The Private Afternoons of Pamela Mann : Blow Job


Demi-journées à partager, bobines à adouber…


Tourné en moins d’une semaine, métrage de mises en scène, celle du récit, celle de la réalisation, The Private Afternoons of Pamela Mann (1974) repose sur une filature d’imposture : un privé à la Powell (Peeping Tom, 1960) espionne une épouse soupçonnée, a priori décomplexée. La dernière scène démentira les pseudo-doutes du mari, scellera sur l’oreiller la complicité amusée du couple point en déroute. À l’ultime plan, un rideau descend, surprenant, cohérent, toile d’écran où se mire la lumière du projecteur mateur, amateur. Estimable film méta, Les Après-midi privés de Pamela Mann s’apparente à un art poétique, à une allégorie analytique. New-yorkais, cinéphile, universitaire, opérateur pendant la guerre (de Corée), monteur (de trailers), auteur-adaptateur d’écrivains classiques, de Jeanne de Berg & Violette Leduc, admiré par Andy Warhol, honoré par une rétrospective à UCLA, par un dépôt au MoMA, Radley Metzger, décédé en 2017, signe ici, en sus scénariste, rebaptisé Henry Paris, une réflexion en action(s) au sujet d’une imagerie alors médiatisée, à succès. Produit par sa partenaire régulière, professionnelle, personnelle, la pionnière Ava Leighton, interprété, principalement, par Barbara Bourbon, comédienne de Méthode à la sauce Strasberg, monté par Doris Toumarkine, remarquez ses caméos en sondeuse de socio, déguisée au générique en Lola LaGarce, éclairé par Paul Glickman, collaborateur de Larry Cohen pour Meurtres sous contrôle (1976) ou The Stuff (1985), musiqué de manière aimable par Robert Rochester, ce métrage d’un autre âge met à nu le mécanisme imitatif du produit pornographique, dévoile l’invariant de son voyeurisme, duplique sa propension, sinon sa compulsion, à la reproduction, celle des positions, celle des productions.



Il s’agit aussi d’un item moral, d’un opus de classes, assez lucide, jamais dégueulasse, en dépit d’un vrai-faux viol commis à domicile, au creux d’un parking, près d’une Mercedes, par un tandem de domestiques disons radicaux, armés, point marxistes, Darby Lloyd Rains & Jamie Gillis ravissent, sévissent. Pamela, altruiste de son état, pratique par conséquent le cinq à sept en experte, se maquille au début, se démasque à la fin. Moins argentée, davantage désabusée, voire dégoûtée, selon ses dires, la secrétaire de son homme (d’affaires éditoriales), jubilatoire Day Jason, subit au boulot, sur son visage, les éjaculations à répétition de son collègue à la con, d’ailleurs doté d’une moustache, d’une permanente, à la John Holmes, running gag drolatique, presque pathétique. Elle finira par se vêtir d’un bavoir orné d’un homard, par se masturber sur le bureau, avocate pro domo d’une vie normale, saine, amen. Miroitée le matin, doigtée avec doigté par l’infernale, triviale, Georgina Splevin (The Devil in Miss Jones, Gerard Damiano, 1973), prostituée occupée, guérisseuse malicieuse d’homo tourmenté, simulé, rassurons le lobby LGBT, jeu de dupes au carré, Madame Mann, justement, s’essaierait de son plein gré à la Deep Throat (Damiano, 1972). Aussitôt dit, aussitôt accompli, en compagnie de Marc Stevens, modèle pour Mapplethorpe, à proximité d’un pont sous peu immortalisé par Woody Allen (Manhattan, 1979). Regardé en replay, cette fois-ci au ralenti, l’instant témoigne de capacités buccales en faisant l’égale végétale de Linda Lovelace. Tandis que le détective, épris, se pique de psychologie, se soucie de déontologie, elle assiste en coulisse à une réunion politique hypocrite, où sucer de façon express le candidat droitiste, à côté du bouquin autobiographique d’Anthony Quinn, intitulé à juste titre The Original Sin.



Reflétée par la glace, l’élégante, inaccessible, en surface, en profondeur putain, peut-être, verbatim de private, Pamela soulève sa longue robe noire, réponse culottée, sans culotte. Après l’exercice de triolisme, (ra)mené au miroir, Eric Edwards se dédouble, l’héroïne se came au champagne, assiste en spectatrice, assise puis allongée sur son lit, à ses exploits passés, récapitulatif incitatif, home movie commenté par Monsieur Mann himself, à peine perturbé par l’invasion vidéo d’une autre enquêteur idem démissionnaire, par la boucle bouclée d’un second anniversaire aussi peu sincère, d’un troisième reporteur contacté au téléphone. Les protagonistes s’envoient fissa en l’air, tissés, enlacés, entrelacés, montés, démontés, remontés, par un émule de Nicolas Roeg. Deux ans plus tard, Paris réalise The Opening of Misty Beethoven (1976), comédie cosmopolite, My Fair Lady (George Cukor, 1964) défloré, pareillement acclamé. Sympathique mais anecdotique, ce conte d’éducation (sexuelle) adresse un clin d’œil in situ au Sexe qui parle (Frédéric Lansac, 1975), retravaille l’oralité, l’homosexualité, in extremis inverse les rôles, les féministes en raffolent. Première partie du diptyque apocryphe, The Private Afternoons of Pamela Mann demeure une réussite souvent comique, merci aux répliques, un drôle de jeu de rôle judicieux, excitant, émouvant, cf. la face de Barbara entre les bras de Georgina, dont la moralité s’avère cependant un chouïa désenchantée, puisque la dame, le mari, tout sauf démunis, en définitive instrumentalisent leur petit monde, le dirigent à leur guise, à la ronde, a contrario des bandes certes souvent écœurantes, déprimantes, amatrices, amateuristes, néanmoins démocratiques, sociologiques, de Laetitia jadis, de Jacquie & Michel aujourd’hui.


La pornographie, un sport de riches, une exploitation d’exploités ? En tout cas, à l’occasion, en résumé, un divertissement bon enfant, rétif au tragique, une démonstration de saison, une histoire d’amour, de cinéma, une œuvre valeureuse qui vous séduira, en solo, en duo, pourquoi pas…

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