Titanic Rising : Nathalie

 

Miroir du drame ? Dame au miroir…

Il avait un joli nom mon guide

Gilbert Bécaud

Votre serviteur la découvrit en coda du Chemtrails over the Country Club de Lana (Del Rey, olé), reprise du For Free de Joni (Mitchell, ma belle), revisité à trois voix, voilà Zella (Day, eh ouais). Deux ans avant paraissait un opus acclamé à juste titre, au titre antithétique explicite. Voix virtuose, lyrics au cordeau, mélodies remarquables, arrangements stimulants : Titanic Rising se caractérise par ses qualités, sa singularité, ses correspondances avec le passé. On peut certes ainsi (re)penser à Miss Mitchell, à la très chère Karen Carpenter, à Brian Eno & Brian Wilson, cependant ce disque exquis, plein, épuré, dix pistes d’une quarantaine de minutes de calme tumulte, possède sa propre personnalité, ne ressemble en réalité miroitée, pas augmentée, qu’à sa svelte interprète, l’auteur, compositrice, réalisatrice Natalie Mering, alias Weyes Blood. Wise blood de wise girl ou guère, bon sang ne saurait (dé)mentir, aussi voici Mademoiselle Mering en descendante ascendante et fifille fêtée (par la presse supposée spécialisée) d’une famille musicienne, Californienne flanquée d’une formation classique, académique, privée, avortée, d’une religiosité, voire d’une ruralité, dont l’importance et la prégnance se ressentent ici, tant mieux, pas tant pis. Âgée de trente-trois années, compte christique, chic, l’artiste cinéphile (salut à Kate Bush) s’accomplit encore (et se met en scène de façon tout sauf malsaine) au creux de clips sympathiques, trinité visionnée de slasher à la sauce seventies (Everyday), aquarium pour femmes + hommes (Movies), baptême et body painting (Wild Time). Mering affirme le mirage des images, adolescente elle s’en désola, désormais, en studio, au micro, écoutez-la sur KEXP, elle valide leur « évasion », elle admet une « douce-amère relation ».

Dans La Rose pourpre du Caire (Woody Allen, 1985), dans Démons (Lamberto Bava, idem), le cinéma méta, mélodramatique ou horrifique, carburait à la contamination, à l’imitation, à l’invasion, à la désillusion. Dialoguant à distance avec le sexuel Le Cinéma de Claude Nougaro & Michel Legrand, l’existentiel Ainsi soit-il de Louis Chedid, documentariste d’ailleurs devenu chanteur, Movies renverse la donne, donne à voir des spectateurs et des spectatrices actifs, prompts à pénétrer un écran aquatique, à suivre une sirène hypnotique (Ophélie blondie), à nager un unisson symbolique, de lien magique, magnifique, alors qu’à l’extérieur de la salle sépulcrale, vaginale, utérus-tombeau (womb versus tomb) à la Inseminoid (Norman J. Warren, 1981), matrice-mausolée à la (Gérard) Manset, la chanteuse gracieuse danse et s’élance, in extremis (re)plongée parmi la liminaire humidité, la fameuse féminité, tandis que dans La Clé (1983) de Tinto Brass, gros point dégueulasse, Stefania Sandrelli jouit et fait pipi, mouille et se mouille, en bord de mer amère, molto musso(linienne), se duplique à la psyché du plaisir et du pire. Si le monde sombre, il existe pourtant une « puissance bienveillante », (inter)personnelle, universelle, essentielle, capable de nous élever, relever, hisser, rehausser. Contre la contemporaine colère, en écho à naguère Kenneth Anger (Scorpio Rising, 1963), Weyes Blood ressuscite une certaine sagesse, une lucidité en chanté, (dés)enchantée, mes amitiés à Demy, pardi, où dominent le changement, les sentiments, l’astronomie, la mythologie, la foi, le reflet, le suicide, l’hymne. Qu’elle avoue son admiration (inspiration) envers Harry Nilsson, remember Macadam Cowboy (John Schlesinger, 1969), qu’elle conçoive l’inconscient tel l’océan, voire l’inverse, Weyes Blood délivre un bel album à destination de notre temps, ne pouvant laisser indifférent.

Placé sous le signe du lyrisme, de l’espérance, de l’indépendance, Titanic Rising, en raison de son ramage, a fortiori de ses naufrages, invite au sauvetage et mérite mon hommage.   

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