Arrêt d’autobus
Un métrage, une image : Un drôle de dimanche (1958)
Bien moins doué que le second
Allégret, Marc trame un mélodrame terminé en comédie, merci à la maladresse
masculine doublement humide. Ex-capitaine
que cocufie son ancien sous-lieutenant, tiens, Hanin, Bourvil incarne un
vétéran blessé dans sa virilité, en souffrance de la fuite de sa pharmacienne
de femme, qu’il rencontre encore à côté d’une traction, qu’il va essayer
d’épater au volant de l’empruntée Chevrolet de son patron, colonel au civil, manager magnanime. Peut-on démoraliser
un homme, un mec démobilisé, au propre, au figuré, de surcroît collectionneur
de gramophones de malheur, à cause d’un manteau ? « Garce » pas si
dégueulasse, au cœur reconquis presque de guerre lasse, Danielle Darrieux
déclare oui illico, affirme le soi-disant
deuxième sexe « fragile », « vulnérable », éprouve le besoin un brin
mesquin d’être en beauté, « rassurée », par ici la monnaie. Le « publiciste » dépressif croise au creux de l’escalier de sa pension de vieux garçon, où sévit
Arletty en émule de Molière, en logeuse miséricordieuse, un trompettiste aussi
alcoolisé, sentimental, désespéré. Jean-Paul Belmondo, à nouveau avec Bourvil via Le Cerveau (Oury, 1969), adoubé
dare-dare par Jean-Luc Godard, musicien, donc bon à rien, pourtant pas noir, on
reprend espoir, paraît préparer l’ivresse vénère de Un singe en hiver
(Verneuil, 1962). Tout ça sent le studio vieillot, les portes ouvertes,
refermées, les transparences de transports, sens au carré, en commun, en dépit
du dernier acte solaire, en plein air, tout ceci justifie à demi la colère, la
nouvelle manière, assumée, réclamée, selon les cadors des Cahiers. Porté par un
protagoniste falot, en surface misogyne, raciste en sourdine, ponctué des
caméos de Carmet, pompiste chercheur d’orifice, Lefebvre, réceptionniste
complice, Sardou, gendarme relou, Un drôle de dimanche ressemble à un
certain ciné français, asphyxié, des années 30, s’étire durant une heure
trente, cloue en quelque sorte le cercueil du réalisateur façonneur de Fanny
(1932), Sans famille (1934) ou Félicie
Nanteuil
(1945), ensuite, dès le mitan des années 60, retourné au documentaire, consacré
à l’Histoire, à la géographie, aux frères Lumière. En partie co-écrit par le
débutant Pascal Jardin et le dramaturge Jean Marsan (Les Grandes Manœuvres,
Clair, 1955 ou Ne nous fâchons pas, Lautner, 1966),
(mal) éclairé par Jacques Natteau, fidèle directeur de la photo d’Autant-Lara,
sorti des Misérables (1958) de Le Chanois, remarquez sur les murs
immaculés ces ombres immondes, musiqué par Paul Misraki, paroles de Jean
Broussolle, Compagnon de la chanson et lyriciste de La Belle Vie de Sacha Distel,
pardi, DD, on n’en doutait, savait chanter, le métrage d’un autre âge frise le
naufrage, ne mérite nul hommage, manque de la modeste audace du
Miroir à deux faces (Cayatte, 1958). Il lui suffit d’un flippeur afin
de fournir des flash-back, de
fomenter un féminicide à effaroucher les féministes. Rassurons toutefois la
lectrice, puisque le spécialiste des publicités porté sur les figurantes à
faire pleurer, la « gourde » accorte à hot-dog priée de ne penser, la demoiselle « bête », sa
mère guère malhonnête, mais mal aux pieds, finit baptisé, pardonné, Catherine,
« l’impardonnable » commis, admet en mériter la peine, évidemment
capitale, amen. Le couple en déroute
repart de la gare ; demeure un instant poignant, lorsque André, longtemps
avant Dalida & Delon, dit à Dany : « Que tu es
belle », bonheur cruel, cru éternel.
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