Black Candles : Orgie en noir
Soufre et sperme, cire et sang…
Madame rêve ad libitum
Comme si c’était tout comme
Dans les prières
Qui emprisonnent et vous libèrent
En vive voiture, en pleine nuit, en
petite compagnie, son Robert, latiniste désabusé, ancien du séminaire, avec
elle arrivé en Angleterre, sa belle-sœur esseulée, endeuillée, séductrice,
conductrice, Carol se met à songer : Black Candles (aka Los ritos sexuales del diablo, José Ramón Larraz, 1982) met en
images d’un autre âge son rêve érotique, exotique, à la semblance britannique, à
la trompeuse panoplie patronymique, de production hispanique. Comme la Laure/Lily
un brin Marat, plutôt assoupie, because
pause de baignoire, pré-histoire dans le brouillard, de Femme fatale
(Brian De Palma, 2002), elle se réveillera, elle revivra les événements
d’avant, spectatrice puis actrice du film de sa vie, voui. Mais moins optimiste
que la prolongée, précipitée, apaisée, punaisée coda du De Palma, celle de ce
métrage-là reste ouverte, suspecte, à vous de décider, en définitive, si
l’héroïne se retrouve bel et bien prisonnière d’un diabolique repaire, ou
touriste en inoffensif transit. Cependant le prologue fait peser la balance
vers la malchance : son frère adultère, dégarni, y décédait, allongé,
alité, chevauché par une jeune inconnue bienvenue, au même instant transpercé à
distance, parce que poupée vaudou reloue, quel drame, (Ma)dame ! Tout
autour du beau trio, molto catho, forcément infernal, gravitent des satellites
étranges, loin d’être des anges, en sus déchus, entourage préoccupé d’héritage,
aréopage occupé à commettre de sombres et délicieux outrages, à la bestialité
assumée, au propre, au figuré, puisque la coupable précitée, de bas noirs
habillée, s’accouple à un bouc, OK, puisque un renégat moustachu,
miséricordieux, y subira, mon Dieu, un supplice au sabre, son anale (létale)
intimité, pantalon fissa baissé, en goguenard et vicelard comité, aussi
traumatisée, davantage, car sanglant divertissement, que la « citadelle d’intégrité »,
jadis assaillie au désert, par un Turc very
vénère, d’un certain Lawrence (d’Arabie, David Lean,
1962).
Si le misogyne Robert, qui ne croit
aux « contes de bonnes femmes », qui en simples « hystériques »
considèrent les sorcières de naguère, apprécie la pipe, fumée, fellation,
choisir, à quoi bon ?, le pseudo-révérend, point dément, appelé Hooper,
Tobie applaudit, domine la secte, ses membres du « deuxième sexe »
inspecte, pénètre, incarnation à ongle long, modèle De Niro (Angel
Heart, Alan Parker, 1987), disons, de l’Adversaire d’hier. Psychodrame
du désir déguisé en démonstration de démonologie, Black Candles se
caractérise par la beauté de ses actrices, de ses cadres, de sa direction de la
photographie, due au doué DP Juan Mariné, à l’ouvrage sur le contemporain,
recommandable, Le Sadique à la tronçonneuse (Juan Piquer Simón, 1982), par sa
texture onirique, sinon ironique, d’item
mental, (de « roman) familial », de satire sociale, aux satanistes bourgeois,
voire l’inverse. Tout ceci certes séduit, toutefois, sous la surface jamais
dégueulasse, pour « l’exploitation », notion à la con, idem du ciné classé homonyme, renvoyons
vers les vraies victimes du capitalisme, please,
exploitées au quotidien, pour rien, se dessine un portrait de femme
fréquentable, tourmentée, désirante, désirable, désirée, bien porté par la
valeureuse Vanessa Hidalgo, bien entourée par Helga Liné (Les Amants d’outre-tombe,
Mario Caiano, 1965, Kriminal, Umberto Lenzi, 1966, un tandem d’Almodóvar, Le Labyrinthe des passions, 1982 + La
Loi du désir, 1987) & Jeffrey Healey (un seul titre au compteur,
mon cœur). En quatre-vingts minutes précises, presque exquises, le cinéaste
esquisse ainsi une silhouette peu obsolète, moins encore obscène, en outre
élabore un catalogue à la Sacher-Masoch, à base de voyeurisme, onanisme,
inceste, c’est-à-dire onirisme au carré, végétal, ensoleillé, effet de
déréalité renforcé par la postsynchronisation anglophone, de saphisme, de
zoophilie, de sodomie, à langues apparentes, à pubis pileux, agrémenté d’un collier à cailloux volé, d’un crucifix
au cou décroché, d’un corbeau à la Poe, d’une tisane très spéciale.
Ni ersatz post-franquiste du sardonique Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1968), ni cauchemar mortel, utérin, franco-yougo, à la Clash (Raphaël Delpard, 1984), Black Candles illumine par conséquent, de sa lucide obscurité, de ses bougies enténébrées, une âme endormie, égarée, Petit Chaperon rouge à petite culotte blanche cerné, encerclé, par une meute de loups et de louves finalement plus magnanime que son homologue métaphorique, politique, de Anna et les Loups (1973), du compatriote Carlos Saura. On (m’)objectera, féministe ou pas, que Carol se fait in fine violer, par le risible et obsédé sorcier, mise en scène de mise en abyme ; Freud s’en fiche, affirme que les rêves, « humides » ou pudiques, réalisent nos désirs, les meilleurs, les pires, louables ou inavouables. Cela, oui-da, ne légitime nulle agression, ceci sonde, avec une mesurée virtuosité, la profondeur effarante d’une féminine libido, à rendre les multiples mecs marteaux, pitoyables, prévisibles, vite excités, vite satisfaits. Carol, consœur fragile, forte, enfantine, folle, de la rêveuse malicieuse, soyeuse, d’Alain Bashung, (ardente) Fanny (Ardant) fiévreuse, fantomatique, « mère admirable », miroitée, mise en musique par Bertrand Burgalat, écoutez-là, manie suivant sa manie, en pur esprit, au cœur du décor, au creux de son corps, des « formes oblongues », accomplit plus d’une heure « de voltige à plusieurs », amitiés à la regrettée Marylin Chambers, perchée sur le trapèze à l’aise de Derrière la porte verte (Artie & Jim Mitchell, 1972). Elle vous attend, elle vous apprend, grands garnements, elle vous invite, elle vous incite, sveltes lesbiennes, graciles, à domicile. Oserez-vous correspondre à son courage, y compris à contrecœur ? Saurez-vous lui rendre hommage, à la façon de votre serviteur, devant un écran dénu(d)é de peur ? Visitez-la, visionnez-la, pour elle ne priez pas...
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