Rester vivant : Méthode : L’Antre de la folie

Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur le titre d’Arno Hagers, Erik Lieshout, Reinier van Brummelen.

Ce sympathique essai de soixante-dix minutes se caractérise par sa douceur, son apesanteur. Iggy Pop profère de manière remarquable des extraits du texte de Michel Houellebecq traduit avec fidélité. Il lit aussi un bel écrit de Jérôme Tessier, Stéphanois autrefois interné, récit d’une sortie de route hors de l’anormale normalité. Le résident de Floride roule quant à lui en Rolls Royce et explicite son autobiographique-métaphorique Open Up and Bleed (1988). Il sert itou de fil rouge, parfois téléphonique, à trois portraits croisés, rajoutons l’hôtesse d’accueil parisienne Anne Claire Bourdin, fumeuse mélancolique + le peintre lyonnais Robert Combas, à l’accent sétois. Erik Lieshout signa un making-of de La Possibilité d’une île (2008) dont le romancier, ici co-scénariste, à nouveau acteur après L’Enlèvement de Michel Houellebecq (Guillaume Nicloux) ou Near Death Experience (Benoît Delépine & Gustave Kervern), tandem millésimé 2014, reprend l’identité de Vincent Greilsamer, artiste-ermite quinquagénaire à la création-révélation de cave tenue hors-champ, « secret de la vie » coloré, olé. La problématique identitaire, tout sauf austère, traverse l’appartement, l’hôpital, l’atelier, le domicile des grands-parents défunts, état des lieux d’états d’âme(s) au rythme musical de travellings à la Shining (Stanley Kubrick, 1980) accompagnés par le leader des Stooges mais de surcroît Archie Shepp, Samuel Barber ou Franz Schubert. Notre duo de documentaristes, Hagers en sus au son, assorti du concours d’un directeur de la photographie spécialiste des effets spéciaux, van Brummelen, itou monteur, par ailleurs collaborateur de Larry Clark & Peter Greenaway, délivre un ouvrage sans doute un peu trop sage, jamais au bord du précipice aperçu ou vécu par les intéressés, qu’il écoute et saisit avec soin, avec respect, ni voyeuriste ni misérabiliste, Dieu merci.

Vrai-faux documentaire souvent drolatique, à l’image de la prose de Michel, toujours juste dans son ton, sa diction, ses émotions, dans ce qu’il dit de la vie d’aujourd’hui, pas seulement du côté des côtés, des désargentés, des possesseurs, jadis, de poste à responsabilités, des pensionnaires de HP, Rester vivant : Méthode (2016) donnera au spectateur, espérons-le, l’envie de découvrir ou de reparcourir l’opuscule stimulant, guère dépressif, sous influence à la fois de Schopenhauer & Platon. La souffrance, l’existence, la solitude, la vérité, la beauté, la bonté se voient survolées, vocalisées, illustrées en saynètes point suspectes, irruption caressante de la fiction au creux de la dureté du réel. Après les témoignages, les éclairages, la rencontre cohérente entre les deux icônes contemporaines survient enfin, sommet sur canapé d’admirateurs réciproques. Rester vivant : Méthode se termine par une marche sur macadam étrangement émouvante, quintet d’éclopés, de cabossés, de survivants intéressants, attachants, attendrissants, aux talents inégalitaires et pourtant complémentaires, Jim Morrison en joli point commun reliant le rockeur lecteur et la passagère de RATP. Iggy Pop paraît conduire en regard caméra son armée minuscule, escorté par les cordes du requiem de John Merrick (Elephant Man, David Lynch, 1980), lance avec le sourire un appel à « l’attaque poétique ». Alors l’avenue s’ouvre sur l’horizon, sur une ascension en drone, et « l’éternité » de papier, de ciné, de persistance, pourquoi pas amoureuse, par-delà tout ce qui nuit, amoindrit, détruit, semble à portée de main, dès demain. Un feel good movie en forme d’oxymoron, dixit l’affiche ? Un petit poème apaisant, plaisant, inoffensif et cependant sincère, auréolé, à défaut de violence, d’ivresse, d’une appréciable lucidité, d’une communicative tendresse, bien loin de la gêne des gaz lacrymogènes du minable Emmanuel.