Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été : The Lobster


Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Lina Wertmüller.


Bercé par la bien belle bossa du maestro Piero (Piccioni), le spectateur auditeur découvre donc une comédie mélancolique, un item touristique, un opus politique. Une année après Film d’amour et d’anarchie (Lina Wertmüller, 1973), au sujet duquel j’écrivis aussi, la réalisatrice reprend le même couple impeccable mais à présent prend la mer amère. Mariangela Melato & Giancarlo Giannini possèdent tous deux des yeux verts, des silhouettes sveltes, pourtant « la Lina » ne les « casta » pour cela, quoique. Ces castaways annoncent ceux de Castaway (1986), justement, certes délestés des inserts infects de Nic Roeg. Pas de pourriture des corps pour perturber la parenthèse utopique, supposée « enchantée », époque oblige, plutôt l’improbable rencontre entre des avatars « à la dérive » d’Adam & Ève, de Robinson & Vendredi. Comme si La Mégère apprivoisée convolait avec Nous ne vieillirons pas ensemble (Maurice Pialat, 1972), Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été (Wertmüller, 1974) ressemble à une vraie-fausse scène de ménage diluée disons durant deux heures, mon cœur. Par charité cinéphile, par respect envers Madonna en Evita (Alan Parker, 1996), chez Abel Ferrara (Snake Eyes, 1993), on ne dira rien ici, pas si sorry, à propos de À la dérive (Guy Ritchie, 2002), bis, remake inepte commis par son mari d’alors, en compagnie du propre fils de Giannini. Travolti da un insolito destino nell’azzurro mare d’agosto, appréciez au passage le titre programmatique, euphonique, sa forme passive, l’étrangeté colorée de son fatum maritime, témoigne de son temps, de ses changements, de ses affrontements, dont on ressent toujours le ressac occidental, européen, presque cinquante ans plus tard. Hélas, cette croisière s(c)olaire fait sourire autant qu’elle indiffère.



Malgré le solide, drolatique, délectable tandem précité, l’ouvrage de visages, de paysages, frise en effet le naufrage. Ni marxiste ni misogyne, en dépit des reproches des myopes, Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été s’avère vite une entreprise sympathique, anecdotique, conflictuelle, superficielle, une « bluette » guère suspecte, jamais experte. Dès le début, on devine comment finira l’idylle-bisbille de Gennarino & Raffaella. La cinéaste/scénariste essaie de dynamiser, sinon de dialectiser, le schéma de la « comédie sentimentale » hollywoodienne, basée sur la fameuse, fastidieuse « attraction-répulsion », de moderniser l’essoré « je t’aime moi non plus », amitiés à qui vous savez, au moyen peu serein de la « lutte des classes », de la « guerre des sexes », au secours, mon amour. Moins porté sur le beurre à tartiner, « l’analité » allongée, que le Marlon Brando du Dernier Tango (à Paris, Bernardo Bertolucci, 1972), le « communiste » énamouré ne comprend point la supplique sodomite[1] de la « capitaliste » conquise. Auparavant, il évitait de la violer, sa culotte en plan large ôtée, olé, relecture revue, corrigée, d’une célèbre séquence scandaleuse, audacieuse, de l’enragé Les Chiens de paille (Sam Peckinpah, 1971). Le « principe de plaisir » coupé court par un providentiel navire, nos tourtereaux sado-masos, duo de trop proches opposés locaux, « Nordiste » + « Sudiste » rousseauistes, vice versa, voilà, fissa se confrontent à celui dit « de réalité », eh ouais. Cendres de romance, de transcendance, sur terre, victoire du désespoir, à boire. Tout ceci pourrait sembler sensuel, cruel, intrépide, lucide : en vérité, l’œuvre s’évapore, invalidée par sa vacuité, mésaventure tragi-comique de « coquilles » creuses, pas assez « creusées », incarnées, mirage d’images.




[1] Dans Irréversible (Gaspar Noé, 2002), Vincent Cassel murmure à l’oreille de Monica Bellucci qu’il veut l’« enculer » ; elle lui sourit, se moque gentiment de son manque de « romantisme », elle ne sait pas, contrairement au spectateur de son supplice inversé, que l’épouvantable Joe Prestia exaucera ce souhait refusé…

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