Viridiana : Mon oncle
Elle voulait faire le bien autour d’elle, mais le Diable mène le monde, assurément...
Le film débute tel un drame
nécrophile démarqué de Sueurs froides, puis devient une
comédie noire et s’achève sur un bourgeois ménage à trois issu du vaudeville, histoire de faire la nique à la censure hispanique, effarouchée par une
conclusion davantage explicite (Cousin, cousine dans le même lit du
péché, disons) et de remporter une palme du côté de Cannes.
La structure en deux parties peut se
lire comme un collage de La Chute de la maison Usher (que le
réalisateur adapta pour Jean Epstein) et du Système du docteur Goudron et du
professeur Plume : renversement ironique du rapport de force,
épiphanie schizophrénique, retournement diégétique tel un regard caméra méta
symboliquement adressé au spectateur-voyeur (pléonasme épistémologique). La
liberté narrative de Buñuel, plus grande que celle de Hitchcock, surtout dans
les derniers films, rejoint itou la
césure de Psychose, similaire parabole sur l’Enfer privé pavé de plus ou
moins bonnes intentions.
Autre différence : le monde moderne
s'insinue chez Buñuel presqu'à la sauvette – pensons au terrorisme dans Le
Charme discret de la bourgeoisie et Cet obscur objet du désir
– alors que le cinéma de son admirateur/rival prend acte de l'évolution de la
société autant que de sa représentation, avec notamment l'avènement de la
vulgarité ; mettre en relation, à ce titre, Sueurs froides, Frenzy et Body
Double, trilogie apocryphe autour de la profanation d’une
« sainte » (de surcroît épouse modèle
et martyr) transformée en « femme libérée » des années 70 (étranglée
avec une cravate – de notaire, of course)
puis en « star du X » aryenne avide de se faire ingénument tout Hollywood.
Incarnée par
la virginale Silvia Pinal (que son oncle Fernando Rey voudrait bien piner), bientôt diable délicieux tentant
en noir et blanc l’anachorète barbu (autre redondance) de Simon du désert,
l’héroïne conserve son mystère dans les affres de sa sainteté, version adoucie
du destin tragique d’Ingrid Bergman pour Europe 51 ; dans l’imaginaire
cinématographique et culturel du Sud, de la latinité endiablée, volontiers blasphématoire (la Cène relookée façon Benetton), la mère, on le sait, voisine tout près de
la prostituée.
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