Enfer mécanique

 

Un métrage, une image : La Course à la mort de l’an 2000 (1975)

Plus impersonnelle que Private Parts (1972), voici une dystopie anecdotique et cependant drolatique. Ni Rollerball (Norman Jewison, 1975), ni Mad Max (George Miller, 1979), Death Race 2000 (Paul Bartel, 1975) s’avère vite une comédie noire et satirique, dont la portée politique assumée n’étonnera que ceux qui méconnaissent le supérieur The Intruder (Roger Corman, 1962). Il s’agit donc d’une production de « l’écurie » cormanesque, vocable ad hoc puisque le road movie de vilain avenir carbure à la compétition sur roues, autorisation de tous les coups, surtout les pires, les piétons pointés pouvant rapporter un paquet, jeunes ou âgés, au hasard ou destinés, institués ou sexués. Fable affable sur la fameuse « Frontière » refaite, défaite, le film à succès adresse des clins d’œil à l’Histoire plus ou moins héroïque et aux imageries cinématographiques, via les noms des protagonistes pas tristes, dignes de catcheurs montés sur moteurs : Frankenstein & « Mitraillette » Joe Viterbo, Calamity Jane & Matilda Attila, Cléopâtre & Nero the Hero, sans omettre la doyenne et rebelle Thomasina Paine, au patronyme très connoté, en tout cas de l’Atlantique de l’autre côté. Tout ce petit monde joli et immonde croise sur sa route en déroute, vaincre coûte que coûte, un « Mr. President » résidant à l’étranger, in fine trépassé, des commentateurs à donner des haut-le-cœur, des résistants ne résistant plus à l’appel de l’action directe, chouette, et aussi une suicidaire groupie, Laurie incarnée par Wendy, la propre sœur du réalisateur, lui-même déguisé en médecin. Bartel et le tandem de scénaristes issus du sérail de la « série B » tirent à balles presque réelles sur le politique, le médiatique, le public, les nouveaux et vieux jeux du cirque, le font sans un soupçon de cynisme, de démagogie, assortissent leur farce féroce et véloce d’un zeste de vraie-fausse francophobie, fichtre. Trente ans après la cessation des hostilités, on pouvait se permettre de revisiter, brocarder, les symboles et l’époque nazis, La Course à la mort de l’an 2000 certes pas à situer dans le registre européen et explicite de Portier de nuit (Liliana Cavani, 1974) ou Salon Kitty (Tinto Brass, 1976). Avec son casting choral impeccable, son assassinat quasi à la JFK, son sous-texte de mélodrame œdipien, « tuer le père » patibulaire, par procuration, grenade au lieu de greffon, le divertissement de son temps séduit modestement, s’autorise à d’estimables détours en direction du dessillement et de l’amour, mention spéciale à la danse surprenante et stimulante entre l’increvable David Carradine et la mimi Simone Griffeth, vainqueurs et successeurs à la Carpenter (They Live, 1988), époux élus, pour pays violent et vrombissant…              

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