Asher : Jackie


 « Tueriez-vous Hitler ? » Question rhétorique, à la Johnny Smith, ma chère…


On n’espérait pas grand-chose de Michael Caton-Jones, signataire impersonnel d’opus insipides, dispensables, baptisés Scandal (1989) ou Basic Instinct 2 (2006), surtout pas un semblant de style. Ainsi son Asher (2018) ne déçoit pas, petit polar pépère de Grosse Pomme, à base de Mossad, d’Alzheimer, d’ennui joli, de rédemption d’occasion (Hitman: Redemption, titre britannique programmatique). Mais on se laissa séduire par sa distribution pour ainsi dire en béton, surtout par la présence des très estimables Famke Janssen & Jacqueline Bisset. Je me dispense de reprendre ici tout le bien pensé à propos de l’interprète du Maître des illusions (Clive Barker, 1995), de X-Men (Bryan Singer, 2000), de La Dernière Mise (Chris Eigeman, 2007) ; je ne développerai pas davantage le portrait déjà dépeint de la dear Jackie, retournez-y. Cependant ces actrices, mère et fille de surcroît, ensemble sur leur chemin de croix, méritent un peu plus d’une heure et demie d’une vie de cinéphilie, oh oui. Il convient de découvrir Jacqueline à contre-emploi, en train de ne plus reconnaître celle qu’elle enfanta, qu’elle blesse presque à dessein, qu’elle laisse ramasser ses excréments (hors-champ, vade retro Salò selon Paso), qu’elle épuise avec ses souhaits de suicide, qu’elle délivre, in extremis, via une vidéo d’avant, du vieux temps charmant, ne regrette rien, ma chérie, va au bout de tes envies. Il faut féliciter Famke pour les nuances de son jeu, femme triste, altruiste, capable d’ouvrir sa porte puis son lit, de sourire aux mille manières d’occire sa mère. Bien sûr, nous voici loin de Amour (Michael Haneke, 2012), autant que de L’Impasse (Brian De Palma, 1993), en dépit d’une scène citationnelle, de ballet admiré, derrière une vitre symbolique, de Il était une fois en Amérique (Sergio Leone, 1984), autre récit, itou new-yorkais, de gangstérisme sémite, d’une autre trempe (proustienne).



Néanmoins, par moments, le métrage émeut en mineur, romance tardive, survivance maladive, situe les héroïnes, par exemple la flingeuse malicieuse, généreuse, cadeau sur un plateau de vrai-faux anniversaire pour vrai-faux garde du corps, encore, par exemple l’épouse du mercenaire œdipien, parricide, avide, fissa dessoudé, elle-même enceinte, nonobstant assassinée, du côté de la lumière, pas de la guerre (des gangs), de la détresse, de la tendresse. Lorsque Asher se saisit d’un oreiller, afin d’étouffer de façon définitive les souffrances de Sophie & Dora, le film méconnu, mésestimé, met en scène son dilemme moral et assure le salut de l’exécuteur doté d’un cœur. Ron Perlman, acteur tout-terrain, parce qu’il le vaut bien, alors co-producteur d’un projet personnel, prête ses traits blanchis, attendris, au colosse taciturne, pourvu d’un parapluie pragmatique. Face à lui, quasiment méconnaissable, en saligaud cuistot, en rosse Chronos, Richard Dreyfuss ne faillit pas, ne faiblit pas, patriarche impitoyable, étranglé par son amical/létal ancien soldat. Fable assez fade au sujet de la vieillesse ogresse, de la domestique démence, de la seconde chance, à saisir au risque de mourir, de voir trépasser les siens, l’ouvrage à moitié convainc, à la fois valeureux et vain, comme l’excellent vin acheté par l’esseulé intéressé, dégusté trop en solo. Jamais surprenant, parfois attachant, Asher, shooté en widescreen, éclairé en low-key dépressif (par Denis Crossan, DP sur L’Affaire Karen Mc Coy ou Souviens-toi… l’été dernier), manque de chair, de caractère, il repose et s’impose grâce à son gracieux, solide casting. Associé au scénariste Jay Zaretsky, Michael Caton-Jones croit peut-être avoir réalisé un conte (d’une fée, défait) masculin, urbain, à l’esthétisme et au rythme seventies. En vérité, il s’agit d’un divertissement féministe, à la mélancolie con(v)tenue, en clair-obscur.


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