Rio Grande
Un métrage, une image : Zumiriki (2019)
Filmer ? « Vivre deux
fois ». Ce film ? « Un garde-fou ». Muni de multiples
caméras, « yeux de la forêt » tout sauf ceux de Disney (John Hough, 1980),
quoique, notre naufragé point affligé, sorte de sauvage volontaire, partage une
parenthèse douce-amère. Île liquide, enfance enf(o)uie, dernière nuit à la
bergerie, aphone fin de vie : tout ceci pourtant se situe du côté de l’envie,
ne gémit en nostalgie. Prosaïque, poétique, un peu drolatique, guère
dogmatique, l’ouvrage renverse le barrage, ranime les images, celles,
paternelles, des home movies documentaires, celles,
originelles, du tout premier film basque non sonorisé, donc muet, bruité de
manière exemplaire par trois corps en parfait accord. La leçon de
synchronisation, de résurrection, outre constituer un petit traité méta, à trio
de voix, symbolise la sensorialité, la sensualité de l’ensemble. Cette solitude
ne verse vers l’hébétude, le temps arrêté, à la Tarkovski scellé, palpite, tant
pis pour la pendule aux secondes supplémentaires surprenantes, cohérentes. À
proximité de l’ermite hispanique pseudo-insolite, moins misanthrope que la
plupart des urbains pas un brin sereins, le monde poursuit sa course à
distance, à vélo. Vendredi évanoui, demeurent un mystérieux visiteur, des
saveurs, un décor, la faune, la flore. La mémoire du passé au carré,
éprouvée, enregistrée, au lieu d’enterrer le présent le rend immanent,
donne à le redécouvrir avant de mourir, dans sa clarté d’orée, dans son
obscurité bleutée. Le témoin silencieux écoute Tosca, lit de la poésie,
disparaît afin de se réapproprier une présence explicite, de lexique, jamais
autarcique, tant la singularité assumée, identité à autrui adressée, s’ouvre en
définitive sur l’universalité, Pagnol opine. Comme si Le Projet Blair Witch (Daniel
Myrick & Eduardo Sánchez, 1999) s’entichait d’ethnographie, ce voyage
immobile renvoie vers l’individualisme stimulant, émancipé, d’un Cavalier,
autre homme-orchestre de « miracles » intimes, infimes. Quant à
l’ultime dédicace, à une tante décédée, elle raccorde le temps et l’espace, du Ciel
et de la mortelle émouvant montage. Le hasard n’existe pas, surtout au cinéma,
à contre-sens d’une essentielle nécessité, d’une naturelle trinité : se
mouvoir, (s’)émouvoir, encore croire.
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