Le Dernier Jour de la colère : Légitime violence


 « Mondo cane » au carré, de « chiens » à châtier, de « chien » à « caresser »…


« Fils de pute » au sens propre de la sale insulte, Giuliano Gemma ramasse la merde des membres méprisants de la « meilleure société » de sa cité texane très vile, trop tranquille. Sisyphe des immondices, le « bâtard » balaie, encaisse, économise, se rêve en « gâchette » experte. Ami avec le « ravi » du village, borgne lui-même malmené, José Calvo on reverra dans Texas (Tonino Valerii, 1969), Tristana (Luis Buñuel, 1970), il doit sa dextérité à un ex-shérif désormais désarmé, recalé à l’écurie, revoilà Walter Rilla, papa de Wolf, of course. Soudain surgit le sieur Talby, c’est-à-dire le vénéneux Lee Van Cleef, créancier légaliste aux « leçons » cyniques, ensuite « ange exterminateur » à la Jim Thompson puis petit capitaliste in fine défié en duel par son fils « putatif ». Opus œdipien peuplé de « figures paternelles », paternalistes, Le Dernier Jour de la colère (Valerii, 1968) aussitôt séduit en raison de sa densité, son intensité, son tumulte adulte. Il s’agit donc d’une réflexion en action(s) sur la violence, sa transmission, ses conséquences. « Beau gosse » pas une seconde narcissique, acteur de valeur sous-estimé, par ailleurs apprécié chez Luchino Visconti (Le Guépard, 1963), Bernard Borderie (Angélique, Marquise des anges, 1964), Valerii (Texas), Valerio Zurlini (Le Désert des Tartares, 1976) ou Dario Argento (Ténèbres, 1982), Gemma se métamorphose, passe du « sourire éclatant » à l’harmonica mélancolique, amitiés mélomanes au tandem formé en parallèle par Charles Bronson & Ennio Morricone (Il était une fois dans l’Ouest, Sergio Leone, 1968), de l’innocence en souffrance à la conscience en déshérence. Christique, doté d’un vrai-faux patronyme maternel explicite, « Scott Mary » se révèle vite un élève doué, disons à la Stephen King, mais au prix élevé, infernal, de son âme.



Mélodrame moral, au titre biblique, I giorni dell’ira se termine ainsi à l’unisson de L’Inspecteur Harry (Don Siegel, 1971). Dorénavant respecté, redouté, le vainqueur vaincu, écœuré par ce qu’il vient d’accomplir, de traverser, jette son revolver légendaire, relique de l’époque de O.K. Corral, sorte de serpent fumant, s’en va au bras de l’émouvant mendiant, de l’idiot à la Dosto(ïevski, voui), seul personnage encore pourvu d’une partielle pureté. Auparavant, avant l’impitoyable parricide par procuration, le règlement de comptes mémoriel, générationnel, l’hécatombe des « notables » malhonnêtes, le sac de leur confort, la destruction de leurs constructions, Scott croise des femmes plus ou moins fréquentables, secourables, redoutables, volontiers énumérons les noms d’Yvonne Sanson en maquerelle maternelle, de Christa Linder en prostituée sereine sur sa scène, d’Anna Orso en fifille de juge, fallacieux transfuge. Il assiste, sidéré, nous itou, à un tournoi d’exploit, comme si l’imagerie du western virait vers celle de la chevalerie, au cours duquel les duellistes doivent charger leurs fusils sans « déseller », olé. Rusé, « l’étranger » dessoude son adversaire, mercenaire surnommé « Le Saint », le cascadeur Benito Stefanelli s’y colle, d’une balle en pleine tête. Jadis, au sortir du lieu-dit « Bowie », il subissait le supplice d’être trainé au sol via trois cavaliers vénères, « manège » guère magnanime, en récoltait sur son poitrail le stigmate écarlate. Catho plutôt qu’homo, Tonino, co-scénariste, illustre avec un classicisme attentif, admirez le tout premier plan descendant sur le glissando de Riz Ortolani, le script d’Ernesto Gastaldi & Renzo Genta, en sus de sembler recycler les reconnaissables extérieurs, sinon les intérieurs en studio, de la dite, « mythique », Trilogie du dollar (Leone, 1964-1966).

Ici, au sein de ce film européen, assez sérieux, peu joyeux, un mulet se nomme néanmoins « Sartana », croyez-le ou pas, clin d’œil inclus, bienvenu, au célèbre « pistolero » transalpin. Ici se tisse la filiation en contrefaçon du méta, mortifère, Mon nom est Personne (Valerii, 1973). Résumons : la co-production italo-teutonne, au tournage surtout espagnol, mérite aisément son exhumation de saison, en effet fable affable, puisque conte pas concon.


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