The Furies : La Région sauvage
Des « belles », des « bêtes », comme un codicille au
conte d’Amat Escalante...
Le slasher, on le sait, ne séduit guère les cinéphiles féministes, qui
n’y perçoivent qu’un amas de misogynie, d’effarantes fadaises, désormais
dénommées « féminicides », amen.
Si The
Furies (Tony D’Aquino, 2019) semble se situer au sein de l’imagerie
ressassée, afin de la mieux renverser, d’attribuer aux proies une victoire
provisoire, sur leurs chasseurs remplis d’une froide fureur, il contourne en
réalité le conflit sexué, il tamise son manichéisme liminaire de nuances
surprenantes, je pense à ce salut de la main, échangé entre la kidnappée, son
poursuivant. Dans la forêt à vif de The Furies, les tueurs meurent, tête
masquée, à distance explosée. L’épilogue, sous forme de mise en abyme ironique,
sado-masochiste, tel voyeur, tel spectateur, nous apprend les tenants et les
aboutissants du jeu sanglant, organisé par une obscure société, pour le bon
plaisir et le mauvais replay de
riches oisifs, asservis à domicile aux snuff
movies, accessoirement propriétaires de voitures de luxe, aussi rouges que
les cibles regroupées, que les bourreaux décérébrés, au sens fort du terme,
puisque eux-mêmes programmés, parfois sacrifiés. Un émule de Mabuse mate le match, en définit le déroulement, assure
le SAV auprès du principal intéressé, juste avant que le client alcoolisé ne se
fasse immobiliser puis torturer, hors-champ, rapprochez les enfants, selon les
bons soins de la survivante enfin au courant, y voyant plus clair, malgré son
œil foutu en l’air, mouchard arraché, sans anesthésie, merci. Auparavant, la
presque morte, toujours accorte, aussitôt séparée de sa best friend, dispute
nocturne à base d’émancipation, de « patriarcat » mis en cause, au
moins sur un mur à message, s’extraie d’un cercueil artisanal, rencontre ses
consœurs, ses adversaires, ses soutiens et leur contraire, gare à la traîtresse
à la face fissa fendue en deux, mes aïeux, arpente les restes sinistres d’un
site disons touristique, jadis mine d’or, maintenant terrain miné, électrifié,
pour les pauvres corps.
Incarnant une épileptique, quasiment
mystique, car visitée par des visions empruntant le POV de Predator (John McTiernan,
1987), plutôt bien entourée par un casting
au diapason, de la tension, de l’émotion, Airlie Dodds convainc assez, s’épuise
sans nous épuiser, réussit son duraille examen
d’indépendance, de souffrance, de revanche. Tourné à peu de frais, avec
sincérité, avec un soin impersonnel, lesté d’une bande-son casse-bonbon, à la
finesse colossale, The Furies s’avère en définitive un divertissement éphémère, un
opus de girl power, une moralité au gore
un brin hardcore, mention spéciale au
sévice inaugural, belle figuration de défiguration. Certes, tout ceci demeure
superficiel, manque de profondeur, cite l’explicite caméra au sol de Cannibal
Holocaust (Ruggero Deodato, 1980) ou C’est arrivé près de chez vous
(Rémy Belvaux, André Bonzel, Benoît Poelvoorde, 1992), autres fables fameuses,
similaires, différenciées, à propos de films effroyables, effrayants, exit cette fois-ci la dimension
sociologique. Néanmoins, ce premier essai réalisé par un ancien brasseur,
stupeur, ne mérite point la poubelle visuelle, les louanges angéliques ni les
reproches rachitiques. Tandis que les plus exigeants, sinon les plus
nostalgiques, se souviendront de l’éprouvant Wolf Creek (Greg McLean,
2005), les plus indulgents décideront de s’aventurer, durant une heure vingt, à
l’intérieur de cette traque jamais foutraque, hélas délestée de la folie
furieuse, contagieuse, de son titre mythologique. L’Australie à nouveau se
dessine en territoire trou noir, en enfer solaire, en royaume morose,
d’exotisme rosse, dirigé par les descendants d’un certain comte Zaroff (The
Most Dangerous Game, Irving Pichel & Ernest B. Schoedsack, 1932). Homo homini lupus, paraît-il, mais les
femmes, ici itou, nous égalent, rivalisent de violence, de résilience,
d’amitié, de solidarité. Au final, Kayla se réinvente en Diane chasseresse, en
justicière amère, sa liberté au prix de son humanité.
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