au picaresque jamais pathétique, aux animaux pas sots, au gendarme à vomir et aux amis de hasard à chérir, avant de retrouver, enfin, Maman.

  • Shepherds and Butchers (Oliver Schmitz, 2016)

Téléfilm de luxe plutôt bien écrit et interprété, notamment par Steeve Coogan en avocat abolitionniste et Garion Dowds en bourreau traumatisé, qui parvient un peu à renouveler la perspective « raciale » en l’incluant au cœur du système carcéral, par nature inégalitaire, surtout dans l’Afrique du Sud des années 80. Certes, l’œuvre en Scope esthétise assez la pisse, le sang ou le vomi, tant pis, et enfonce des portes ouvertes à propos du cercle en effet infernal des violences étatiques, politiques, névrotiques, mais elle n’omet pas la place des victimes, réussit deux scènes d’émeute et d’enterrement, repose en partie sur une belle idée de cinéma sonore, pléonasme, l’association d’une trappe fatale et d’une portière mortifère...

  • Skeleton Crew (Tommi Lepola & Tero Molin, 2009)

Méta finnois plutôt sympa. Le tandem derrière la caméra maîtrise la mise en abyme et le métrage à tiroirs s’avère soigné, à défaut d’être révolutionnaire. Placé sous le signe d’une partie de la filmographie de Carpenter, t-shirt inclus, ce titre passé assez inaperçu ne mérite ni mépris ni indifférence, car il respecte les personnages et les spectateurs, même mécontents in extremis. En résumé, une plaisante surprise documentée, drolatique, adulte.

  • Les statues meurent aussi (Ghislain Cloquet, Chris Marker, Alain Resnais, 1953)

Bien avant Les Herbes folles, Resnais, alors accompagné de Marker + Cloquet, s’occupait de « botanique de la mort ». Avec le support d’une revue spécialisée, il délivre en virtuose une leçon d’esthétique, de politique, de cinéma chorégraphié, censuré. La caméra enlace les statues ressuscitées par le double regard orienté, les archives tendent à démontrer un point de vue documenté à la Vigo, charge toujours valable contre le colonialisme et le capitalisme. Plus secrètement, ce pamphlet brillant et brûlant interroge sur l’altérité radicale, la fraternité d’outre-tombe, la dégradation d’une culture et la possible parité des êtres par-delà la « répression » commune et la différence superficielle, fantasmée, des couleurs d’épiderme. Ni angélique ni statique, le film du tandem propose un poème temporel, étudie un art inséparable du cosmos, espère une rencontre sans pittoresque et sans (dé)illusions.

  • Swinging Safari (Stephan Elliott, 2018)

On décida de subir ceci pour la précieuse Kylie, presque méconnaissable en alcoolique mutique, en mère urophile de gamine médusée, au propre, au figuré, qui retrouve son voisin de TV préféré, l’éclectique Guy Pearce, qui accompagne Asher Keddie, Radha Mitchell, ici brunie, Julian McMahon & Jeremy Sims. Hélas, la chronique adolescente un brin attristée, gentiment méta, assortie d’une satire sexuelle vintage, à base d’échangisme séparateur, des fellations en série de la sister, en sus d’un cétacé échoué, explosé, n’amuse jamais, mise en images sans une once de personnalité par le signataire du succès Priscilla, folle du désert, du boudé Eye of the Beholder, vrai-faux remake inepte du Mortelle randonnée de Miller. La destruction de conclusion, idem au ralenti, rappelle Antonioni à Zabriskie, tandis que la moralité consensuelle paraphe l’inanité de l’entreprise. Oui au ciné d’Australie, pas à celui-ci.

  • Le Temps perdu (Michel Brault, 1964)

Mélancolie canadienne francophone au carrefour du documentaire et de la fiction, par l’une des figures majeures de la trop méconnue cinématographie québécoise : une héroïne de quinze ans, dont un carton explicite le mystère ontologique, se souvient en hiver de son last summer de baby-sitter, à papoter avec ses potes, à se séparer de garçons pas cons, eux-mêmes préoccupés de similaires sujets, l’amour, la mort, le mariage, l’existence de Dieu, amen. Le Temps perdu ne fait pas perdre le sien au spectateur curieux, car il conserve depuis cinq décennies sa fraîcheur, sa spontanéité, sa sensualité féminine et montréalaise. Film libre et film intime, film de neige, de pluie, de soleil pour des jeunes filles en fleurs, il tourne autour de Céline Bernier, belle et brune sylphide nostalgique à l’orée de sa vie, de ses envies.

