Ben : Ratatouille
Couineur des villes, point des champs, affligeant, à réserver aux
enfants.
Amoureux des rats, voilà un
(télé)film fait pour toi. Comme la suite de Halloween (Rosenthal,
1981) enchaînait directement sur les événements du premier, Ben
(1972) développe Willard (Daniel Mann, 1971, un salut à Sondra Locke) pendant le
prologue puis portraiture un gamin malade, cardiaque, qui va devenir l’ami, et
réciproquement, du rongeur homonyme. Parallèlement, le troupeau des bestioles à
poil sème la pagaille au pays de l’Oncle Sam, spécialement au rayon céréales
d’un supermarché pas assez symbolique et au sein d’un spa assez drolatique, où
les figurantes en plein effort ne ménagent pas leurs efforts imitatifs
d’hystérie collective. Le mioche possède une sister en la personne de la juvénile Meredith Baxter, bientôt
vedette de TV. Elle évoque vite la Midge de Sueurs froides
(Hitchcock, 1958), similaire et différenciée styliste à domicile. N’oublions
pas de signaler un simulacre du personnage pathétique plutôt qu’empesté,
puisque la maisonnée abrite un théâtre étoffé d’une marionnette à l’effigie du protagoniste
quadrupède. Les bipèdes, en uniforme, moins sentimentaux que le marmot,
s’échinent à traquer la meute, à lui faire sa fête en direct, directement, stratégiquement
et finalement sur leur territoire disons naturel, égouts à la It’s
Alive (Cohen, 1974) davantage qu’aux Misérables (Hugo, 1862).
Des lance-flammes, fichtre, permettront de faire un raticide joli, presque
cinégénique. Mais rassure-toi, adepte de la SPA, tout se terminera bien pour
Ben, rescapé, récupéré, soigné par son petit hôte/pote concluant l’entreprise
d’une double promesse de guérison en stéréo, de quoi donner envie au cinéphile
sensible d’utiliser son kleenex. In extremis plutôt qu’extrême, la scène se
déroule sur la chanson sucrée de Don Black & Walter Scharf, susurrée par un
certain Michael Jackson, alors âgé de quatorze ans, et paraphe la nature
ouvertement mélodramatique, voire régressive, du métrage très sage.
Il s’agissait, semble-t-il, de
capitaliser sur le succès surprise, estival, de l’opus originel, de rajeunir le héros, ou anti-héros, de substituer au
père absent une figure de confident, à museau humide. Pas si curieusement et
sans verser dans la sociologie stérile, Ben rime par conséquent, à sa
modeste mesure, avec L’Exorciste (Friedkin, 1973) sur le
point de surgir. Les deux films affichent une famille monoparentale et un
fantastique trivial. Si Hurricane Billy, en dépit des prières de William Peter Blatty,
se refusa à commettre un tract pour
l’Église catholique, y compris au moment de la ressortie redux (2001) assortie d’un dialogue explicite entre les deux
prêtres, t’inquiète, Karras, tout arrive à dessein, à bon escient, voies
seigneuriales pas tellement impénétrables, Il nous teste et atteste ainsi, de
manière inversée, outrée, blasphématoire, par ici les dollars, de Sa présence rassurante, de Sa miséricordieuse amnésie,
cf. l’épilogue immaculé, bien qu’endeuillé, Phil Karlson, par ailleurs auteur
d’un mineur Matt Helm, agent très spécial (1966, un salut à Sella Stevens),
livre un titre a priori horrifique,
en réalité capable de passer pour une publicité lacrymale commanditée par les
défenseurs de la cause animale. Dans les années 50, imprégnées de paranoïa
atomique, peuplées d’un bestiaire de drive-in,
je renvoie vers Them! (Gordon Douglas, 1954, itou situé sous terre), pareille
parabole laïque mettait en garde contre l’hubris scientifique et la menace
géopolitique ; Joe Dante saura rendre avec justesse et tendresse ce climat
de papa via Panic sur Florida Beach
(1993). Vingt ans après, arrière, mousquetaires de Dumas, le mal s’installe en
ville, exit le désert liminaire, il
métaphorise la marginalité (la banalité) d’un gosse houspillé, solitaire, l’impuissance
d’une mère célibataire, fissa dépassée par le récit et les dénégations de son
avorton, à l’instar de la police réglant in
fine la situation intenable, en tout cas pour les preneurs de
petit-déjeuner, pour les matrones en train de suer, de façon forte, fascisante,
par le feu purifiant, comme naguère les pionniers-colons avec leurs armes (ou
leur « eau ») à feu fatales aux natives.
D’une altérité à l’autre, l’Amérique
rejoue ad nauseam son drame
historique fondateur et, délectable ironie, elle ressemble elle-même à
Nosferatu, porteur de peste européen célèbre, dont Colomb paraît un avatar de
hasard, un présage tout sauf politiquement correct, désormais abject, ave Rivette.
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