Nashville Lady : Des gens comme les autres
Suite à sa diffusion par ARTE, retour sur le titre de Michael Apted.
Rencontre improbable entre Délivrance
et Honkytonk
Man, cette biographie musicale d’une country girl, dans le double sens de l’expression, séduit in fine par son humilité
a-spectaculaire, sa candeur anachronique, à l’image de son héroïne et du genre.
Apted, cinéaste anglais (d’où la précision sociale), par ailleurs auteur du métaphorique
Gorky
Park et d’un autre biopic, dédié
à Dian Fossey (Gorilles dans la brume), filme sans une once de misérabilisme
des gens pauvres et travailleurs (pléonasme), l’éclosion d’un talent, au sortir
de la Seconde Guerre mondiale, dans une petite communauté sudiste et rurale. Ni
Ford, ni Cimino, ni Boorman, il dessine sagement le portrait pastel d’une
chanteuse par hasard, d’une femme-enfant déflorée à quatorze ans, piètre
cuisinière, mère à quatre reprises (sans jeu de mots) et amoureuse d’un seul
homme, Doo, vétéran du Débarquement, lui achetant une guitare pour leur
anniversaire de mariage et devenant son stimulant puis esseulé imprésario.
La gloire naissante, les tournées
incessantes, le duo généreux avec l’icône Patsy Cline (brune et non doublée
Beverly D’Angelo), promise à une fin prématurée calquée sur celle de Buddy Holly,
les tensions du couple, l’adieu (provisoire) à la scène causé par un épuisement
nerveux : les menus épisodes s’enchaînent sans éclat mais pas sans saveur,
dans une success story heureusement
dépourvue de tout clinquant. Loretty ne se mue jamais en parvenue, malgré sa
maison sudiste à la Autant en emporte le vent. « Le monde est vaste »,
affirme Tommy Lee Jones, hâbleur, puéril et roux (!), pourtant les tourtereaux
ne pousseront la chansonnette qu’au Kentucky et au Tennessee, avec la scène du
Grand Ole Pry en consécration, occupée « dix-sept fois d’affilée ».
Plutôt que de « rêve américain », il faudrait parler de chronique
étasunienne : l’œuvre refuse le lyrisme pour s’attacher aux choses de la
vie dans leur modestie précieuse, aux drames qui la parsèment toujours, traités
avec une appréciable sécheresse (la mort du père adoré).
Constamment tenu en dehors du beau
territoire du mélodrame (Eastwood), du gothique américain friand de ténèbres
consanguines (Faulkner ou le Siegel des Proies), ce parcours d’une fille de
mineur (titre original préférable à sa « traduction » française)
repose évidemment, pour une large part, sur les frêles épaules et la jolie voix
de Sissy Spacek, l’une des actrices les plus gracieuses et talentueuses du
cinéma US d’alors, Carrie White – comment ne pas tomber amoureux d’elle ?
– for ever et bien plus que cela ;
son visage si pur, ses yeux si bleus, son sourire si sincère, ravissent le
spectateur-auditeur, en font l’incarnation idéale de cette musique populaire et
la sœur de cœur de notre Édith Scob (plus tard, lestée d’une existence, la
comédienne émouvra encore chez Lynch, dans Une histoire vraie). Choisie par son
inspiratrice, primée par un Oscar mérité, magnifiée par la lumière réaliste et
artificielle de Ralf D. Bode (La Fièvre du samedi soir et Pulsions),
elle représente, « ignorante mais pas idiote », le vrai foyer de l’opus, son universel accent du Sud, sa
grandeur à taille humaine.
On peut certes préférer l’énergie vintage de Julie Andrews en Star !,
la flamboyance désespérée de Jessica Harper dans Phantom of the Paradise,
l’arrogance méta de Hanna Schygulla, égérie nazie pour Lili Marleen, voire le
charme canaille en play-back de
Jessica Lange, seconde Patsy Cline dans Sweet Dreams, mais Nashville
Lady vaut le détour (de chant) en sa compagnie, au fil de cette
bande-son (quotidienne et amoureuse) d’une autre Amérique, enfin délivrée de la présence ressassée des pervers white trash et redneck, des assassins en famille et en série, des horizons apocalyptiques (Take Shelter). Ici, les jours contiennent aussi leur part de
silence et de tendresse, tandis que les chansons reflètent l’âme de leurs
interprètes et de leur milieu, proches et lointains, simples et
mystérieux.
Un film vu à l'époque où je participais à des groupes musicaux, vers le début des années 80, certains étant fan de ce genre de music faisaient tout pour partager leur engouement, films à l'appui, l'ambiance dans les bars de concerts typiques dans la cambrousse reculée des villes, je l'ai retrouvée quasi inchangée en 1999 au pays des dits "redneck" non loin de la Virginie, ça ne bouge pas tant que ça et si vite même si certains grands médias nous font croire le contraire, selon certains L'Amérique rimant avec progrès, pour d'autres avec traditions et dans le Sud ça reste particulièrement ancré...
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