Les Fantômes de Hurlevent : La Maison des mille morts
Marguerite antique ? Traité d’actualité…
Antonio Margheriti s’auto-remake en
couleurs, sa caméra mobile, comme envahie par l’ivresse, en véhicule la
vitesse. Film méconnu, mal aimé, y compris par le principal intéressé, bien sûr
comparé au précédent, à son détriment, Danse macabre (1964), Les
Fantômes de Hurlevent (1971) possède, pourtant, plusieurs arguments, en
sa faveur de frayeur. Il s’agit, en résumé, d’un item méta, d’une mise en abyme de l’imagerie, d’un huis clos claustro
de sperme, de sang, où discerner un Bal des maudits (Edward Dmytryk,
1958), où découvrir un Bal des vampires (Roman Polanski, 1967). Romancier meurtrier bientôt chez Dario Argento (Ténèbres, 1982), déjà au
centre (de la toile) d’un titre « animalier », en témoigne
l’arachnéen étau de l‘intitulé en VO, à savoir Nella stretta morsa del ragno,
tradition datée de la décennie en Italie, l’intense et souriant Anthony
Franciosa veut papoter en compagnie de Poe, caméo alcoolique, mélancolique, de
Klaus Kinski, car co-production franco-italienne avec la Germanie, racontant et
recomptant les dents de Bérénice, philosophant à propos du trépas féminin,
sujet suprême, plaisant poème. À défaut d’un entretien serein, salut au
journaliste malvenu, mordu, d’Anne Rice, Foster fait un pauvre pari, un pari de
pauvre, passer un soir, au sein de la Toussaint, parmi le manoir du comparse Blackwood,
clin d’œil inclus au spécialiste Algernon, of
course. À l’instar de son solitaire confrère, le reporter de Shock Corridor (Samuel Fuller, 1963),
il y frisera la folie ; en écho à l’invisible anti-héros de L’Invention
de Morel, il y assistera, fissa, à un spectacle passé, sans cesse (re)joué,
à un vaudeville parti en vrille, tragi-comique et, bien sûr, un brin lesbien…
Survival à
domicile, réflexif exercice de style, ouvrage valeureux, envasé, à la
temporalité itérative, ralentie, au propre, au figuré, cf. la fuite finale,
très dilatée, Les Fantômes de Hurlevent définit, en définitive, le
« cinéma fantastique », pas seulement transalpin, ni estampillé
gothique, en train (à) fantôme(s), en jeu mortel, Bruce Lee ne le nie, en défi
de toute façon faussé, on sait tous comment ça (se) finit, on se doute, dès le
début, gare à la grille, sympathique imbécile, que Franciosa ne s’en sortira
pas (vivant), de ce mausolée-là, de cette métaphysique salle de cinéma, lieu
poussiéreux, plutôt qu’amoureux, acte de décès, à l’orée des seventies, d’un courant d’antan, so sixties.
Exit l’emblématique Barbara Steele,
(re)voici l’aimable, mésestimée, Michèle Mercier, pronto perruquée, en blond
vénitien, poursuivie, en vain, par les opulentes assiduités de la fidèle Karin
Field. Mentionnons, en sus, la présence d’un docteur de malheur, maître de (sombre)
cérémonie, ami-ennemi muni d’un miroir (poesque portrait) ovale chipé au Servant (1963) de Joseph
Losey, accessoirement coupeur de serpent, que n’accomplirait-on en scientifique
démonstration, n’en déplaise à la SPA, Ruggero Deodato s’en souviendra (Cannibal
Holocaust,
1980), le regrettera, mea culpa.
Co-écrit par le frérot de Sergio (Corbucci), musiqué par le creepy, néanmoins romantique, Riz
Ortolani, Les Fantômes de Hurlevent évacue Emily (Brontë), tant mieux,
tant pis, transforme la Faucheuse en sévère spider,
détourne in extremis le jardin des
délices en celui des sévices. L’au-delà existe ? Les contes documentent le
réel ? Peut-être, pourquoi pas, pari pascalien, tiens, peu importe, puisque
l’art funéraire des filmographies prophétiques autorise la catharsis,
revalorise vos vies, vous redonne en ligne, durant la nuit, envie d’être en
vie, voui.
Moralité de l’immobile odyssée, du
voyage mental : il convient d’aller s’aérer, loin du musée de l’espèce, de
s’extraire du piège en fer de La Vierge de Nuremberg (Margheriti,
1963), femme en effet fatale, infernale, en métal létal, contre la froideur de
laquelle décider, perdu, rédimé, de se réchauffer, en société, auprès des
impitoyables et cependant si magnanimes Michèle & Karin, CQFD lucide de
fable affable, à la Henry James verrouillée.
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