Le Sadique à la tronçonneuse : Body Puzzle
Origine(s) du monde, même immonde, versus
obsession(s) de saison, à la con.
Bonne introduction à Boston, en 1942,
bon Dieu : un minot fait en solo un puzzle
presque porno, quand sa maman, à côté de laquelle la Margaret White de Carrie
au
bal du diable (De Palma, 1976) paraît un modèle maternel, déboule et le
brutalise, tu ne vaux pas mieux que ton père, misère, apporte-moi la poubelle,
putain, que j’y déverse les ordures onanistes acheminées à mon insu dans ta
chambre. En guise de sac, elle écope de coups de hache en pleine face, hélas.
Plus tard, sur un campus, ça trucide
sec, les têtes pensées pensantes se découpent presto, décapitations et
ablations en série, sur pelouse, après une suée. L’assassin, personnifié en
POV, suit une idée fixe : assembler les membres amputés afin de finir le
montage initial, de contempler pour de vrai l’image fragmentée, furieusement
freudienne, épargnons au lecteur le symbolisme de l’outil favori de Leatherface
(Massacre
à la tronçonneuse, Hooper, 1974) & Tony Montana (Scarface,
De Palma, 1983), précisons à la lectrice que l’une des victimes juvéniles voit
son crâne traversé par la lame phallique d’un couteau de giallo, dont la pointe
dépasse de sa bouche ouverte, fellation inversée reprise plus tard via la levrette d’athlète de Pervert!
(Jonathan Yudis, 2005). Que les cinéphiles affiliées aux Femen ne s’horrifient,
le réalisateur ne s’appesantit pas sur ces horreurs, quoique, et le personnage
de la femme flic rééquilibre le jeu de rôles sexué, quand bien même elle assistera,
paralysée, impuissante, littéralement terrassée, au duel des mâles, l’étudiant
entiché venu en renfort contre le directeur d’université traumatisé. Pièces de puzzle ou pièces d’anatomie (professeur
un temps suspecté), le film affiche une énigme policière (de slasher) et psychologique (de mère).
Dans le sillage d’une décennie à la
fois féministe et classée X, l’imagerie de taillage, de lacération, de
pénétration, se réinvente, matérialise une matrice de supplices, la génitrice
hissée au statut de responsable infernale, idole adorée, dévastée, à
prolonger/profaner en chaque femme croisée, convoitée, massacrée. Vendredi
13 (Sean S. Cunningham, 1980) fonctionne sur un similaire schéma mélodramatique,
gentiment et violemment misogyne, puis les suites mécaniques sur la folie d’un
fils au puritanisme implicite, hérité. Si le sexe s’avère une saleté,
supprimons celles qui inspirent (ou diabolisent) le désir, sophisme imparable à
défaut d’être priapique, quel hic. Scénariste-réalisateur assez obscur,
désargenté, assujetti à son Espagne natale, ses frasques filmiques préférables
à celles, sinistres, d’un Franco falot (et phallo), Juan Piquer Simón, outre se
souvenir de Dario Argento, du look au
chapeau de The Shadow, du Grand-Guignol assaisonné à la sauce espagnole, semble
anticiper Murder Rock (Fulci, 1984) et ses danseuses anecdotiques respirent
l’aérobic des années 80, période de réappropriation du corps féminin, physique photogénique des formes en forme, à l’ombre fluorescente, transpirante, du
capitalisme reaganien, rythmé, comme une réponse hygiéniste à l’avènement de la
pornographie domestique, merci à la VHS sans complexes. Miroir (un salut à David
Warner dans La Malédiction, Donner, 1976), piscine (un salut à Jessica
Harper dans Suspiria, DA, 1977), ascenseur (un salut à Angie Dickinson dans
Pulsions,
De Palma, 1980), waterbed (un salut à
Melanie Griffith dans Body Double, 1984) ou toilettes (un
salut à Deborah Everton dans Blow Out, 1981), tout convient au
taré enfantin, tout conspire à reconstruire le cadavre, en écho à celui,
momifié, de Psychose (Hitchcock, 1960). En finirons-nous jamais avec nos
mères, amères, aimées, vénères, vénérées ? Certes moins fétichiste que le
protagoniste de Él (Buñuel, 1953), notre doyen guère serein, vrai-faux témoin
planqué dans son placard, envisage un ultime outrage, couper les pieds de
l’inspectrice sous couverture.
La dernière scène renverse la
perspective psychotique, masculine, exterminatrice, purement pragmatique – le
tueur ne viole ni ne torture, il veut juste mener à terme le mimétisme de la
muse obscène, ranimer ici et maintenant la dépouille de sa maman, quitte à la
pénétrer ensuite, dépourvu d’outillage électrique – puisque l’ersatz de La Fiancée
de Frankenstein (Whale, 1935), secret de closet ouvert, preuve à vomir tombée sur l’assistant estudiantin,
se redresse et, à main nue, crochue, incroyable, le castre ! Pendant que
Madame & Monsieur George font équipe aussi sur l’écran, que Paul Smith,
appelé Willard (bonjour à Ben) s’amuse et nous amuse, bientôt déchaîné, molto
cartoonesque, selon Mort sur le grill (Raimi, 1985), on savoure, sidéré, un instant
de kung-fu au féminisme absurde, une partie de tennis pas particulièrement inspirée par l’épilogue de Blow-Up
(Antonioni, 1966), titre qu’une vaseuse universitaire revisita récemment en
insupportable sommet de machisme misérable, rien que cela. Le Sadique à la tronçonneuse
(1983) s’achève ainsi sur le cri d’un homme aimable, embrassé par l’intéressée,
baisé par l’ensemble monstrueux des clamsées, arrêt sur image en forme de
présage, les mecs, désormais, en 2018, de manière médiatique, réduits à des
prédateurs dignes d’être muselés, émasculés, non plus seulement poursuivis en
privé, en justice, légitimement, pour des comportements de facto condamnables. L’épuisante guerre sexuelle rassie relancée,
les ventes de matériel forestier devraient donc s’envoler, en rime contrariée aux
gros véhicules urbains conduits par de pitoyables parvenues, histoire de
satisfaire leur aspiration au pénis, ma miss
complice.
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