Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel : À la rencontre de Francesca Archibugi


Une venue attendue et un univers à redécouvrir…


Sólveig Anspach, Kathryn Bigelow, Antonia Bird, Liliana Cavani, Shirley Clarke, Jodie Foster, Ann Hui, Naomi Kawase, Mary Lambert, Sondra Locke, Ida Lupino, Jennifer Lynch, Mira Nair, Christine Pascal, Leni Riefenstahl (hélas), certaines que nous apprécions, au hasard de la mémoire, parmi beaucoup de consœurs derrière la caméra : à défaut de faire tourner (rond) le monde, de lui conférer « son équilibre et son harmonie » (Truffaut, L’Homme qui aimait les femmes), le sexe supposé faible ne se priva jamais de le saisir. Contrairement à la confortable légende doloriste de la « discrimination » – valeur majeure du travail des monteuses et des scriptes, réelles difficultés d’accès à la profession (des professionnels) corrigées par les modifications des représentations sexuées –, elles surent souvent s’attacher à des thématiques « transgenres » et peindre de subtils, tendres et impitoyables portraits masculins. Le nom de Francesca Archibugi, croisé au fil de l’actualité « spécialisée », occupe de plein droit une place mémorielle dans notre « liste » cinéphile et sentimentale.        

Car l’on garde un très bon souvenir d’Il grande cocomero. Découvert en salle, dans le sillage de sa présentation cannoise, ce mélodrame médical (sous-genre redoutable) séduisait par sa justesse, son humilité, sa force de vie, aussi. Une adolescente apparemment épileptique, un couple en crise, un psychiatre divorcé, une petite patiente cancéreuse : n’en jetez plus ! Francesca Archibugi, réalisatrice et scénariste, tirait pourtant, avec talent, tout ceci vers le haut, mêlant les larmes aux sourires, l’observation précise d’un hôpital au quotidien, possible métonymie de la société italienne d’alors (malgré ses compréhensibles préventions d’artiste éloignée des sondages universitaires), à des portraits individuels bien animés par Sergio Castellito (modelé sur Marco Lombardo Radice, sorte de Françoise Dolto local), la trop rare Anna Galiena et la pasolinienne Laura Betti (mention spéciale à la jeune Alessia Fugardi, quelques longs métrages puis de la TV, après).

Depuis ce beau film couvert de prix en 1993, la signora Archibugi, jouant Goethe à dix ans (!), formée au célèbre Centro Sperimentale di Cinematografia, assistante de Marco Tullio Giordana et d’Ermanno Olmi, révélée avec Mignon è partita (1988), dirigea Sandrine Bonnaire et Marcello Mastroianni, Stefania Sandrelli, Kim Rossi Stuart, Jasmine Trinca, s’intéressa au jazz le temps d’un documentaire, se vit adoubée par Lina Wertmüller : joli parcours, dont ne nous parvinrent pourtant (problèmes de distribution, de diffusion, qui entravent, avouons-le, notre claire vision de la filmographie contemporaine) que des échos, même si toujours positifs. Elle viendra présenter à Tours, au mois de mars, sa version du Prénom (non, merci) ; nul doute qu’Il nome del figlio, retrouvailles avec la solaire Valeria Golino, réjouira les spectateurs français (vous nous raconterez), qui ne la connaissent pas encore assez.












Pour tout savoir d’un jeune festival à l’intéressante programmation : 

Durant l’entretien ci-dessous, la cinéaste parle bien (en VO) de ce titre, de la pièce originale et d’autres choses, évoquant notamment la famille (la sienne, non « traditionnelle », plutôt « fraternelle »), les rapports sociaux (des émotions et des sentiments jugés intemporels), Polanski (l’inoffensif Carnage, ou l’attrait d’un cinéma de personnages, pas de situations), le métier de filmer (débuter via le petit écran, pour le travail et l’expérimentation, mais chercher sur le grand l’indépendance et la liberté, sans négliger l’apprentissage technique, primordial, ni le suivi de son évolution).

Soulignons in fine sa volonté de ne pas faire œuvre de sociologue – la cinématographie transalpine possède cependant une évidente dimension sociale, à ne pas confondre, en effet, avec cette discutable « science humaine » –, de se voir et vouloir en tant que narratrice, une tâche ancienne et nécessaire, ses débuts confondus avec ceux de l’espèce humaine (comme un écho involontaire au Stephen King de Nuit noire, étoiles mortes, ardent défenseur de la prose narrative, perçue en moyen de connaissance et de sens existentiels).










Le lecteur (la lectrice) pourra en outre visiter notre « musée imaginaire » (vivant, au présent) du cinéma italien à l’adresse suivante :    

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