  • Tetarti 04:45 (Alexis Alexiou, 2015)

Polar grec certainement pas financé par l’OTSI d’Athènes, à l’imagerie trop proprette et aux prétentions sociologiques de produit européen pour chaîne franco-allemande dite culturelle ou festival auteuriste, mais nul ne confondra ce Stelio-là avec le Cosmo de Meurtre d’un bookmaker chinois, voilà. Avec sa lumière léchée, ses cadres au story-board, sa chronologie d’agonie, le métrage manque d’âme et de mouvement. Dommage, car sous la baise avec jeunette surcadrée au Scope, en filigrane de la fusillade finale au ralenti en pleine pluie, se laissent entrevoir deux ou trois scènes de vérité, de vitalité, par exemple la colère narquoise albanaise, sa rime féminine polonaise, quelques secondes de rencontre, de tendresse, dans un univers de désespérance et de violence, lacet noué à la manière maternelle, protection de rejeton roumain + chansons mélancoliques. Reste un double sapin incendié, folie du pays.

  • Thanatomoprhose (Éric Falardeau, 2012)

Putréfaction arty par un Canadien apparemment traumatisé par La Mouche, le pauvre ; dès les premiers plans, la pose et l’ennui s’installent, si bien que le silence immobile du squelette au cri coupé net constitue un soulagement. Sous la défiguration lourdement réflexive, totalement désincarnée, sous le symbolisme de maternelle, fissure vaginale au plafond, se cache en réalité une pitrerie puritaine déguisée en furie féministe. Restons-en à Répulsion

  • Toute la mémoire du monde (Alain Resnais, 1956)

Filmée par Resnais, musiquée par Jarre (Delerue dirige), éclairée par Cloquet, la « Nationale » devient une forteresse studieuse, une ruche silencieuse, un vaisseau immobile et un espace wellesien. Ce thriller littéraire, suspense expressionniste à propos du passé, de la muséification du monde embaumé, rassemblé, n’oublie pas le présent d’avant, témoigne des esquisses de numérisation, détaille la méthodologie de l’acquisition, du catalogage, de la mise à disposition des ouvrages. Harry Dickson côtoie Zola, Mandrake Dürer, un rare Rimbaud de gros Hugo. Organisée, sans cesse en expansion céleste ou souterraine, la bibliothèque à la Borges, à la Babel, constitue en autarcie cosmopolite une sorte de cité idéale, dont la raison d’être réside au final dans… le bonheur. Pardonnons à l’auteur flanqué de Forlani cette petite faute de goût et savourons la visite anatomique, guère anachronique.

  • La Vague (Dennis Gansel, 2008)

Téléfilm à la finesse kolossale, au succès en salles, qui confond éducation et didactisme, qui délocalise en Germanie aisée le récit romancé d’une démonstration US, qui se conclut sur un meurtre, un suicide, une arrestation, cessez d’en jeter, please. En réalité, le réalisateur du supportable Napola (2004) ne vise pas plus haut que la représentation pasteurisée de MJC, la théâtralité du final en rime à la mise en scène de la pièce inaugurale, Dürrenmatt à la rescousse maousse. Le sieur Gansel ne semble point percevoir l’universalité du fascisme, tandis que les deux opposantes bien-pensantes, effet pervers involontaire, suscitent l’antipathie. En Allemagne ou ailleurs, on ne fait jamais de bons films avec de bonnes intentions et quitte à donner dans le sport politique, pléonasme, on en restera à Palombella rossa (Moretti, 1989). Demeure donc une distribution solide, que domine le valeureux Vogel.

  • Vengo (Tony Gatlif, 2000)

Belle ouverture obscure de cérémonie soufie en Andalousie, puis l’estimable Tony Gatlif s’égare vers le mélo anémié, à base d’oncle endeuillé, de neveu handicapé, de conflit clanique conclu au couteau, tout ceci, en réalité, transparent prétexte à une tapisserie de numéros musicaux, heureusement filmés à l’unisson de leur irrésistible énergie. Demeure donc un goût de gâchis, si rédimé par la découverte de la douce sensualité de Maria Faraco…

  • Wild (Nicolette Krebitz, 2016)

L’onirisme de cunnilingus lupin et l’onanisme musical sur rampe d’escalier, il fallait y penser… Sinon, l’ouvrage si sage, jamais sauvage, se vautre vite dans le vide d’un court étiré, au féminisme marxiste de supermarché, coprophilie de Germanie incluse, un salut au Wenders lui-même merdique de Au fil du temps. Laissons à Sundance cette camelote falote de mélo bobo et Ania aux faux airs d’Alice à son terrier devenu vide-ordures, préférons les félines de Tourneur/Schrader ou la compagnie d’Angela Carter & Jordan, trio point relou, lui.

Commentaires

  1. Questions pour un champion de cinéphilie :
    https://elephantcinema.quebec/video/dossiers-exclusifs/les-beaux-souvenirs/1265109161001/barbara-ulrich/1242039533001

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